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Critiques

Anthologie de la pensée noire, dirigée par Marie-Jeanne Rossignol, Michaël Roy, Marlene L. Daut, Cécile Roudeau (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 07 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Anthologie

Anthologie de la pensée noire, dirigée par Marie-Jeanne Rossignol, Michaël Roy, Marlene L. Daut, Cécile Roudeau, éditions Hors d’atteinte, avril 2023, 480 pages, 25 €

 

Mémoire psychopompe

La toute récente Anthologie de la pensée noire (anthologie non exhaustive) met en valeur des morceaux choisis de « la littérature noire » francophone et anglophone des Caraïbes et des États-Unis. Nous découvrons au fur et à mesure des extraits originaux, presque totalement méconnus, certains traduits, et ce, rédigés depuis la terrifiante « traite des noirs » du 18ème siècle. Une littérature remarquable s’est développée face aux préjugés racistes des suprématistes blancs, au sein d’une « république esclavagiste, puis ségrégationniste ». La couleur de peau a constitué le critère unique pour justifier la déportation de dizaines de millions d’enfants, de femmes et d’hommes, devenant victimes de la racialisation et de l’eugénisme en Amérique et à Haïti, notamment.

Inscription sacrée, Évhémère de Messène (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 04 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Les Belles Lettres

Inscription sacrée, Évhémère de Messène, Les Belles Lettres, novembre 2022, trad. Sébastien Montanari, Bernard Pouderon, 330 pages, 45 € Edition: Les Belles Lettres

 

Il faut toujours partir de ce fait tellement massif qu’il en est devenu invisible et que nous n’y pensons même plus : l’écrasante majorité de la littérature gréco-latine a disparu sans retour. Pas seulement les œuvres qui eussent été jugées mineures (et par qui ?), mais des dizaines de tragédies composées tant par Eschyle (nous en avons conservé 7 sur 110) que par Sophocle (8 sur 123) et par Euripide (19 sur 92) ; tragédies dont nous ne connaissons plus que les titres.

Nous savons bien, d’un côté, que la survie de ce qui nous est parvenu à travers vingt-cinq siècles de vicissitudes diverses n’a tenu qu’à une succession de miracles philologiques, improbables, comme le sont tous les miracles ; mais d’un autre côté on ne comprend pas pourquoi ces miracles ne se sont pas produits avec d’autres œuvres (pourquoi avons-nous conservé l’Antigone de Sophocle et pas son Laocoon ou son Iphigénie ?). Car cette disparition semble s’être produite de bonne heure et il n’est pas plausible, quels que soient les fantasmes inavoués ou les idéologies avouées des uns et des autres, d’incriminer les copistes monastiques ou les invasions arabes.

Sorciers et magie, Gardner Dozois (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 03 Juillet 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Anthologie, J'ai lu (Flammarion)

Sorciers et magie, Gardner Dozois, J’Ai Lu, avril 2023, trad. anglais, Arnaud Mousnier-Lompré, 736 pages, 12 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Une bonne anthologie est supposée éveiller le désir d’aller à la rencontre d’auteurs et d’œuvres ; à ce titre, Sorciers et magie est une excellente anthologie de fantasy. Feu Gardner Dozois y propose un aperçu assez complet du genre par le biais de l’activité qui agace au plus au point les rationalistes de tout poil ; la magie – mais sans magie, quel récit vaut la peine d’être lu, puisque tout grand auteur est un peu magicien, avec une tendance à sortir de son encrier un lapin événementiel quelconque ? Dozois avait déjà proposé trois autres biais de découverte de la fantasy, dans lesquels la magie était présente au moins en arrière-plan, puisqu’elle est partie prenante du genre : Dangerous women (en deux tomes), Vauriens, et l’adéquatement nommée Épées et magie, et Sorciers et magie, est à la hauteur de ces trois autres anthologies.

Étude d’éloignement, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 30 Juin 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Étude d’éloignement, Emmanuel Moses, Gallimard, mai 2023, 80 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Gallimard

 

Une quarantaine de livres à ce jour, dont vingt-deux livres de poésie. Voici le dernier, assez bref mais dont la densité révèle des aspects nouveaux, comme ce retrait pour mieux voir, comme si une focale du poète permettait ainsi de mieux traiter tout objet, tout sujet. Faut-il s’écarter du chemin pour mieux saisir le côté complexe du monde ? Faut-il à ce point s’éloigner, au risque de perdre ce que l’on aime ?

Le poète Moses dont j’avais aimé plusieurs livres (Quatuor ; Cette lumière dans cette obscurité ; Monsieur Néant) s’attache à analyser son rapport au réel, entre mentions intimes et aspects fictionnels. D’une fenêtre, d’un surplomb, il suit l’avancée de personnages qu’il s’attribue ou non, « hôtes de passage », « souvenirs et notes » d’un génie musical, « de la fenêtre de ma cellule ». Même « Monsieur Néant » est du voyage : petit blason de référence et autocitation de son auteur.

Flamboyants au crépuscule, Christian Dufourquet (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 29 Juin 2023. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Flamboyants au crépuscule, Christian Dufourquet, Editions Maurice Nadeau, Les Lettres Nouvelles, mai 2023, 110 pages, 16 € Edition: Editions Maurice Nadeau

Un homme, dont on apprend en suite de lecture qu’il est écrivain, allongé, sur un lit : telle est la position initiale du narrateur qui se dédouble en un IL qu’il met en scène dans la rétrospection, par une succession d’analepses dénuées d’ordre chronologique, de ce qui lui revient aléatoirement, de façon décousue, des moments les plus signifiants du cours de sa vie, flamboyants au crépuscule. Il gît là immobile, plausiblement incapable de bouger, sauf peut-être pour écrire, transcrire ce que perçoit son esprit seul pouvant se mouvoir au travers de l’espace et du temps. On appréhende qu’il plane entre la vie et la mort.

Il ouvre les yeux et se voit coincé à mi-hauteur d’une échelle qui paraît s’agrandir dans les deux directions. En haut, un plafond démesurément étréci où pend peut-être une ampoule à atteindre. En bas, un monde d’ombres qui se chevauchent, les vagues d’une mer irréelle. Et lui, au milieu ou à peu près, un insecte à la carapace chitineuse, qui se demande, si tant est que ses antennes recroquevillées autour de son corps embrumé lui procurent une conscience a minima de son environnement, ce qu’il fait là, en suspens entre deux mondes…