Identification

Roman

Nouba, Michèle Bayar

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mardi, 07 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Cheminante

Nouba, Michèle Bayar, mai 2014, 190 pages, 18 € . Ecrivain(s): Michèle Bayar Edition: La Cheminante

 

Nouba, une ode à la vie, une invitation à la fraternité !

Dans son dernier roman Nouba, Michèle Bayar met en scène une multitude de personnages et une palette humaine d’une grande variété. Entre coutumes traditionnelles, légendes ancestrales et mœurs contemporaines de notre société, les protagonistes de Nouba naviguent dans le milieu de la création artistique et avancent dans la vie avec les difficultés liées aux pressions sociales, notamment pour ces jeunes gens, le désir de leurs mères de les marier.

En 12 épisodes (12 heures) dans un jeu narratif proche de celui d’une sitcom, l’auteur présente l’histoire d’une famille méditerranéenne, de celles pour qui on ne déroge pas avec la tradition, matérialisée par les « chez nous » itératifs. Nous sommes pris entre l’angoisse des mères et l’émancipation des jeunes nés dans une époque libertaire qui tolère jusqu’à la liberté des filles ou la vie de bohème. Michèle Bayar y mêle même habilement les questions du handicap, de l’homosexualité et celles des liaisons sur internet. La vivacité des personnages et leur sincérité nous les rendent tous profondément attachants, grâce à une écriture dynamique, une plume vive et enjouée.

Mémoires d'un bon à rien, Gary Shteyngart

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 02 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, L'Olivier (Seuil)

Mémoires d’un bon à rien (Little Failure). Traduit de l’américain par Stéphane Roques Mars 2015. 396 p. 23,50 € . Ecrivain(s): Gary Shteyngart Edition: L'Olivier (Seuil)

Commençons par l’essentiel : Gary Shteyngart est un grand écrivain. On le savait déjà depuis son premier roman jusqu’à « Une super triste histoire d’amour » mais là, avec ces « mémoires » (qui sont de vraies mémoires), notre new yorkais signe une œuvre majeure, de l’étoffe de celles qui vont compter dans la littérature américaine.

Le temps donc. L’auteur va nous emmener dans son enfance, son adolescence, sa maturation d’homme et d’écrivain. Et la matière ne manque pas pour faire souffler des accents d’épopée. Nous allons le suivre non seulement dans ses étapes de vie mais surtout dans de véritables métamorphoses : culturelles, identitaires, psychiques, linguistiques, et même physiques.

La Russie d’abord (alors URSS, au temps de la naissance de l’auteur), terre matricielle, terre des ancêtres, terre aimée et crainte, attachante et meurtrière. La famille Shteyngart a subi, comme toutes les familles juives de Russie, les souffrances du peuple juif soumis à l’antisémitisme, à la pauvreté. Elle a subi en plus, les souffrances du peuple russe, ses guerres et ses révolutions. Le trio central de la famille Shteyngart, le père, la mère et le petit Igor (oui Igor, Gary ne viendra que plus tard, on vous l’a dit « métamorphoses ») est le produit parfait de cette histoire : vivant en diable, pansant tant bien que mal ses douleurs, et surtout étonnant d’énergie. Seul le petit Igor est souffreteux, asthmatique, craintif, timide.

Héloïse, ouille !, Jean Teulé

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 01 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Julliard, Histoire

Héloïse, ouille !, Julliard, mars 2015, 352 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean Teulé Edition: Julliard

 

Qui d’autre que Jean Teulé aurait osé lever le voile et la soutane sur les amours charnels des deux figures mythiques du XIIe siècle, Héloïse et Abélard ? Et qui d’autre que lui aurait su le faire de manière aussi crue et dévergoigneuse ? Confiée par son oncle le chanoine Fulbert aux bons soins pédagogiques du plus grand, du plus célèbre et adulé philosophe de son temps, de vingt ans son aîné, maître Abélard, la très jeune, très belle, très intelligente et très dégourdie Héloïse va bénéficier jour après jour d’un enseignement particulier, voire très particulier. Là, où les historiens notent pudiquement un an et demi à deux ans de relations amoureuses, la plume débridée de l’écrivain plonge dans les délices des turpitudes et folies érotiques de deux êtres dévorés par la passion. Il se livre à l’exercice avec un plaisir jubilatoire, un humour féroce et une liberté de style qui mêle avec gourmandise et provocation le plus poétique et le plus trivial. Une langue aux accents moyenâgeux, ponctuée de phrases, apartés populaires très contemporains.

