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Roman

La Chasseuse d’astres, Zoé Valdès

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 16 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Jean-Claude Lattès

La Chasseuse d’astres, traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan, février 2014, 342 pages, 22 € . Ecrivain(s): Zoé Valdès Edition: Jean-Claude Lattès

 

Le roman de Zoé Valdès commence comme il finit : par l’évocation de ses intentions, lors d’une visite en bord de mer. Zamia, femme de lettres cubaine en mal d’inspiration, vient contempler la mer ; elle est la proie, croit-elle, de la vision d’une femme qui s’approche d’elle et lui déclare : « Tu es une charmeuse d’océans. Et moi, une chasseuse d’astres ».

Tout, dès lors, est articulé autour de ce qui déclenche cette vision. Zamia est passablement désabusée par les hommes qu’elle côtoie : Pablo, son époux légitime, Alvaro, son amant, au concours affectif incertain et aléatoire. Pablo est diplomate, salarié du régime castriste, et doit rendre des comptes, y compris sous la forme de transmission de renseignements sur l’activité contre-révolutionnaire des citoyens cubains à Paris. Zamia cherche pourtant à écrire, sur Cuba, sur Batista, et bientôt sur Remedios Varo, peintre surréaliste des années vingt d’origine catalane. Elle découvre sa vie, ses orientations artistiques, l’ambiance de l’époque et y voit, pour elle-même, auteure potentielle d’un roman, un modèle, une référence, une aide précieuse.

Un été sans alcool, Bernard Thomasson

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 14 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil

Un été sans alcool, mai 2014, 264 pages, 18,00 € . Ecrivain(s): Bernard Thomasson Edition: Seuil

 

« Je m’appelle Charles. J’ai soixante-neuf ans la semaine prochaine. Et je me suis lancé à la conquête de l’identité de mon père. Je sais que c’était un résistant. Je connais son prénom, Pierre. Personne ne m’a révélé son vrai nom. Il faut avouer que je ne l’ai jamais cherché.

Jusqu’à cet été ».

Roman de l’origine, et origine du roman, c’est le principe actif d’Un été sans alcool. Son terrain d’expérimentation : celui des eaux troubles de l’occupation et de la résistance, de ce qui a été dit et donc caché. Celui de la mémoire partielle, des affirmations et des rumeurs. Roman français, s’il en est. Sans identité, sans trace, sans visage, sans mémoire, point de récit national, et par extension point de récit particulier et romanesque. Un été sans alcool est le roman de la recherche de l’identité et de l’histoire du père du narrateur, mais aussi de sa mère.

Le temps est venu d’en savoir plus et de ne plus se contenter de ce qui s’est colporté. Le temps de Charles est compté, alors il se plonge dans ce qui a fondé son existence, sa naissance, au cœur de la guerre, de l’occupation et du maquis.

Les collines d’eucalyptus, Duong Thu Huong

Ecrit par Victoire NGuyen , le Samedi, 14 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Sabine Wespieser

Les collines d’eucalyptus, traduit du vietnamien par Phuong Dang Tran, 779 pages, 29 € . Ecrivain(s): Duong Thu Huong Edition: Sabine Wespieser

 

Les malheurs de Thanh


Les collines d’eucalyptus peut être lu à la suite de Sanctuaire du cœur publié en 2011 ou bien indépendamment de ce dernier. Le récit fleuve de 800 pages se veut être engagé et psychologisant. En effet, le roman illustre le combat de l’écrivaine contre le Parti communiste de son pays. Comme à son habitude, Duong Thu Huong ne mâche pas ses mots et dénonce les décisions absurdes qui ont ruiné le pays de l’intérieur comme par exemple la plantation massive des eucalyptus conduisant à l’appauvrissement des sols. Ainsi, la population des collines est privée des ressources naturelles qui l’ont nourrie depuis des millénaires :

« La forêt sauvage laissa place aux plantations de thé, de coton, de canarium, aux vergers de kakis, de jacquiers et de pamplemoussiers.

Seins et œufs, Mieko Kawakami

Ecrit par Frédéric Aribit , le Mardi, 10 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Japon, Babel (Actes Sud)

Seins et œufs, traduit du japonais par Patrick Honnoré, mars 2014, 108 pages, 6,50 € . Ecrivain(s): Mieko Kawakami Edition: Babel (Actes Sud)

 

Les touche-à-tout exaspèrent. Elle est japonaise. Diplômée de philo. Musicienne. Actrice. Romancière. Poète. Et d’autant plus exaspérante qu’elle a la beauté griffante des héroïnes futuristes d’un Enki Bilal. Seins et œufs (Chichi to Ran), son premier roman traduit en français, et qui lui avait valu le prestigieux prix Akutagawa à sa sortie, en 2007, vient de ressortir dans la collection de poche Babel. Mieko Kawakami nous ferait vraiment tout gober.

Les seins, ce sont ceux de Makiko, qui rêve, du haut de ses quarante ans, de se les faire refaire, dans cette clinique de la ville d’Osaka où elle se rend avec sa fille de douze ans, Midoriko. Installées dans le petit appartement de Natsu, la jeune sœur célibataire de Makiko, mère et fille vont partager avec elle leurs embrouilles successives, leurs disputes, leurs incompréhensions devant les questions que posent la féminité de leur corps mutant et les regards bridés de la société nippone contemporaine.

La violette du Prater, Christopher Isherwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Grasset

La violette du Prater (The Prater Violet). Traduit de l’anglais par Léo Dilé. Grasset Cahiers rouges avril 2014. 150 p. 7,90 € . Ecrivain(s): Christopher Isherwood Edition: Grasset

 

Dans l’œuvre d’Isherwood, pourtant très fournie, il n’y a que des chefs-d’œuvre. Certes « Adieu à Berlin » y fait figure de sommet mais ce roman-ci est aussi l’œuvre d’un maître. Tout l’art d’Isherwood s’y retrouve, cette capacité à glisser sur la toile de fond sombre de l’histoire du XXème siècle pour se réfugier – et nous réfugier – dans le destin somme toute trivial de personnages romanesques.

Romanesque, comment l’être plus que la figure centrale de ce livre : Bergmann, metteur en scène de cinéma digne du personnage de Falstaff du grand Will. Enorme, baroque, génial, bruyant, agaçant, attachant ! Le narrateur, le jeune écrivain/scénariste « Isherwood », mais oui, en est tout ébouriffé mais fasciné surtout. Les quelques semaines partagées à travailler avec Bergmann à la réalisation d’un film, « la violette du Prater », seront pour lui un vrai parcours initiatique. Pas seulement au plan professionnel, mais surtout au plan humain.

Les scènes désopilantes se succèdent sous les yeux ébahis des collaborateurs du film et d’Isherwood.