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Critiques

Le Journal d’une femme de chambre, Octave Mirbeau (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Juin 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine, Cette semaine

Le Journal d’une femme de chambre, Octave Mirbeau, Folio, février 2024, édition de Noël Arnaud, révisée par Michel Delon, 592 pages, 8,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

« D’ailleurs, j’avertis charitablement les personnes qui me liront que mon intention, en écrivant ce journal, est de n’employer aucune réticence, pas plus vis-à-vis de moi-même que vis-à-vis des autres. J’entends y mettre au contraire toute la franchise qui est en moi et, quand il le faudra, toute la brutalité qui est dans la vie. Ce n’est pas de ma faute si les âmes, dont on arrache les voiles et qu’on montre à nu, exhalent une si forte odeur de pourriture ».

Célestine prévient d’emblée, dès la première entrée du Journal d’une femme de chambre, que ce qu’elle propose au lecteur sera peu reluisant, sera un portrait sans fards de la bourgeoisie au service de laquelle elle a été, et pourtant la critique fut scandalisée lors de la publication de ce roman d’Octave Mirbeau en 1900.

L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle, Julien Gobin (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mardi, 18 Juin 2024. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Gallimard

L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle, Julien Gobin, Editions Gallimard, février 2024, 304 pages, 21 € Edition: Gallimard

L’individu serait-il une espèce en voie d’extinction dans nos sociétés ultra individualistes ? Dans son premier essai, L’individu, fin de parcours ? Le piège de l’intelligence artificielle, Julien Gobin manie l’art des paradoxes. Le jeune philosophe observe avec grande justesse notre époque « postmoderne », d’un regard à la fois empathique et piquant, et nous en livre une description quasi phénoménologique.

L’essai s’ouvre sous le signe de la parodie : « Touche pas à mon post ! », manière de tourner en dérision le narcissisme illimité des internautes et la novlangue qui raffole de « termes hybrides, insaisissables et liquides » tels que « post-modernité, post-vérité, post-sexualité ».

Le livre se structure autour d’une métaphore tirée de l’entomologie : la chrysalide. Ce qui semble décadence de l’Occident et fin de l’Histoire ne serait qu’un état intermédiaire, comme celui de la chenille qui quitte son cocon pour devenir papillon. Julien Gobin décrit cette nouvelle civilisation en train de prendre forme, une société techniciste, issue des Lumières, mais qui va rendre caduc le credo des Lumières : le libre arbitre de l’individu.

Démolition, Anna Enquist (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 17 Juin 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Actes Sud

Démolition, Anna Enquist, Actes Sud, janvier 2024, trad. néerlandais (Pays-Bas), Emmanuelle Tardif, 320 pages, 22,80 € . Ecrivain(s): Anna Enquist Edition: Actes Sud

 

Comme des variations musicales

La musique et la littérature entretiennent des liens souvent étroits, des formes de correspondances ou d’étonnants cheminements parallèles. Du côté littéraire, un auteur peut poursuivre une musique des mots ou construire son récit comme une symphonie ; et du côté musical, une partition peut être narrative ou chargée d’éléments littéraires. Les exemples ne manquent pas de ces échos que ces deux arts font résonner. Pour en rester aux grands classiques, Stendhal, Gide, Alejo Carpentier dans le somptueux Concert Baroque, et Wagner, Berlioz, Satie, ont regardé, chacun à leur façon, de l’autre côté de la barrière qui enclot leur domaine de création. On pense immanquablement à toute cette tradition en lisant Démolition d’Anna Enquist, dont la musique parcourt nombre de ses romans. L’éditeur nous présente la romancière comme l’une des plus grandes auteures d’aujourd’hui aux Pays-Bas, mais, avouons-le, la déception est aussi au rendez-vous dans ce récit. Mais, après tout, n’est-ce pas au lecteur d’imaginer ce qu’aurait pu être un roman ?

Elles étaient neuf, Gwen Strauss (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 11 Juin 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Histoire, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Elles étaient neuf, Gwen Strauss, éditions Des femmes-Antoinette Fouque, février 2024, trad. anglais (États-Unis) Catherine Delaruelle, 264 pages, 22 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

L’échappatoire

Gwen Strauss, franco-américaine née en 1963, est autrice de livres pour enfants, poétesse, directrice d’une résidence d’artistes et d’un programme culturel à la Maison Dora Maar. Son ouvrage est important à plus d’un titre, édifiant, car il dénonce le régime vichyste de collaboration avec l’idéologie hitlérienne et l’instauration d’un antisémitisme d’État, qui ont servi de socle au génocide des Juifs d’Europe, des Tziganes, des communistes, des témoins de Jéhovah, des homosexuels, des malades mentaux, des résistants, dont tous portaient des étoiles de couleurs distinctes.

Neuf jeunes femmes – dont la grand-tante de l’autrice, Hélène Podliasky, brillante mathématicienne – témoignent des arrestations par la police française, des tortures et des meurtres de masse, à la limite de l’imaginable et du supportable.

Le Vicomte de Bragelonne, Alexandre Dumas en La Pléiade (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 11 Juin 2024. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, En Vitrine, La Pléiade Gallimard, Cette semaine

Le Vicomte de Bragelonne, Alexandre Dumas, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade n°669, Edition Jean-Yves Tadié, novembre 2023, 2112 pages, 69 € . Ecrivain(s): Alexandre Dumas Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Alexandre Dumas est un romancier du temps individuel aussi bien que du temps historique. À mesure qu’il avance en âge, il peint le vieillissement de ses personnages, “vingt ans après”, “dix ans plus tard”, les titres et sous-titres le disent. Vieillir, c’est avoir un passé. Peu à peu, le romancier de l’avenir et du présent devient celui du passé. Et de la mémoire » (Jean-Yves Tadié, Préface).

« Quant au cardinal, il se contenta d’effleurer de ses lèvres flétries un bouillon servi dans une tasse d’or. Le ministre tout puissant qui avait pris à la reine mère sa régence, au roi sa royauté, n’avait pu prendre à la nature un bon estomac ».

« Sur le canal aux eaux d’un vert opaque, bordé de margelles de marbre, où le temps avait déjà semé ses taches noires et des touffes d’herbes moussues, glissait majestueusement une longue barque plate, pavoisée aux armes d’Angleterre, surmontée d’un dais et tapissée de longues étoffes damassées qui traînaient leurs franges dans l’eau ».