S’effacer devant le monde, comme Ulla dans l’insoutenable absurdité de vivre, ouvre un espace scriptural vertigineux au tempo singulier. Un ravissement a lieu ici dans le laps d’effacement d’une femme, au sens d’un rapt de soi et d’une violence aussi tragique que sublime opérée dans le ravissement de la vie le long d’une descente infernale. Est sublime ce qui nous dépasse, nous terrifie, nous fascine. Ulla, personnage principal, nous sidère autant que le monde lui est jusque dans son agonie un scandale dans son affirmation de soi et de la vie. Dans Ulla ou l’effacement la langue narrative, ciselée, opère à cœur ouvert l’absence au monde progressive d’une femme que le narrateur et le lecteur accompagnent dans un mal-être irréversible. La joie de vivre pourrait-elle (re)jaillir de l’effacement, comme dans la chanson Le Mal de vivre de Barbara ? Et, que peut dire encore la langue, que lui reste-t-il d’exprimable lorsque la vie s’en va ? Nous retrouvons ces questions existentielles (essentielles) posées par l’écrivain-essayiste-peintre-auteur-interprète et correspondant littéraire, Andréas Becker, comme il le fit par exemple dans un dialogue avec Philippe Bouret autour de la créativité, dans Je suis redevenu celui que je n’avais jamais été (éditions Douro, 2024).