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Inépuisables, Vivian Gornick (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 06 Novembre 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Rivages

Inépuisables, octobre 2020, trad. anglais (USA) Laetitia Devaux, 224 pages, 20 € . Ecrivain(s): Vivian Gornick Edition: Rivages

Cet ouvrage, constitué d’un ensemble d’articles de réflexion littéraire, pour certains ayant été entièrement ou partiellement déjà publiés, permet à Vivian Gornick de mieux cerner les contours de son personnage de femme, de femme juive new-yorkaise, de féministe, de socialiste et d’écrivaine et critique littéraire.

C’est en effet un livre qui tourne autour du désir – le désir érotique des écrivains et de leurs personnages, surtout féminins, et le désir de lecture, de redécouverte, d’interprétation et de réinterprétation des textes. Gornick connaît bien la littérature française : Colette, Duras sont pour elle des auteures de prédilection – Chéri, L’Amant, sont décryptés à l’aune de l’expérience personnelle de la jeune – ou moins jeune – critique américaine. Aller jusqu’au bout de son désir, tel est le but de Vivian Gornick.

L’ouvrage part d’un constat : relire des œuvres qu’on a aimées, lorsqu’on les a lues et découvertes plus jeune, apporte un enrichissement considérable sur le plan tant littéraire que personnel. Gornick cherche dans la diégèse des personnages romanesques des clés d’entrée, des analogies avec sa propre expérience, ses propres amours, sa propre compréhension du monde. Les personnages (ou leurs auteurs) auxquels elle s’identifie sont ainsi surtout des femmes qui ont conquis leur liberté. Le personnage est vu comme un prolongement de l’auteur.

A propos de Moby Dick – Herman Melville (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Novembre 2020. , dans USA, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Gallimard

Moby Dick, Herman Melville. Traduit de l'américain par Philippe Jaworski, Quarto Gallimard

Il faut sauver le narrateur !

Le plus grand roman américain ? Quoi qu’il en soit de la joute qui pourrait opposer les tenants de cette assertion et ceux qui proclameraient que c’est Absalon ! Absalon !, Moby Dick est un sommet dans les lettres américaines et la source intarissable de presque tout ce qui s’écrira après. Ce roman monstre (dans tous les sens du terme), il faut le rappeler, paraît en 1850, c’est-à-dire presque aux débuts de la grande littérature américaine, ce qui en dit, mieux que toutes les assertions du monde, l’énormité. Une littérature naissante et déjà une œuvre monumentale et éternelle qui surgit.

Melville est un génie, certes, mais son ouvrage ne vient pas du néant, il ne le crée pas de toutes pièces dans un désert littéraire. Nathaniel Hawthorne – qui sera son intime ami – a publié une partie de son œuvre et, surtout, La Lettre écarlate. Edgar Allan Poe a écrit une importante partie de ses contes. Ralph Waldo Emerson a écrit Nature. Et, bien sûr, Washington Irving et James Fenimore Cooper ont planté le décor des grands espaces et de la présence imminente du fantastique presque un siècle plus tôt. Mais Moby Dick, à défaut de sortir du néant, sort de l’immensité des océans ce qui, d’emblée, place l’ouvrage dans des espaces où seule La Bible avait imaginé des monstres. La bible, dont le roman est nourri, qui alimente chaque personnage, chaque situation, chaque ligne.

Retour à Martha’s Vineyard, Richard Russo (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 23 Octobre 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Quai Voltaire (La Table Ronde), Côté Arts, Côté Musique(s)

Retour à Martha’s Vineyard, août 2020, trad. anglais (USA) Jean Esch, 384 pages, 24 € . Ecrivain(s): Richard Russo Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Ce roman est fondé sur une construction et une intrigue classiques, autour de trois personnages : Lincoln Moser, agent immobilier, Teddy Novak, éditeur indépendant, et Mickey Girardi, musicien et ingénieur du son, tous trois anciens étudiants dans la même université prestigieuse de la côte Est des Etats-Unis, Minerva college, au tout début des années 1970, tous trois serveurs à la résidence des Theta, une sororité du campus, afin de payer leurs études.

Très vite on retrouve ce langage potache de l’entre-soi des étudiants, conservé plusieurs dizaines d’années après leur expérience universitaire : les surnoms ou diminutifs, affectueux ou moqueurs, les private jokes (ou plaisanteries internes), les sujets de conversation immatures, les beuveries, le sens de la fête… « Que la fête commence », c’est ainsi que le Lincoln de 66 ans accueille à nouveau ses deux camarades dans sa maison de vacances de Chilmark, sur l’île de Martha’s Vineyard.

Ragtime, E.L. Doctorow (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 20 Octobre 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Pavillons (Poche)

Ragtime (1975), trad. américain, Janine Hérisson, 399 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Edgar Laurence Doctorow Edition: Pavillons (Poche)

 

Doit-on vraiment continuer à chercher le « roman américain » ? Ce fameux roman qui serait pétri de l’Amérique même, son histoire, sa folie, sa grandeur, sa violence ? La lecture de Ragtime est assurément l’occasion de se poser la question tant on a l’impression de le tenir dans les mains. L’épopée américaine du premier XXème siècle – celle de l’époque dite « belle » – se fait roman sous la plume corrosive, ironique, puissante de Doctorow. Une épopée en noir et blanc bien sûr tant la présence des esclaves et descendants d’esclaves a scandé d’épisodes sanglants et effroyables l’Histoire des États-Unis. C’est avec une finesse aiguë que Doctorow a choisi son titre, Ragtime, musique noire qui, durant des décennies du XXème siècle, a fait danser les Blancs. C’est le roman entier qui est écrit à ce rythme effréné, syncopé, haletant : Changements de temps dans la scansion des phrases, passages d’un thème à l’autre, d’une histoire à l’autre, d’un personnage à l’autre.

Ohio, Stephen Markley (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 16 Octobre 2020. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Ohio, Stephen Markley, août 2020, trad. anglais (USA) Charles Recoursé, 540 pages, 22,90 € Edition: Albin Michel

 

Un soir. Six chapitres. Six amis d’enfance ou d’anciens camarades de lycée, or l’étaient-ils vraiment. Six chapitres bâtis comme des nouvelles. Dans l’état de l’Ohio, aux États-Unis.

Un soir, à New Canaan. Pour Internet, New Canaan est, entre autres, une suite de chiffres, 41°8’48.347’’N73°29’41.44’’W, une altitude de 105 mètres, une densité de 339 habitants/km2, 5280 familles dont 41,7% des enfants ont moins de 18 ans, 6822 ménages, 19395 habitants en 2000. Un an avant le 11 septembre 2001.

Assurément un rythme. La formation immédiate des images. Et la voix-off/la voix-on, qui d’emblée séduit. Le ton donc. Chaque détail est exprimé, détouré, débarrassé de son fondement spatio-temporel. Son revers. Et des descriptions à relire deux fois pour le plaisir du son. La fabrique d’une histoire qui fige, qui glace, qui foudroie. Lorsque la littérature perce l’envers des choses. Des êtres. Leur épaisseur. La fumée comme cadre, omniprésente tout au long du livre. Les vapeurs, le brouillard. Les vapeurs d’alcool. L’obscurité comme fond. La vie des êtres sans fonds.