Identification

Les Chroniques

Raymond Radiguet, Un jeune homme sérieux dans les années folles, Chloé Radiguet, Julien Cendres (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 18 Janvier 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Robert Laffont

Raymond Radiguet, Un jeune homme sérieux dans les années folles, Chloé Radiguet, Julien Cendres, Robert Laffont, octobre 2023, 306 pages, 24 €

 

La récente biographie de Raymond Radiguet par Chloé Radiguet (nièce de l’écrivain) et Julien Cendres a le mérite de resituer l’auteur du Diable au corps dans un contexte familial, social et culturel d’une extrême précision et donc de détruire quelques mythes. Non, Radiguet n’apparut pas dans le ciel littéraire du début des années 20 telle une comète imprévisible. Il ne fut pas non plus un génie paresseux, produisant son œuvre presque malgré lui ou parce que Cocteau l’y aurait contraint : sortant certes beaucoup, s’amusant avec ses amis peintres, poètes ou musiciens à Montmartre, Montparnasse ou ailleurs, il s’astreignit cependant par périodes à un labeur méthodique lui permettant, en si peu d’années, de noircir un nombre impressionnant de pages se rattachant aux genres les plus variés, de la poésie au roman en passant par des saynètes, des articles et des essais ou ébauches d’essais – dont un bref et troublant « Les Prodiges » (pp.475-476 des O.C., Grasset, septembre 2023), daté de l’automne 1920, édité par Cocteau en 1956. Et rien dans cette œuvre ne fut le fruit d’une sorte d’auto-génération spontanée puisque, comme Rimbaud ou Ducasse, dès l’adolescence, il lut (et assimila, s’appropria) énormément.

Tous les chiens sont bleus, Rodrigo de Souza Leão (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 16 Janvier 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED, Poésie

Tous les chiens sont bleus, Rodrigo de Souza Leão, éd. Le Lampadaire, novembre 2023, trad. portugais (Brésil), Émilie Audigier, 94 pages, 13 €

 

Morbidité

Ouvrir ce recueil de textes dont l’originalité réside dans la biographie même de l’auteur (lequel a subi de graves traitements psychiatriques) nous mène à son projet littéraire venant comme en surplomb à sa vie d’aliéné rayonnant. À quelque chose d’approchant quant au thème, du monde douloureux de la poète Béatrice Douvre. Expérience de l’enfermement, mais ici vécue et conçue par un créateur. Travaux qui n’excluent pas l’organicité, le caractère organique du corps malade. Fou, aliéné, voyant, souffrant, personne atteinte de schizophrénie, d’un mal-être général, à la limite de la destruction, de l’autodestruction.

Les schizophrènes au trouble délirant ne tiennent pas parole. Ils gardent en eux une immense haine de la maladie. Personne n’accorde d’importance à ce qu’ils disent. Je ne pouvais dire à personne que Rimbaud croyait que j’avais tué Redoutable Fou. Pas Baudelaire. Il savait que je n’avais rien fait.

Les coups de griffe d’Alain Faurieux-4

Ecrit par Alain Faurieux , le Lundi, 15 Janvier 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, La Une CED

 

Marchands de Sable, Agnès Mathieu-Daudé, Flammarion, août 2023, 336 pages, 21 €

Un point fort : la couverture (avec tampon « rentrée littéraire » inclus) qui illustre parfaitement l’artifice mal foutu du contenu. Un livre de rentrée ficelé comme un poulet de supermarché. Saga familiale étriquée, vision politique javélisée. Écrire sur le superficiel, l’artifice, le faux-semblant, quelqu’un aurait dû dire à Agnès Mathieu-Daudé que c’est difficile. N’est pas Françoise Sagan ou Bret Easton Ellis qui veut. Et là c’est plutôt le sauve-qui-peut. Un événement central (scandale politico-industriel étouffé dans l’œuf) qui n’intéresserait même pas un lanceur d’alerte savoyard, un événement secondaire (femme quitte mari, trouve raison de vivre hors fric) qui n’a pas intéressé ma coiffeuse, des péripéties de plage et des décors de syndicat d’initiative. « Écrire sur » est aussi prétendre : Ellis chantant les louanges de Phil Collins sur MTV pendant des pages, c’est un acte littéraire.

Vie et mort d’un poète, de Diane Lotus, ou la poésie comme dernier horizon (par Philippe Pichon)

Ecrit par Philippe Pichon , le Jeudi, 11 Janvier 2024. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

La première création (comme auteur) mais la troisième mise en scène de Diane Lotus, Vie et mort d’un poète, confirme la qualité rare des deux premières, Le Mari, la Femme et l’Amant (1) de Guitry, et Mangeront-ils ? (2) d’Hugo. Une barrésienne instaure le poétique à la source même du chant profond, dans la magie de sa noblesse.

Comme le vaudeville de Guitry débutait comme un vaudeville, Vie et mort d’un poète s’ouvre sur une médiocrité navrante et désespérée, comme le plus banal des faits divers : Carme, un jeune poète, réalise son rêve (se faire publier dans une maison d’édition prestigieuse), mais il découvre, en même temps que la gloire, une réalité mercantile des plus sombres. L’argumentaire de presse insiste lourdement :

Le Signe et la touche, Philosophie du toucher, Michel Guérin (par Pierre Windecker)

Ecrit par Pierre Windecker , le Mercredi, 10 Janvier 2024. , dans Les Chroniques, Les Livres, Essais, La Une CED, Hermann

Le Signe et la touche, Philosophie du toucher, Michel Guérin, éditions Hermann, octobre 2023, 104 pages, 18 €

 

 

« La pensée cristalline, le style fluide et poétique de Michel-Charles Guérin font de la lecture de cet essai un exercice d’intelligence et un véritable moment de littérature. Un éclairage essentiel sur les syntaxes constitutives de l’art ».

(Léon-Marc Lévy, sur le site Facebook du club de La Cause littéraire).

 

Le sujet de ce dernier livre de Michel Guérin, annoncé comme « protéique », c’est « l’ensemble formé par toucher/être, touché/le toucher/la touche » (p.11). Riche est en effet la matière abordée : successivement le « toucher » (et l’« être touché ») lui-même entre contact épidermique et émotion du cœur ; puis le dessin, et la touche en peinture ; enfin, l’écriture, et surtout la prise de risque (on l’évoquera plus loin) qui donne naissance à l’écriture littéraire et poétique.