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Critiques

Le Royaume de Pierre d’Angle, Tome 1, l’Art du Naufrage, Pascale Quiviger (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 12 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Fantastique, Folio (Gallimard)

Le Royaume de Pierre d’Angle, Tome 1, l’Art du Naufrage, Pascale Quiviger, Folio, mars 2023, 496 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Ouvrons sur une taquinerie de lecteur attentif : dans un univers de type médiéval, Quiviger fait dire à un personnage le mot « résilience » (page 463) ; c’est une maladresse lexicale, et l’on en sourit – parce que c’est bien le seul défaut à la cuirasse narrative de ce premier tome du Royaume de Pierre d’Angle que l’on ait trouvé. Enfin, on en connaît un autre, qui est en fait une grande qualité : sa dernière page, qui donne envie de se jeter sur ses trois successeurs afin de connaître la suite et la fin des aventures du prince Thibaut et sa fascinante femme, Ema Beatriz Ejea Casarei. Bien sûr, puisqu’on est au fait des codes de la fantasy, on se doute schématiquement de cette suite et de cette fin, et cette connaissance des codes en question nous a d’ailleurs déjà fait lâcher maints volumes récemment publiés. Mais impossible de laisser choir L’Art du Naufrage, qui a envoûté dès la première page et qu’on a lu goulûment, chaque pause, au travail, à la maison, même brève, étant l’occasion de quelques pages au moins.

Par la racine, Gérald Tenenbaum (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 11 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Par la racine, Gérald Tenenbaum, éd. Cohen & Cohen, janvier 2023, 186 pages, 19 €

 

Les cheveux, les mots, les végétaux, les nombres ont en commun d’avoir des racines. Elles permettent aux arbres de se nourrir et assurent leur stabilité, avec une force parfois surprenante (elles brisent les couches du revêtement laborieusement étalé par l’être humain sur ses routes), mais cet enracinement rend ces êtres, par ailleurs virtuellement immortels, vulnérables en cas de péril (le feu, par exemple). Comme le disait George Steiner, les arbres ont des racines, mais les hommes ont des jambes, et il en tirait une morale de l’exil et du déracinement. Le projet d’êtres humains sans racines, interchangeables à volonté, est un rêve des totalitarismes et, à présent, du capitalisme mondialisé. L’étude des racines forme une branche (autre métaphore végétale) de la linguistique. L’allemand possède peu de racines, mais chacune d’entre elles a donné lieu à de très nombreux dérivés. En hébreu, les racines (généralement trilitères) de la langue font l’objet d’ouvrages spéciaux et sont à prendre en compte pour l’apprentissage. En mathématiques, le concept de racine n’inclut pas seulement la racine carrée familière à tous les lycéens (dans le cas des équations polynomiales, par exemple).

Anthologie de la pensée noire, dirigée par Marie-Jeanne Rossignol, Michaël Roy, Marlene L. Daut, Cécile Roudeau (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Anthologie

Anthologie de la pensée noire, dirigée par Marie-Jeanne Rossignol, Michaël Roy, Marlene L. Daut, Cécile Roudeau, éditions Hors d’atteinte, avril 2023, 480 pages, 25 €

 

Mémoire psychopompe

La toute récente Anthologie de la pensée noire (anthologie non exhaustive) met en valeur des morceaux choisis de « la littérature noire » francophone et anglophone des Caraïbes et des États-Unis. Nous découvrons au fur et à mesure des extraits originaux, presque totalement méconnus, certains traduits, et ce, rédigés depuis la terrifiante « traite des noirs » du 18ème siècle. Une littérature remarquable s’est développée face aux préjugés racistes des suprématistes blancs, au sein d’une « république esclavagiste, puis ségrégationniste ». La couleur de peau a constitué le critère unique pour justifier la déportation de dizaines de millions d’enfants, de femmes et d’hommes, devenant victimes de la racialisation et de l’eugénisme en Amérique et à Haïti, notamment.

Inscription sacrée, Évhémère de Messène (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Les Belles Lettres

Inscription sacrée, Évhémère de Messène, Les Belles Lettres, novembre 2022, trad. Sébastien Montanari, Bernard Pouderon, 330 pages, 45 € Edition: Les Belles Lettres

 

Il faut toujours partir de ce fait tellement massif qu’il en est devenu invisible et que nous n’y pensons même plus : l’écrasante majorité de la littérature gréco-latine a disparu sans retour. Pas seulement les œuvres qui eussent été jugées mineures (et par qui ?), mais des dizaines de tragédies composées tant par Eschyle (nous en avons conservé 7 sur 110) que par Sophocle (8 sur 123) et par Euripide (19 sur 92) ; tragédies dont nous ne connaissons plus que les titres.

Nous savons bien, d’un côté, que la survie de ce qui nous est parvenu à travers vingt-cinq siècles de vicissitudes diverses n’a tenu qu’à une succession de miracles philologiques, improbables, comme le sont tous les miracles ; mais d’un autre côté on ne comprend pas pourquoi ces miracles ne se sont pas produits avec d’autres œuvres (pourquoi avons-nous conservé l’Antigone de Sophocle et pas son Laocoon ou son Iphigénie ?). Car cette disparition semble s’être produite de bonne heure et il n’est pas plausible, quels que soient les fantasmes inavoués ou les idéologies avouées des uns et des autres, d’incriminer les copistes monastiques ou les invasions arabes.

Sorciers et magie, Gardner Dozois (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 03 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Anthologie, J'ai lu (Flammarion)

Sorciers et magie, Gardner Dozois, J’Ai Lu, avril 2023, trad. anglais, Arnaud Mousnier-Lompré, 736 pages, 12 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Une bonne anthologie est supposée éveiller le désir d’aller à la rencontre d’auteurs et d’œuvres ; à ce titre, Sorciers et magie est une excellente anthologie de fantasy. Feu Gardner Dozois y propose un aperçu assez complet du genre par le biais de l’activité qui agace au plus au point les rationalistes de tout poil ; la magie – mais sans magie, quel récit vaut la peine d’être lu, puisque tout grand auteur est un peu magicien, avec une tendance à sortir de son encrier un lapin événementiel quelconque ? Dozois avait déjà proposé trois autres biais de découverte de la fantasy, dans lesquels la magie était présente au moins en arrière-plan, puisqu’elle est partie prenante du genre : Dangerous women (en deux tomes), Vauriens, et l’adéquatement nommée Épées et magie, et Sorciers et magie, est à la hauteur de ces trois autres anthologies.