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Poésie

Les Hautes Herbes, Hubert Voignier (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 25 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Voyages, Cheyne Editeur

Les Hautes Herbes, 64 pages, 17 € . Ecrivain(s): Hubert Voignier Edition: Cheyne Editeur

 

Ce qui interpelle de prime abord est la très belle plastique du livre, soignée, relevée par des reliefs sur la couverture autant qu’à l’intérieur des pages, via les illustrations de hautes herbes (splendide travail dû à Estelle Aguelon) qui, à elles seules, savent nous emmener dans l’entremêlement infini des feuilles et des tiges qui peuplent l’ouvrage entier.

Il s’agit d’une progression en quatre mouvements : la référence au champ lexical de la musique se justifie pleinement, tant la langue d’Hubert Voignier est maîtrisée, riche, magnifiquement nuancée dans son rythme – il est impossible de résister au courant de sa prose poétique une fois que nous nous sommes lancés, tant l’immersion dans le monde végétal se fait le reflet d’une vie intérieure intense. Le déferlement de nature qui nous submerge et nous anime en même temps semble trouver son apothéose dans le troisième mouvement, avec l’arrivée des mauvaises herbes et leur « mouvement d’émancipation naturelle », leur « débordement de vie, anarchique et frondeur » [p.38].

Cartes postales, Henry Jean-Marie Levet (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 24 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Cartes postales, février 2019, 112 pages, 6,10 € . Ecrivain(s): Henry Jean-Marie Levet Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Auteur du dernier quart du XIXe, Levet, né en 1874, mort en 1906, fut un diplomate à l’étranger. Il découvrit nombre de terres orientales (Inde, Philippines…), africaines, et écrivit à leur sujet ces « Cartes postales ».

À Paris, il fréquente Fargue, Francis Jourdain, et est l’un des noctambules de la période symboliste, autour des cafés du quartier Latin et de Montmartre.

D’une œuvre, détruite par ses proches, entre autres des manuscrits et un roman, il nous reste à lire ces « poésies et chansons », parus du vivant de l’auteur dans Le Courrier français (1895, 1896), dans la Collection bibliophile de l’Aube (1897), dans La Vogue (mars 1900), dans La Grande France (avril et septembre 1902).

Un parcours fulgurant, juste contemporain d’un Jarry (1873-1907), avec, comme le souligne le préfacier Michel Bulteau, une belle évolution entre les poèmes de ses vingt ans, dignes d’un chansonnier acide, et ceux nés des « Cartes postales » postées de Biskra, La Plata, Nice, Nagasaki…

Je te massacrerai mon cœur, Philippe Thireau (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 19 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Je te massacrerai mon cœur, Philippe Thireau, PhB éditions, mai 2019, 46 pages, 10 €

Composés de tankas et de haïkus, ce nouveau recueil de Philippe Thireau déroule, dans le soufre/le souffle discrètement assassin d’une renaissance biographique, sept jours de re-création/de jours ad-venus, insolites et déroutants. Terriblement curieux par la douce puissance redoutable que dégage le journal/roman de « la fille non advenue », l’héroïne de Je te massacrerai mon cœur. Fille n’étant pas advenue, cette dernière apparaît dès le « 1er jour au printemps », sur le seuil du livre, dans les frasques d’un garçonnet, « nu », d’être d’entrée dépossédé d’un amour déterminant : celui d’être désiré, celui d’être attendu

« un impossible ventre toi

advenu garçon pas fille

ainsi je fus nu

n.u. nu garçon pas fille

mais fille serai second »

Les Poètes du Nord, Paul Verlaine (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 18 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

Les Poètes du Nord, avril 2019, 104 pages, 12 € . Ecrivain(s): Paul Verlaine Edition: Gallimard

 

Quand Verlaine tenait le rôle de conférencier

Que faire lorsque l’on veut défendre ce qu’on aime et que l’on est poète, dire l’ambition poétique, son enjeu majeur, son lien avec la vie ? On peut opter pour une préface, rédiger un manifeste, un Art Poétique, ou encore laisser la poésie se dire elle-même ? Il reste encore le truchement de la conférence. On en connaît quelques-unes de ces conférences qui ont marqué l’histoire ; par exemple celle donnée par Apollinaire en 1918, L’esprit nouveau et les poètes, ou encore Breton qui a multiplié les prises de paroles conférencières.

On nous apprend qu’il en fut de même pour Verlaine qui, vers la fin de sa vie, fit une tournée de conférences en Belgique, Hollande, Angleterre, et dans le Nord de la France qui lui était si cher au cœur. Il y était question du symbolisme, du Parnasse, des Poètes maudits, de sa propre œuvre… L’une d’elles restait inconnue, celle du 29 Mars 1894, prononcée à Paris au Café Le Procope. Verlaine l’avait intitulée Les Poètes du Nord. Redécouverte, elle vient d’être publiée par Gallimard avec une présentation très documentée de Patrice Locmant.

Radicelles, Murièle Modély (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 17 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Tarmac Editions

Radicelles, février 2019, photographies couleurs Vincent Motard-Avargues, préface Dominique Boudou, 40 pages, 18 € . Ecrivain(s): Murièle Modély Edition: Tarmac Editions

 

Murièle Modély a trop de talent pour être éditée, je ne me l’explique pas autrement, aussi quand enfin un de ses recueils voit le jour sur papier, c’est vraiment une grande joie que de tenir l’objet où l’écriture devient matière. Et pour une écriture aussi dense, un bel écrin s’impose. Après la Revue Nouveaux Délits qui avait publié Feu de tout bois, premier opus de sa Collection Délits buissonniers, c’est de nouveau un revuiste qui tend la main à la talentueuse poète : Jean-Claude Goiri qui publie la Revue FPM et a créé aussi les éditions Tarmac.

Radicelles est un duo, un vis-à-vis où la voix de la poète vient se frotter aux photographies couleurs de Vincent Motard-Avargues tandis que ces dernières entrent en résonance avec cette langue organique et accrocheuse.

On retrouve dans ce recueil, une thématique qui est précieuse à Murièle Modély, quasi obsessionnelle : l’île laissée derrière où sont plantées bien profond des racines lourdes de sang.