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Secondes rouges, Gebran Saad (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 22.09.25 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Poésie

Secondes rouges, Gebran Saad, préf. Philippe Tancelin, trad. Mohammed El Amraoui, illust. Safwan Dahoul, éd. Al Manar, 156 p., 2025, 19 €

Secondes rouges, Gebran Saad (par Didier Ayres)

Tension

Le dernier livre de Gebran Saad, poète syrien exilé en Suède, est d’une approche complexe. D’une part à cause de l’édition bilingue (Arabe/Français), de la dédicace en Anglais, ce qui fait « danser » en quelque sorte l’esprit du lecteur que je fus. Il y a eu d’ailleurs deux temps pour moi : temps du mystère et temps de clarté. Cette clarté accompagnait l’idée du désir : clair désir d’un être pour un autre être, tout simplement. Désir de corps, désir de langage, désir spirituel. Tout cela a produit une tension, un mouvement qui se refermait sur lui-même comme une boucle, un cycle, un cercle, une sphère, et devenait énigmatique. Car ces poèmes sont d’une espèce où l’âme joue un rôle, l’âme du poète qui s’arroge le droit de parcourir sa sensibilité. Je garderai donc ces deux mots : mystère et désir.

Je crois qu’il faut citer quelques mots de la préface de Philippe Tancelin, poète et philosophe : « Face aux ténèbres en embuscade dans les mots, à la lisière du secret avide de la confession et ses simulacres de vérité, la métaphore audacieuse annonce une existence plus forte que le cri, plus pénétrante… ».

Sachant cela l’on voit comment le travail de la prosodie importe beaucoup, même si celle-ci provient d’une langue étrangère. L’univers du poème est fluide, appelle la transparence, mais sans jamais quitter le monde secret, le sacré, langue à laquelle il faut une langue.

Ô enfant en fuite

entre ma mort et ce poème

accroche ton tablier nu

sur les cartes de la ville

et viens qu’on cavale ensemble dans nos vies

Assez vite le lecteur est confronté à la question du corps-à-corps. De la consommation des corps. De l’écume des corps. Ou tout ce qui lie la femme à l’homme. Donc, à la fois l’étoile, la nudité de toutes choses et l’alcôve. Il faut redire que l’entreprise de clarté est dépendante du désir. Comme condition d’émergence du poème. Comme tension intérieure et extérieure. Le désir comme machine, comme mouvement, le désir comme combustion des êtres. Lyrisme. Inspiration des muses, muses qui ne savent pas le rôle de muse que leur prête le poète. Donc, un sentiment souterrain, profond, enfoncé dans la chair des aimées.

L’amant et l’amante (ensemble) :

C’est ainsi que nous sommes

Nous avançons dans le vaste silence des baisers

Et nous chantons nos destins

riches et pauvres

résignés et tragiques

ou

Il est tombé d’en haut

a dérobé deux étoiles

puis a broyé les panthères

avec ses mains

pendant que nous dans le noir

nous boutonnions notre nudité.

 

Didier Ayres



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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.