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Les Chroniques

Aux aubes de Satan - Job, le masque du malheur (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 04 Juin 2021. , dans Les Chroniques, La Une CED, En Vitrine

 

Et Job, comme l’un des premiers échos du dit sur l’homme mordu par la douleur. Avec lui, le Mal ne lésine guère : la terreur qui l’engloutit est dévastatrice, ne laissant aucune place au drame et à la lutte contre l’adversité. Job c’est le regard désespéré de l’homme errant entre son vide intérieur et le vide du ciel, c’est la longue plainte face au gouffre du Destin, écho de toutes les lamentations humaines. Écoutons le chant sourd de sa misère.

 

Périsse le jour où je fus enfanté ! (Job. III. 3)

 

Pourquoi ne suis-je pas mort au sortir du sein

Et n’ai-je pas expiré quand je sortais du ventre ?

Pourquoi deux genoux m’ont-ils accueilli

Et pourquoi deux mamelles à sucer ? (Job. III. 11-12)

À cause de l’éternité, Georges-Olivier Châteaureynaud (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Jeudi, 03 Juin 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, En Vitrine

À cause de l’éternité, Georges-Olivier Châteaureynaud, Grasset, janvier 2021, 701 pages, 29 €

Entre-Mondes & Entre-Temps

« C’était une impression singulière, que de se sentir ainsi arrêté sur le bas-côté du monde ».

« Ailleurs, le monde n’existe pas vraiment, non ? C’est une sorte de racontar ! »

Georges-Olivier Châteaureynaud

Écorcheville demeure établie sur une rive du Styx, cité immémoriale aux allures peut-être normandes sur laquelle, « depuis toujours », règnent trois grandes familles rivales : les Bussetin, les Propinquor, les Esteral. On se connaît : on se fréquente de longtemps, on a mêlé les sangs, partagé les méfaits et les crimes sans lesquels on ne parvient à rien. Le lecteur français les connaît aussi : il les a rencontrées lors de sa lecture du mythique récit, ou roman – comment savoir ? – intitulé L’Autre rive, consacré à la première époque et à la première génération des habitants de la ville, auxquelles un chroniqueur français, appelé G.O.C. par ses amis et familiers, prêta sa plume pour nous en donner la très fidèle description, un historique en somme, que les mémorialistes du futur ne pourront négliger s’ils veulent commenter le passé. L’entreprise ne passa pas inaperçue, loin de là. La presse, les milieux littéraires en répercutèrent à juste titre les échos élogieux.

La poésie du quotidien Alziati – Sanguineti – Vegliante (par Valérie T. Bravaccio)

Ecrit par Valérie T. Bravaccio , le Jeudi, 03 Juin 2021. , dans Les Chroniques, La Une CED, Poésie

 

Qu’entendons-nous par « poésie du quotidien » ? Un dossier spécial qui vient de paraître dans la Revue Recours au Poème se penche également sur la question en sollicitant des poètes (1). Ici, il s’agit plutôt de réfléchir sur l’expression communicative la plus exigeante, la poésie, car elle nous donne à lire, à voir le quotidien, la vie de tous les jours. Observée d’abord, puis construite, après coup, dans un espace-temps, celui de la page avec de l’encre imprimée. Ou bien, à l’inverse, est-ce dans la construction (la poésie) que vivent des instants du quotidien. Mais ne risque-t-elle pas de se transformer en boîte à souvenirs ? Car souvent, les compositions sont datées comme on le ferait dans un journal intime. Elles témoignent alors d’une condition historique dans laquelle la personne qui écrit se trouve (2). Plus discrètement, voire secrètement, l’introduction d’une autre langue peut également suffire à identifier un lieu et un moment particuliers (3). Enfin, plus rarement, le sommaire du recueil ne comporte pas de titre mais uniquement des dates (4). Une attention minutieuse au temps, qui (très banalement), n’existera pas une deuxième fois. Arc temporel tendu entre le moment où l’on naît, et à partir duquel on est déjà assez vieux pour mourir, comme disent les philosophes ; et pendant lequel on écrit sans savoir à quel moment on va mourir.

Adeno Nuitome, Lola Molina (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 02 Juin 2021. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Théâtre

Adeno Nuitome, Lola Molina, éditions Théâtrales, mars 2021, 60 pages, 10 €

 

La scène, la vie

Aborder un texte théâtral par la lecture est une entreprise ambiguë. Car cette lecture dans un fauteuil présente différemment cette expérience de la scène, de celle du théâtre au sens strict. Avec ce texte de Lola Molina, on reste bel et bien dans le spectacle de la vie, existence physique qui se dessine sous nos yeux. La seule nuance dans cette perception, c’est que l’on déduit de manière diffuse la biographie de l’auteure et la pure fiction ; là tout l’intérêt que j’ai porté comme liseur à cette pièce. En effet, cette impression qui se déduit de la biographie, porte à circonscrire la part vivante de cette espèce de prière d’insérer, c’est-à-dire une citation autobiographique qui flotte au sein du texte, un peu au hasard mais qui, ce faisant, saisit la sève des éléments d’une espèce de confession. Mais ici, pas de recherche de clés, ni de voyeurisme.

De plus, cette pièce tend vers le récit, le micro-récit, sorte de nouvelles denses et fragmentaires. Je crois que l’on est plus proche des pièces en un acte de Tchekhov que des dramaticules de Beckett.

La guerre sainte n’aura pas lieu : à propos d’un conte des Mille et une nuits (1ère partie) (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 01 Juin 2021. , dans Les Chroniques, La Une CED, Pays arabes


On connaît l’épineuse question de la chronologie et de l’authenticité des manuscrits des Mille et une nuits. Évacuons brièvement ce problème en ce qui concerne l’Épopée de ‘Umar an-Nu’mân (1) – nuits 45 à 145 dans l’édition Būlāq –, le conte qui nous intéresse. Parmi les trois tendances qui dominent dans l’étude des Nuits, nous emprunterons, dans le cadre de cette étude, la méthode qui privilégie l’analyse du texte sous sa forme actuelle, indépendamment de son évolution. Devant les incohérences du récit, lesquelles feront plus loin l’objet d’un court développement, on ne peut guère établir que quelques certitudes (2) : l’Épopée de ‘Umar an-Nu’mân a été intégrée aux Nuits au XIXè siècle, mais a probablement commencé à circuler dès le XIIIè siècle en manuscrits séparés. Le conte se trouve donc dans les plus anciens manuscrits constitués et figure au sein du noyau central de l’ouvrage. S’il a indéniablement lieu dans le Machrek sous l’ère islamique, le récit rapporte les événements selon une chronologie confuse, ce qui sème le trouble quant à son authenticité historique.