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Roman

Atala. René. Les aventures du dernier Abencérage de Chateaubriand, François Mouttapa

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 24 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Atala. René. Les aventures du dernier Abencérage de Chateaubriand, 270 pages . Ecrivain(s): François Mouttapa Edition: Folio (Gallimard)

Lire Chateaubriand nous fait entrer dans l’empyrée (et François Mouttapa, dans son bel essai, nous permet cette entrée ; lisez, plus que tout autre, cet ouvrage de la collection Foliothèque : je ne sache pas meilleure introduction à l’œuvre de Chateaubriand).

La vision cosmogonique aristotélicienne (chaque planète s’insère dans une sphère cristalline qui tourne inlassablement autour de la Terre) fut phagocytée par les scolastiques médiévaux qui assignèrent la force motrice des sphères aux anges et aux archanges. Pour eux, si l’enfer se situe au centre de la Terre, l’empyrée, où Dieu réside physiquement, est un lieu non limité par un espace, un lieu non constitué de matière, un lieu placé juste derrière la sphère des étoiles fixes.

Mais il est une différence entre la prose de Chateaubriand et l’empyrée. Au lieu que l’empyrée est un lieu perpétuellement immobile, la prose de Chateaubriand est quant à elle le lieu d’une mobilité perpétuelle. Qui se fait sans heurt. Une mobilité du sens, et du souffle qui le porte (face auxquels le lecteur ne peut que charger son immobilité d’animation et de vitesse accumulées, ainsi que l’a soufflé Proust), du souffle fait phrases, qui n’a rien à envier à la musique classique, à la fluidité qu’elle propose, au sein de laquelle toute dissonance ne peut que se résoudre en harmonie, en accord tonal, parfait souvent.

L’ours est un écrivain comme les autres, William Kotzwinkle (2ème article)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 24 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Cambourakis

L’ours est un écrivain comme les autres (The Bear Went Over the Mountain), octobre 2014, traduit de l’anglais (USA) par Nathalie Bru, 304 pages, 22 € . Ecrivain(s): William Kotzwinkle Edition: Cambourakis

 

L’ours est un écrivain, et réciproquement…

Avec ce roman, William Kotzwinkle nous offre un de ces gueuletons littéraires dont la littérature américaine a peut-être le secret, même si elle n’en a pas l’exclusivité. Un roman foisonnant, drôle et « déjanté » – comme l’on dit aujourd’hui – qui tient à la fois de la farce, de la tragédie, de la critique sociale, de l’absurde élevé au rang de logique implacable et – sans doute avant tout cela – du bonheur de l’écriture qui éveille irrésistiblement le bonheur de la lecture.

Arthur Bramhall est un universitaire pas trop brillant qui se rêve écrivain et, à l’image de son créateur, il s’est isolé dans un coin reculé du Maine pour « se réaliser » dans l’écriture. Pas vraiment inspiré il commence par plagier un best-seller, mais – peut-être heureusement pour sa réputation – le manuscrit partira en fumée dans l’incendie de sa cabane du Maine. Le coup est dur et la seule solution est de s’y remettre, de ré-écrire un nouveau roman…

Peau de femme, Philippe Comar

Ecrit par Sophie Galabru , le Jeudi, 22 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Peau de femme, janvier 2015, 240 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Philippe Comar Edition: Gallimard

 

Une jeune femme dissèque minutieusement tout son corps, sous tous ses angles, plis, recoins et orifices, à travers ses humeurs et ses hormones, ses hivers et ses printemps. Anatomie du corps perçu jusqu’aux tréfonds du corps vécu, le livre nous offre une décomposition de l’intérieur par l’extérieur, conduisant jusqu’au bout l’ambivalence délicate d’avoir un corps tout en étant son corps. Comme un animal en pleine mue, une femme se vit selon sa chair, se raconte selon ses histoires de peau, et expulse ses amours par tous les pores. Il lui faut par là se retrouver et se perdre selon ses plus vives sensations qui sont autant de points nébuleux de ses souvenirs charnels.

S’ouvrant par ce qu’il serait convenu d’appeler une phénoménologie du corps, le livre séduit donc d’abord par une écriture venue d’ailleurs que de l’esprit. Affirmant la pluralité des corps selon une division ultime entre l’extérieur et l’intérieur, la multiplicité des corps se déploie selon le rythme et les impressions d’une femme encore assez jeune pour se découvrir et assez mûre pour se connaître un peu. Le corps-objet ou le corps-machine, le corps malade, le corps des orifices, le corps amoureux, le corps des souvenirs, le corps du quotidien, le corps imaginé, le corps d’une cantatrice, le corps-professeur, bref

Trois langues dans ma bouche, Frédéric Aribit

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 21 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Belfond

Trois langues dans ma bouche, janvier 2015, 208 pages, 17 € . Ecrivain(s): Frédéric Aribit Edition: Belfond

 

Le titre annonce trois langues. L’affaire de Frédéric Aribit est dès lors claire : la langue – on peut même l’écrire à la façon de Jacques Lacan lalangue (en un mot), pour signifier haut et fort que chez Aribit c’est une histoire d’être ou de ne pas être – de vie ou de mort. Dès l’épigraphe, on devine où il va chercher ses sources, Michon n’est pas si souvent cité or il l’est ici en ouverture de l’œuvre*. Et pas seulement de cette œuvre particulière mais, ce roman étant le tout premier de son auteur, d’une œuvre qu’on peut souhaiter dense et vaste, tant le talent de ce premier opus est éblouissant.

La langue donc. Celle d’Aribit est soyeuse, élégante, d’une stupéfiante beauté tant le registre noble – parfois rompu par des éclats triviaux – est totalement assumé, maîtrisé. Mieux encore, dominé. En quelques pages, on est totalement séduit, totalement certain d’être en train de lire un grand roman et un écrivain. Un vrai. Un de ceux qui ne racontent pas d’histoires. Prenez l’expression dans sa polysémie : il prend son travail d’écrivain très au sérieux ET son objet n’est pas de raconter une (ou des) histoire(s).

En face, Pierre Demarty (2ème article)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 20 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Flammarion

En face, août 2014, 192 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pierre Demarty Edition: Flammarion

 

« Ils imaginèrent que tout homme est deux hommes et que le véritable est l’autre », Jorge Luis Borges

 

Bizarre ce roman, kafkaïen certes, à la fois un portrait pathétique de la vie banale et incolore, « une vie en somme. Plus commune qu’une fosse. Qui songerait à y jeter sa pierre ? » d’un couple citadin plutôt aisé et un dérapage surréaliste. Une alternance de passages vifs à l’humour caustique et percutant et de longueurs un peu mornes, alors que l’auteur – ou devrais-je dire le narrateur ? – qui en est sans aucun doute l’alter ego, est pourtant du genre bavard. Parfois trop, ce qui alourdit le récit. Aussi bavard donc que le personnage principal de cette histoire bizarre va devenir mutique. Le narrateur lui n’a rien à voir avec l’histoire finalement, si ce n’est d’être celui que son antihéros, Jean Nochez, va rencontrer – et rencontrer déjà est un bien grand mot –, disons côtoyer au Bar des Indociles Heureux, un de ces petits bars qui ne brillent pas par leur cachet, mais ont l’allure cependant de phare dans la nuit où viennent s’échouer des types en rade ou à la dérive, ce qui revient au même.