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Critiques

L’Épée jetée au lac, Romans de la Table Ronde et légendes sur les Nartes, Joël-Henri Grisward (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 09 Mai 2023. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

L’Épée jetée au lac, Romans de la Table Ronde et légendes sur les Nartes, Joël-Henri Grisward, éd. Honoré-Champion, novembre 2022, 192 pages, 38 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Savant d’une envergure immense, maniant des dizaines de langues (pas seulement l’allemand, le latin, le grec, l’anglais, le hongrois, le turc – ce qui eût déjà été remarquable), mais encore le sanskrit, le chinois, le vieil islandais, le gallois, etc., circulant comme chez lui dans des textes-fleuve, Georges Dumézil a raconté comment, de 1925 à 1931, il était parti enseigner l’histoire des religions à Istanbul où, faute de bibliothèques lui permettant de poursuivre ses recherches sur les Indo-Européens, il avait découvert les peuples du Caucase, chassés de leurs terres ancestrales par l’invasion russe de 1864 et installés dans l’empire ottoman. Avec une facilité déconcertante, il avait appris leurs langues si complexes (le géorgien, le tcherkesse, l’ossète, le laze, l’abkhaz, l’ingouche, le besleney, l’oubykh, qu’il décrivit in extremis, etc.) et recueilli leurs légendes, observant d’étonnantes similitudes avec les plus anciennes mythologies occidentales.

Janine 1982, Alasdair Gray (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 21 Avril 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Le Cherche-Midi

Janine 1982, Alasdair Gray, Le Cherche-Midi, mars 2023, trad. anglais (Ecosse), Claro, 397 pages, 23 € Edition: Le Cherche-Midi

 

Ce livre étonnant, détonnant, d’Alasdair Gray, écrivain qualifié « d’illusionniste écossais aussi insaisissable que le monstre du Loch Ness », est introduit, préfacé par l’auteur anglais Will Self qui n’hésite pas à le présenter comme « l’un des meilleurs romans de langue anglaise ».

Le personnage central, l’Ecossais John Mc Leish, alias Charlie, alias Frank, alias Jock (petit nom pouvant évoquer, par auto-dérision, le terme « joke », ce qui s’inscrirait dans la tonalité foncière d’un ouvrage littéraire dont une des facettes semble être de ne pas prendre au sérieux la création… littéraire), se dédouble au fil du récit (ou plutôt des récits, très fragmentés) tantôt en un Max démiurge, metteur en scènes de situations imaginaires issues de ses fantasmes érotiques parfois les plus déréglés, tantôt en un narrateur racontant plus « sagement » sa « vraie » vie professionnelle, sociale, relationnelle, amoureuse.

La lumière de ma mère, Mehdi Charef (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 21 Avril 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Maghreb

La lumière de ma mère, Mehdi Charef, éditions Hors D’atteinte, Coll. Littératures, mars 2023, 120 pages, 17 €

Algérie, de l’origine

Mehdi Charef (né en Algérie en 1952, auteur et réalisateur, considéré comme le père de la « littérature beur »), construit son dernier roman autour de la figure maternelle. Après la trilogie Rue des Pâquerettes, Vivants, La Cité de mon père, La lumière de ma mère poursuit la trajectoire d’un enfant maghrébin et ce, depuis Maghnia, une ville moyenne de la commune de la wilaya de Tlemcen. L’auteur émigre en France à l’âge de dix ans. Son enfance et son adolescence se déroulent entre le bidonville de Nanterre et les cités de transit de la région parisienne. Fils d’un terrassier, il va travailler lui-même en usine de 1970 à 1983, comme affûteur ; d’où ce constat amer : « On nous considère comme des bâtards nés de rien, de personne ».

Mehdi Charef célèbre la bonté, le courage et l’abnégation de sa mère, femme maghrébine invisibilisée, participant du phénomène de masse d’une population immigrée exposée aux formes de pauvreté et d’isolement dans des conditions de vie indignes ; mère proscrite dans « une baraque sordide, obscure ». En dépit du très long séjour en France – toute une vie –, les exhortations haineuses et racistes se prolongent :

Un merveilleux souvenir, Marc Pautrel (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Avril 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Un merveilleux souvenir, Marc Pautrel, Gallimard, Coll. L’Infini, février 2023, 88 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marc Pautrel

« J’ai la chance de travailler avec l’un des plus grands romanciers vivants, tout à la fois auteur et éditeur depuis soixante-ans, un cas unique dans l’histoire littéraire, d’ailleurs célébrissime, et un homme de si précieux conseils pour moi depuis une quinzaine d’années que nous nous connaissons ».

« J’ai comme perdu ma sœur. Je ne sais pas si je la reverrai un jour. Je l’espère, mais je n’y crois pas vraiment. Trop de petits drames de l’enfance handicapent les adultes. J’ai été sauvé par miracle, enlevé par les phrases et protégé par elles, celles des autres puis les miennes. Elle, elle a dû se battre dix fois plus, et contre des dangers bien plus grands ».

Un merveilleux souvenir est publié par Philippe Sollers, dont le nom n’est jamais nommé dans ce merveilleux petit roman, mais dont la présence l’irrigue. Il accompagne l’écrivain depuis bien longtemps dans L’Infini, la Collection qu’il dirige avec toute la finesse d’un capitaine de corvette et d’un grand lecteur de la haute mer, depuis L’homme pacifique en 2009 – C’est un homme qui parle sans arrêt, et sans doute même parle-t-il tout seul chez lui. Mais il ne veut pas seulement parler, il veut raconter des histoires –, en passant par Un voyage humain, Polaire ou encore Le peuple de Manet, son petit livre sur Ozu (1), jusqu’à ce très vif roman familial où un drame ancien rôde et nous échappe.

Nouvelles, Frank Herbert I et II (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 19 Avril 2023. , dans Critiques, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Nouvelles, Frank Herbert, Folio, février 2023, trad. anglais (USA) Vincent Basset et al., édition de Pierre-Paul Durastanti, deux tomes, 736 pages & 656 pages, 11,50 € & 10,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

La renommée de Frank Herbert est essentiellement due au cycle de Dune, publiée à partir de 1965, et elle s’est encore amplifiée depuis l’adaptation cinématographique par Denis Villeneuve (2021) ; elle s’est aussi renouvelée en francophonie, grâce à une traduction de ce cycle révisée par Fabien Le Roy. Probablement cette édition en deux tomes de l’intégrale de ses nouvelles publiées entre 1962 et 1979, originellement publiée chez Belial et rééditée chez Folio, participe-t-elle de ce regain de renommée – ce que semble indiquer le bandeau « Par l’auteur de Dune » ornant les deux volumes.

Quoi qu’il en soit, elle permet d’aborder, dans l’ordre chronologique, des textes jusqu’à présent disséminés dans diverses anthologies voire inédits en français, et de constater que Herbert suivait lui-même les « règles d’écriture » qu’il propose dans une belle « Introduction » :