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Essais

L'ambition ou l'épopée de soi, Vincent Cespedes

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mardi, 17 Février 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

L'ambition ou l'épopée de soi, octobre 2013, 312 pages, 19 € . Ecrivain(s): Vincent Cespedes Edition: Flammarion

 

En ces temps de crise et de défiance, L'ambition ou l'épopée de soi est une excellente thérapie livresque pour se remettre en selle. Une invitation à sortir de soi.

Avouons qu'en France, l'ambition est un mot tabou avec une connotation très paradoxale. Comme le souligne l'auteur, "Qualifier un individu d'ambitieux est une attaque sournoise mais le sans ambition est une insulte". Nous nous laissons bien trop souvent influencer par ceux qui voient "l'ambition comme une forme de névrose. Une infirmité qui consisterait à ne pas se satisfaire de celui que l'on est". Le monde a pourtant besoin d'ambitieux pour avancer et se remettre en question. D'ailleurs, la philosophie par ses questions dérangeantes n'est-elle pas une forme d'ambition ? "L'ambitieux nous désécurise sans le vouloir, nous fait ouvrir les yeux. Il déconfortabilise, relance le questionnement que trop de satiété tarit". Alors pourquoi se priver de cette énergie grisante ?

Silence, Giovanni Pozzi

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mardi, 03 Février 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie, Payot

Silence, novembre 2014, traduit de l’italien et préface François Dupuigrenet-Desroussilles, 128 p. 14 € . Ecrivain(s): Giovanni Pozzi Edition: Payot

 

« L’homme est un solitaire qui n’est pas seul »

Giovanni Pozzi

 

« Il se tait », traduction littérale du titre Tacet donné par le frère Giovanni Pozzi, paru six mois avant sa mort, en 2002, est publié sous le titre Silence, aux éditions Payot. Proverbe italien ou extrait de la Bible, Ecclésiaste 3, 1, 7 « il y a un temps pour se taire et un temps pour parler », ont peut-être été à l’origine du choix de ce titre !

Le père capucin Giovanni Pozzi (1923-2002) était un religieux lettré, de ceux trop rares qui encombrent les gardiens de la doxa et dont la pensée humaniste huile les secs canaux mentaux des docteurs de la Loi. Après des études de théologie, il entre dans l’ordre des capucins. A partir de 1960, il occupe la chaire de littérature italienne et de philologie romane à l’université de Fribourg et, en 1988, il se retire dans le couvent de Lugano. Là, recueilli, il dit la messe chaque matin, avant l’aube, vit de prières… et de livres.

Voyage de classes, Nicolas Jounin

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 30 Janvier 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Découverte

Voyage de classes, octobre 2014, 248 pages, 16 € . Ecrivain(s): Nicolas Jounin Edition: La Découverte

 

Le sociologue et professeur Nicolas Jounin, dans son ouvrage Voyage de classes, sous-titré Des étudiants de Seine-Saint-Denis enquêtent dans les beaux quartiers, paru en octobre 2014 aux Éditions La Découverte, présente le déroulement d’une enquête et le travail d’une centaine d’étudiants de première année en sociologie de l’Université de Paris VIII Saint-Denis menés sous sa direction. Ces enquêtes se sont déroulées dans une partie du VIIIème arrondissement de Paris, appelé le Triangle d’Or qui couvre les quartiers délimités par les avenues Montaigne, George-V et les Champs-Elysées. Il héberge les familles fortunées qui veulent marquer leur position sociale, les entreprises et des commerces et des hôtels de luxe, des ambassades.

Nicolas Jounin nous raconte comment il procède pour que ces étudiants s’emparent des méthodes et des outils de la sociologie, comment ils ressentent à leur égard des formes subtiles de discrimination sociale et comment ils parviennent au fil de jours à explorer de façon plus distanciée les rapports de classe. Ce professeur renouvellera l’expérience trois années de suite.

Dans cet essai, la réflexion que mène l’auteur est à plusieurs étages et ressemble à un emboîtement de matriochkas. Il tire plusieurs fils.

Des sorcières comme les autres, Fabienne Dumont

Ecrit par Ivanne Rialland , le Lundi, 26 Janvier 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Histoire

Des sorcières comme les autres. Artistes et féministes dans la France des années 1970, Presses universitaires de Rennes, mai 2014, 568 pages, 26 € . Ecrivain(s): Fabienne Dumont

Dans cet ouvrage issu de sa thèse Femmes, art et féminismes dans les années 1970 en France, soutenue en 2014, l’historienne de l’art Fabienne Dumont propose une défense et illustration de l’art des femmes de la décennie, mettant en évidence à la fois son intérêt, sa richesse, sa spécificité et sa sous-représentation dans les histoires de l’art et les espaces d’exposition.

C’est à cette sous-représentation que s’attache d’abord la chercheuse. Montrant la présence importante des femmes dans les écoles d’art, elle constate ensuite leur mise à l’écart des instances les plus légitimes de visibilité, en étudiant les revues d’art, les expositions des musées, les salons et les galeries d’art. Après cette première partie, Fabienne Dumont retrace l’histoire des réseaux alternatifs ayant tenté de compenser cette marginalisation des femmes. Elle s’attache en particulier à six collectifs : l’Union des femmes peintres et sculpteurs, Féminie-Dialogue, Femmes en lutte, Femmes/Arts, Art et regard des femmes. Tout en soulignant leur impact limité pour la reconnaissance de l’art des femmes sur la scène artistique, elle montre l’importance de ces groupes pour des créatrices isolées qui prennent ainsi conscience de la spécificité de leur condition d’artistes-femmes.

Atala. René. Les aventures du dernier Abencérage de Chateaubriand, François Mouttapa

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 24 Janvier 2015. , dans Essais, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Atala. René. Les aventures du dernier Abencérage de Chateaubriand, 270 pages . Ecrivain(s): François Mouttapa Edition: Folio (Gallimard)

Lire Chateaubriand nous fait entrer dans l’empyrée (et François Mouttapa, dans son bel essai, nous permet cette entrée ; lisez, plus que tout autre, cet ouvrage de la collection Foliothèque : je ne sache pas meilleure introduction à l’œuvre de Chateaubriand).

La vision cosmogonique aristotélicienne (chaque planète s’insère dans une sphère cristalline qui tourne inlassablement autour de la Terre) fut phagocytée par les scolastiques médiévaux qui assignèrent la force motrice des sphères aux anges et aux archanges. Pour eux, si l’enfer se situe au centre de la Terre, l’empyrée, où Dieu réside physiquement, est un lieu non limité par un espace, un lieu non constitué de matière, un lieu placé juste derrière la sphère des étoiles fixes.

Mais il est une différence entre la prose de Chateaubriand et l’empyrée. Au lieu que l’empyrée est un lieu perpétuellement immobile, la prose de Chateaubriand est quant à elle le lieu d’une mobilité perpétuelle. Qui se fait sans heurt. Une mobilité du sens, et du souffle qui le porte (face auxquels le lecteur ne peut que charger son immobilité d’animation et de vitesse accumulées, ainsi que l’a soufflé Proust), du souffle fait phrases, qui n’a rien à envier à la musique classique, à la fluidité qu’elle propose, au sein de laquelle toute dissonance ne peut que se résoudre en harmonie, en accord tonal, parfait souvent.