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Critiques

Jardins de poussière, Ken Liu (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 04 Janvier 2023. , dans Critiques, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), En Vitrine

Jardins de poussière, Ken Liu, Folio, septembre 2022, trad. anglais (USA) Pierre-Paul Durastanti, 624 pages, 9,90 € Edition: Folio (Gallimard)

Ken Liu est sino-américain : émigré avec sa famille à l’âge de onze ans, fils d’une mère chimiste et d’un père ingénieur, et lui-même devenu ingénieur logiciel pour Microsoft tout en ayant étudié la littérature anglaise, puis le droit. Tout est dit. Ou presque. Disons que si ces données biographiques étaient les termes d’une équation, ils ne pourraient que démontrer l’excellence de Jardins de poussière, le second recueil de nouvelles de Ken Liu publié en français – outre une poignée de romans et une quadrilogie de fantasy toujours en cours de traduction.

En effet, cet auteur emmène le lecteur vers une forme d’étrangeté liée tant aux univers proposés – qui sont souvent « post-humains », ou du moins postérieurs à l’humanité telle que nous la connaissons – qu’à une « touche chinoise » troublante pour le lecteur occidental mais pourtant bienvenue, puisqu’elle semble insuffler une forme de poésie à certaines des vingt-cinq nouvelles ici recueillies. Cette poésie est peut-être ce qui permet à ces nouvelles d’échapper à l’étiquette « hard science » : Ken Liu a un esprit scientifique et refuse de laisser le lecteur dans le flou de notions vagues (on peut même enfin comprendre le pourquoi et le comment des cryptomonnaies au fil de Empathie byzantine, qui évoque aussi avec une relative férocité le « marché » des ONG) – tout semble plausible dans ces récits.

Ainsi parlait Épicure par Gérard Pfister (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 03 Janvier 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Anthologie, Arfuyen

Ainsi parlait Épicure, fragments inédits choisis et traduits du grec et du latin par Gérard Pfister, Orbey, Arfuyen, 8 septembre 2022, 188 pages, 14 €. Edition: Arfuyen

 

Il faut être prudent, nous le savons tous, lorsque l’on parle de complot ou de conspiration, qui impliquent tous deux un secret absolu, alors que, le plus souvent, le plan est posé sur la table, accessible à quiconque veut – ou peut – le voir et a la curiosité de le consulter. Dans le cas particulier d’Épicure, cependant, tout se passe comme si une double conjuration avait été à l’œuvre. D’une part pour faire disparaître matériellement son œuvre : les doxographes antiques rapportent qu’il avait composé trois cents volumes. On peut toujours débattre quant à savoir s’il s’agissait de livres distincts, autonomes au sens moderne du mot, ou de rouleaux séparés (il en fallait plusieurs pour transcrire un traité entier). Quoi qu’il en ait été, l’ensemble était considérable et la comparaison avec le massif des œuvres de Platon, Aristote ou Plotin qui nous sont parvenues s’impose. Or, de cet ensemble très important, ne subsistent que trois lettres, des maximes et divers fragments. D’autre part, à défaut d’un effacement complet (la survie du peu qui subsiste tient à une succession improbable de miracles philologiques et archéologiques), la pensée d’Épicure a fait l’objet d’un gauchissement et d’un travestissement trop systématiques pour ne pas avoir été délibérés.

Mourir avant que d’apparaître, Rémi David (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Vendredi, 16 Décembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Rémi David, Mourir avant que d’apparaître, Gallimard, juin 2022, 166 pages, 18 euros.

 

Est-il possible d’écrire un roman sinon raté, du moins médiocre et parfois ennuyeux malgré sa brièveté (162 pages) sur un sujet magnifique (risqué, bien sûr, mais magnifique) ? Rémi David, né en 1984, nous en fournit la preuve avec Mourir avant que d’apparaître, publié par Gallimard en juin 2022.

