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Poésie

Le Livre des anges, suivi de La Nuit spirituelle et de Carnet d’une allumeuse, Lydie Dattas (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 16 Juin 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Le Livre des anges, suivi de La Nuit spirituelle et de Carnet d’une allumeuse, juin 2020, 272 pages, 9,50 € . Ecrivain(s): Lydie Dattas Edition: Gallimard

 

Lydie Dattas et le cirque du monde

Aux marivaudages, Lydie Dattas préfère les gouffres obscurs de la poésie et la beauté de l’existence telle qu’elle est : « Percé de soleil rouge, mon verre de grenadine m’était une Sainte-Chapelle ». Et comme son héroïne de Carnet d’une allumeuse, elle peut se délecter de ses larmes.

Néanmoins, servant d’alibi sublime à la poétesse, l’adolescente expérimente l’avidité irrépressible du mâle pour en connaître les tenants et aboutissants. Elle peut se laisser faire lorsqu’un mâle force ses cuisses d’un genou en mâchonnant ses lèvres sous un porche. Mais qu’il prenne garde…

D’autant que pour l’auteure, l’Allumeuse est redéfinie. C’est celle qui éclaire, qui donne de la lumière. Et les trois livres (majeurs) réunis ici, l’amie de Genet, l’ex-épouse d’Alexandre Romanès avec lequel elle créa le cirque Bouglione, tourne ainsi autour du mystère des désirs loin des stéréotypes d’usage.

L’homme des grands départs, Thibault Biscarrat (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 10 Juin 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les Vanneaux

L’homme des grands départs, juin 2020, 39 pages, 16 € . Ecrivain(s): Thibault Biscarrat  Edition: Les Vanneaux

 

« Il avance par fragments, séquences et fulgurances, psalmodiant un chant d’amour ou de désastre, c’est selon » (Patricia Boyer de Latour).

« Mon visage a la forme d’une pierre. Poussière mon corps, poussière ce que je dis.

La parole scinde le masque et l’offrande ».

L’homme des grands départs se lit et s’entend en écho au Livre de Mémoire, deux livres kabbalistiques, qui littéralement transmettent les visions de l’écrivain. Qui sait voir, sait écrire, et qui sait écrire, se doit de savoir voir. C’est le Zohar qui ouvrait Le Livre de Mémoire, comme le rappel d’une parole immortelle, ici, c’est l’Exode, dont le poète est un lecteur privilégiévous serez pour moi privilégié parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi (1). Thibault Biscarrat est un voyant : Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Eternité (2), et sa poésie, qui ne ressemble à aucune autre, suit pas à pas ce chemin d’Eternité, donc de liberté.

Le Temps suivi de Notre-Dame, William Cliff (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 05 Juin 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde

Le Temps suivi de Notre-Dame, mars 2020, 128p., 15€. . Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde

 

Ce seizième livre de poèmes (un sixième chez l’éditeur parisien) prend le « temps » comme sujet, comme « matière » ouverte, et sert une sorte de fil rouge qui mène en amont à Autobiographie ou à Journal d’un innocent, puisque le poème a pour projet d’évoquer ce « temps » de soi, au fil de très longs poèmes descriptifs, narratifs, dédiés à la jeunesse, passée à Louvain l’Ancienne, à quelques voyages (le poète est un hardi promeneur), à des rencontres, à des amours, à de pauvres résidences, si peu meublées, si peu coûteuses, bien inconfortables pour y loger patience et écriture.

Et pourtant, de là sont nés ces textes, largement autobiographiques, âprement personnels par leur diction, très syntaxique, leurs supports (alexandrins, dizains…) classiques, leur langue (ne rechignant guère à proposer archaïsmes, orthographe médiévale et autres néologismes) fidèle à la pure tradition des Villon et Verlaine.

Cliff relate ainsi ce métier difficile de professeur de français, se blâme de l’avoir pratiqué sans grande conviction parfois, mais de là sont venus ces poèmes lucides, francs, un peu tristounets, pleins d’alarmes et de doutes, vécus de l’intérieur et tout de même de promesses peu visibles :

Éphéméride, Valérie Rouzeau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 22 Mai 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Éphéméride, mars 2020, 144 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Valérie Rouzeau

 

De Nevers – cité qui incite à la poésie –, Valérie Rouzeau a tenu pour nous un journal poétique du 11 mai 2019 à fin décembre, mêlant dans un joyeux désordre surréaliste et signifiant, notes, poèmes, menues activités, rencontres, fragments de pairs aimés, chronologie intime et intimiste des événements d’une « vie ordinaire », où le registre des faits, des gestes, des textes sonne comme une victoire contre ce temps chenapan et tapageur, période difficile aussi à vivre, sans espérer un peu que la poésie puisse comme un baume joindre à l’amer un peu de beauté et d’inventivité.

Et en matière d’inventivité, Rouzeau ne manque pas de ressources, se régalant à commettre sur le dos des signifiants, nombre de forfaits poétiques notoires, selon la logique de « l’effet mère ride », Valérie consigne ainsi :

La Bête, son corps de forêt, Perrine Le Querrec (par Jean-Paul Gavard-Perret))

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 18 Mai 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La Bête, son corps de forêt, Editions Les Inaperçus, juin 2020, 48 pages, 7 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec

 

 

Les mots de Perrine Le Querrec lorsqu’ils parlent des femmes sont souvent chargés d’ombre. Solidaire de celles qui furent des victimes à diverses époques (femmes tondues à la libération par exemple), elle écrit dans la faille du temps comme dans les espaces d’enfermements en renversant les données de l’asile – il est fait chez elle non pour protéger le dehors de leur dedans, mais leur dedans du dehors.

Pour autant, dans un second volet de son travail, l’auteure quitte les moments de désolation et de dégradation pour oser une écriture de l’éros. Les corps sont là sans fard. Et si Beckett a écrit « Il faut dire des mots », Perrine Le Querrec ramène à la surface de la page non les vestiges mais les vertiges d’un corps qui écrit, et tout tremble.