Un livre de cul ? Oui, pour les deux tiers, mais quel cul !

Toutes les vagues de l’océan, Victor del Árbol

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 01 Avril 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Espagne, Actes Noirs (Actes Sud)

Toutes les vagues de l’océan (Un millón de gotas), février 2015, trad. de l’espagnol par Claude Bleton, 608 p. 23,80 € . Ecrivain(s): Victor del Arbol Edition: Actes Noirs (Actes Sud)

Attendu par les amateurs depuis des mois, le troisième titre d’un maître du thriller « made in Barcelona » traduit en France, toujours chez Actes Sud et dans une traduction de Claude Bleton : Toutes les vagues de l’océan (Un millón de gotas) de Víctor del Árbol. Un roman qui a demandé à son auteur, de son propre aveu, un important travail et qui fut plus « éprouvant » que les précédents (La maison des chagrins / Respirar por la herrida ; La tristesse du samouraï / La tristeza del samurai ; précédé par El peso de los muertos (pas traduit) et El abismo de los sueños (primé mais pas publié).

Un avocat discret, un peu débordé par la vie et les événements, Gonzalo Gil, est confronté à la mort de sa sœur, Laura, et à tout ce que celle-ci va entraîner. C’est que Laura, son aînée de quelques années, n’est pas quelqu’un de très ordinaire. Elle a commencé par publier un article qui contestait la légende entourant la vie et la disparition de leur père, est entrée dans la police alors que d’autres carrières, plus enviables, se présentaient à elle, s’est retrouvée dans une enquête qui semble avoir coûté la vie à son jeune fils pour être finalement accusée d’avoir cruellement exécuté l’assassin de celui-ci avant de se donner la mort. Gonzalo a du mal à simplement admettre ce qui s’est passé, ce qui se serait passé, et va partir à la chasse aux fantômes de son père, éveillant d’autres fantômes, encore trop vivants.

Noir parfait, Valentin Retz

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 30 Mars 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Noir parfait, janvier 2015, 168 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Valentin Retz Edition: Gallimard

 

« Durant deux longues années, le pourtour de mes yeux, mes pommettes, mes tempes, mais également, et curieusement, le bas de mes chevilles, ont grillé nuit et jour sur l’autel de mes nerfs. Je me suis consommé en un lent sacrifice ».

C’est ainsi que s’ouvre Noir parfait, à la manière d’un opéra. Les nerfs du roman se consument comme ceux de Don Giovanni. Le corps du narrateur est en feu, il grille en silence comme touché par quelque maléfice. Alors, il s’agit de guérir, mais aussi de comprendre d’où vient cette malédiction. Et si tout s’était joué en Grèce, lors d’un séjour avec son épouse et son fils, Daphné et Hermès. On ne visite pas les dieux et les hommes sans quelque risque, on ne rencontre pas un Bohémien handicapé, on ne se glisse pas dans le temple d’Apollon Épikourios sans quelque dommage – souffrir sans raison peut réellement rendre fou et (que) la folie démultiplie en général les circonstances fatidiques. Le narrateur saisi au vif par ce feu – cet Enfer ? – ne sait plus à quel miracle se vouer, à quel saint se confier et à quel dieu s’offrir pour ne plus souffrir – le Paradis ? – (que) je brûlerais mes brûlures en brûlant six cent cierges, avant que sa résurrection ne surgisse d’un changement de regard.