Les personnages de Mourir avant que d’apparaître appartiennent à l’histoire littéraire puisque la relation tumultueuse entre Jean Genet et Abdallah Bentaga, dédicataire du Funambule (1958), constitue la trame du récit. Rémi David retrace avec clarté et précision les étapes de cette relation : la rencontre d’Abdallah, âgé de dix-huit ans, avec Genet, grâce à Monique Lange, en 1955 ; le difficile apprentissage du funambulisme ; les premiers succès et les voyages à travers l’Europe pour échapper à la police française et à un ordre de conscription pendant la guerre d’Algérie ; la deuxième chute d’Abdallah, le contraignant à renoncer à sa carrière artistique ; l’éloignement progressif de Genet après l’entrée dans sa vie de Jacky Maglia, qui supplante peu à peu l’acrobate foudroyé ; le suicide d’Abdallah enfin, en février 1964. On croise, de chapitre en chapitre, outre Monique Lange, Olivier Larronde (belle évocation), Juan Goytisolo, Cocteau, Giacometti, Sartre.

Le Beau, l’Art Brut et le Marchand – Jean-Pierre Ritsch-Fisch, Laurent Fassin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 15 Décembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, L'Atelier Contemporain

Le Beau, l’Art Brut et le Marchand – Jean-Pierre Ritsch-Fisch, Laurent Fassin 368 p. – 25 euros – 21-10-2022 Edition: L'Atelier Contemporain

 

« Les découvertes dont il avait soif et qu’il faisait à rythme régulier aiguisaient sa sensibilité. Elles l’orientaient – comment ne pas le voir ? – dans une direction inconnue, sans qu’il sût bien apprécier les sinuosités, la part d’ombre, les obstacles qui inévitablement jalonnent tel qui caresse le projet de s’y engager plus avant. »

« Une destinée ne se forge que rarement dans une complète solitude. D’autres que soi jouent un rôle déterminant dans son affirmation et son tracé, qui autorise son accomplissement. »

Le Beau, l’Art Brut et le Marchand est un passionnant roman d’aventure artistique et familiale, celui de Jean-Pierre Ritsch-Fisch, collectionneur, marchand d’art et galeriste. Ce livre est aussi, et le pari était plus hardi, le roman de l’aventure de l’art vivant, de la Figuration narrative à l’Art Brut, d’artistes, de marchands, d’amateurs rigoureux que Le Passeur du Jamais-vu, croisera dans son parcours en haute mer créatrice.

Spinoza, Œuvres complètes. La Pléiade Gallimard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Décembre 2022. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, En Vitrine, La Pléiade Gallimard

Spinoza, Œuvres complètes. Dirigé par Bernard Pautrat. 1952 pages. La Pléiade. 76 € jusqu’au 31/12/2022 puis 82 €. Edition: La Pléiade Gallimard

 

L’œuvre de Spinoza était déjà disponible en Pléiade depuis 1955. Mais la traduction d’alors sentait bien trop l’académisme rigide des universitaires du temps, les canons d’une lecture rigoriste de l’original et surtout l’usage d’une langue très marquée par le jargon philosophique.  Avec cette édition, nous pouvons dire que Spinoza entre, si ce n’est dans La Pléiade, du moins dans le XXIème siècle, et de plain-pied ! La fluidité, la précision, souvent même la poésie de l’écrit spinozien sont ici servis avec un talent réjouissant. Oubliés les erreurs de traduction, les maladresses et contre-sens et surtout oublié l’appareil critique de 1955 qui accumulait les commentaires approximatifs et les erreurs d’interprétation. Spinoza, entier, vibrant de toute la puissance de sa pensée, de toute la séduction de son style. Bernard Pautrat et son équipe ont fait de la belle et bonne ouvrage, les spinoziens et les néophytes peuvent se réjouir. Ils trouveront ici un texte traduit avec grande rigueur et sobriété et dans une langue française clairement abordable pour tout lecteur ayant un peu de culture philosophique, loin de toute érudition inutile et pesante. Bernard Pautrat, le maître d’œuvre de cette traduction, dit :