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Roman

Manuel d’écriture et de survie, Martin Page

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 28 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil

Manuel d’écriture et de survie, mai 2014, 176 pages, 14 € . Ecrivain(s): Martin Page Edition: Seuil

 

« J’ai des points communs avec des dessinateurs, des peintres, des biologistes, des musiciens, avec des personnes qui ne pratiquent aucun art mais qui exercent leur profession avec imagination. Je déteste l’idée de groupe et de corporatisme. Aller voir ailleurs profite toujours à notre art ».

Sur le ring du roman, Martin Page invite Daria, une jeune femme romanesque qui se livre à quelques exercices littéraires. Il répond à ses lettres imaginaires, comme à l’entraînement : esquive, pas de danse, jambes souples, souffle contrôlé et poings prêts à frapper, pour lui montrer ce qu’il convient d’éviter si elle veut gagner aux points. Il témoigne de ses combats permanents, de sa lutte incessante contre les assis et contre lui-même. Le doute comme une paire de gants de cuir où l’on se glisse, les incertitudes comme des cordes qui renvoient l’écrivain au centre du ring, exposition totale, où se découvrir peut être fatal. Mais aussi toujours avancer, même lorsque l’on perd du terrain. Ecrire et ne jamais baisser la garde, écrire et s’en donner les moyens.

Omaha, Norman Ginzberg

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Jeudi, 26 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Héloïse D'Ormesson

Omaha, juin 2014, 320 pages, 19 € . Ecrivain(s): Norman Ginzberg Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Pour son second roman, Norman Ginzberg abandonne le western et nous plonge dans l’enfer de la Seconde Guerre mondiale. Omaha Beach, le 6 juin 1944.

Deux frères, Walton et Karl Zimmermann, enfants d’une famille d’Allemands émigrés aux Etats-Unis, vont se retrouver dans cette bataille décisive pour le sort du conflit. Frères de sang certes, mais frères d’armes en aucun cas, chacun ayant choisi radicalement son camp. Pour l’aîné, Karl, l’intellectuel et le fils brillant adulé par ses parents, un séjour en Allemagne chez un oncle le convainc d’adhérer aux jeunesses hitlériennes et d’épouser la doctrine du national-socialisme. Quant à Walton, il brille plus au base-ball qu’aux études, préfère la compagnie des filles à celle des livres, et gagne sa vie en vendant des voitures à Chicago.

Séparés depuis 1938, ce 6 juin 1944, le destin va faire se croiser leurs routes en cette Normandie qu’ils découvrent à tour de rôle : Karl aux commandes d’une colonne de chars de la 12e Panzer SS, Walton, simple soldat dans son bataillon du 16e RCT, l’une des huit premières compagnies américaines à débarquer sur les côtes normandes.

Ninive, Henrietta Rose-Innes

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 25 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Zoe

Ninive, traduit de l’anglais (Af-Sud) par Elisabeth Gilles, avril 2014, 282 pages, 20 € . Ecrivain(s): Henrietta Rose-Innes Edition: Zoe

 

« Des chenilles ? Facile, pensa Katya. Même celles-ci, qui recouvrent l’arbre du tronc jusqu’à la cime, en grappes serrées, leurs poils orange tout tremblotants. Les chenilles, elle en fait son affaire.

Mais cet arbre qui se tortille, quel étrange spectacle tout de même : un arbre gangrené. Surtout ici, avec cette pelouse parfaite qui descend jusqu’à la grande maison blanche en contrebas, entre des parterres de fleurs bien taillés piquetés de rose et de bleu. Sur le côté, juste dans son angle de vision, un jardinier tond le bord de la pelouse, les yeux sur Katya et le garçon, pas sur sa cisaille. En arrière-plan, se dresse la Constantiaberg. C’est un jour d’automne, frais mais clair. Les montagnes font leur âge, ridées, usées et écrasées par un ciel exubérant. Belle journée pour une garden-party.

Au centre du tableau, il y a pourtant cette chose abominable. Cet unique arbre emmailloté d’une couche de matière invertébrée, d’une multitude de corps à pointes molles couleur de sucre brûlé. On dirait que l’arbre entier a été dévoré et remplacé par une réplique grossière de lui-même tout en chair de chenilles » (p.9).

Cent ans, Herbjorg Wassmo

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 20 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, 10/18

Cent ans, traduit du norvégien par Luce Hinsch, 2013, 592 pages, 9,80 € . Ecrivain(s): Herbjørg Wassmo Edition: 10/18

 

Quelque part du côté de ces Tolstoï, ces Gogol, baignés de leur lumière unique, tout en haut de l’arbre littéraire. Ces livres qui portent à eux seuls toute la littérature, par la force des personnages, l’impeccable du rendu des lieux, et de l’Histoire en fond d’écran… Wassmo – lue autant que la Bible, en terre scandinave – est de ce terreau-là. Quand on la lit, le reste de la bibliothèque prend un coup de nuit polaire ; c’est comme ça !

Petite, en robe noire et cheveux blancs, souriante et sérieuse, lors de la récente Comédie du livre de Montpellier dont elle était « la » vedette, la dame du grand nord a posé ce qu’il fallait d’estime et d’encouragements pour les femmes – toutes, et sans doute surtout celles qui veulent tenir debout. Celles de ses romans-saga ; une Dina, une Tora ; toutes éclairées par ce soleil si particulier du Nord de la Norvège, au bord des lacs glacés. Dans Cent ans, ce sont les siennes, celles de sa famille, quatre générations en amont d’elle, Herbjorg, dont on assiste à la naissance dans les derniers mots du livre, comme une fin de passage de témoin.

Tant de larmes ont coulé depuis, Alfons Cervera

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 20 Juin 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, La Contre Allée

Tant de larmes ont coulé depuis (Tantas lágrimas han corrido desde entonces), traduit de l’espagnol par Georges Tyras, avril 2014, 224 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Alfons Cervera Edition: La Contre Allée

 

Voici le quatrième roman d’Alfons Cervera, l’écrivain valencien qui nous est offert, traduit en français par le fidèle et complice George Tyras. Après La couleur du crépuscule et Maquis à La fosse aux ours (premiers titres du cycle de la mémoire qui compte 5 romans), puis Ces vies-là à la Contre allée, voici Tant de larmes ont coulé depuis, Tantas lágrimas han corrido desde entonces, dernier titre publié outre Pyrénées (2012).

Le principal narrateur de ce roman – mais l’on serait tenté de mettre la catégorie « roman » entre guillemets – a émigré en France, à Orange, il y a des années et revient aujourd’hui à son village perdu dans la « Serranía valenciana », Los Yesares, pour l’enterrement de la mère de son ami Alfons. Le récit s’inscrit donc dans une certaine continuité avec le cycle de la mémoire et avec Ces vies-là, et mêle présent et passé, faits réels revisités ou réinventés, voix multiples… révélant et construisant une mémoire d’aujourd’hui sur les souvenirs du passé.