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Poésie

Sus la Talvera, En Marge, Carles Diaz (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 08 Janvier 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Sus la Talvera, En Marge, Carles Diaz, Editions Abordo, juillet 2019, Préface, trad. occitan Joan-Pèire Tardiu, 64 pages, 14 €

 

« Je suis sur le papier un croquis. La paille en désordre qui flambe. Le foin que les fermiers ont brûlé. La cendre dispersée qui retient la Hauteur captive. Cette bordure des champs qu’on ne cultive pas et qui en Occitanie s’appelle : la talvera ».

« Soi sul papièr un escapol. La palha escampilhada que flamba. Lo fen que los bordiers l’an cremat. Lo cendre espargit que reten la Nautor captiva. Aquel bòrd de las pèças que se laura pas e que’n Païs d’Òc se ditz : la talvera ».

La poésie, cet éclat musical est une affaire de langue. Ici elles sont deux, la langue d’Oc et la langue de France. Deux langues qui s’accordent, et se répondent, l’une enfante l’autre, l’autre fait entendre la première, « Une langue unique ne suffit jamais pour habiter le monde… ». Carles Diaz en possède au moins deux, celle de son origine, l’espagnol du Chili, « j’ai traversé le mutisme des Andes », et celle de son adoption littéraire et géographique, le français.

La rive s’éloigne..., Eliane Vernay (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 08 Janvier 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La rive s’éloigne..., Eliane Vernay, éd. La tête à l’envers, décembre 2019, 104 pages, encres de Liliane-Eve Brendel, 18 €

 

La poésie peut-elle absoudre la mort, la vaincre ? Peut-elle nous réconcilier avec l’absence, l’ombre, le vide, l’incompréhensible départ ? Les poèmes des cinq parties qui constituent ce livre de deuil ont pour vertu, quoique éclatés, épars, disloqués, en petites laisses de chagrin ou d’espérance, quoique disséminés sur les pages comme des versets en hommage à la douleur, de dire l’irréparable : « l’ombre de l’ombre », celle des tombes, des cimetières, des lieux de silence.

Eliane Vernay tutoie « la douleur », cherche à lui imposer silence, cerne « l’abîme » et « l’obscur » qui accompagnent tout départ.

Que d’ombres, que de silences, que de déroutes dans ces vers « au plus creux/ de l’obscur » !

La poète sait ajuster sa douleur, creuser une « ligne de vie » à côté de toutes les morts :

Le souffle du ciel, Sonia Elvireanu (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 16 Décembre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Harmattan

Le souffle du ciel, octobre 2019, 162 pages, 17 € . Ecrivain(s): Sonia Elvireanu Edition: L'Harmattan

 

Rencontre avec l’être aimé au-delà de toute apparence : voilà le ressenti premier à la lecture de ces poèmes qui élargissent l’état de grâce du projet, la motivation universalisant le propos. Les éléments naturels sont raccourcis dans leur état de manière à susciter chez le lecteur une sorte de choc des atomes perturbés dans leurs créations permanentes mêlant ciel, terreau nourricier et dialogue, tel : « Ouvre, ma bien aimée, le jour est en train de mourir, je suis venu te caresser ».

L’aspiration vers le haut s’arrête cependant en relais de vie entre la lumière et les feuilles des grands arbres complices, avec en écho « cette (ta) voix pour caresser les (mes) jours et retarder la nuit ».

La cohésion du ciel et de la terre ayant prise dans la réalité par neige pure interposée dans le silencieux gel des âmes, Sonia sait que « les choses de la vie ne sont pas des miracles », faisant de sa croyance une foi qui globalise bien une certaine ferveur tout humaine, avec « le baiser : (la) myrrhe et l’encens à l’aube ».

Bethani, Martine-Gabrielle Konorski (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 16 Décembre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Nouvel Athanor

Bethani, Martine-Gabrielle Konorski, mars 2019, Préface Emmanuel Moses, 68 pages, 15 € Edition: Le Nouvel Athanor

 

Le poème-traversée

Pour dire le voyage, il faut faire confiance au lexique de la pérégrination, et aussi à l’aptitude de la langue à immobiliser, à saisir la traversée, la perambulation, cette course faite à la lumière des étoiles de l’Épiphanie par exemple. C’est là le privilège principal du recueil de Martine-Gabrielle Konorski. En effet, tous les poèmes du livre contiennent peu ou prou l’idée du mouvement, d’une quête que la poésie invente et réifie tout à la fois. Ces poèmes disent la mobilité du trajet, de l’exode (et sans doute en relation avec le livre de l’Exode) mais ramené à une errance vers Bethani – Béthanie en vérité – qui en hébreu signifie la maison de pauvreté comme le note Emmanuel Moses dans sa préface. Le voyage se déroule donc non pas dans le lustre d’une croisière pleine de divertissement sans esprit, mais préfère la quête spirituelle, non pas vers l’acclamation, la richesse et l’apparat, mais vers la simplicité, un langage pauvre qui seul garantit la nomination mystique de cette « maison de pauvreté » où campe la poétesse.

Dans l’arc d’un regard de caryatide, Carmen Pennarun (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 12 Décembre 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Dans l’arc d’un regard de caryatide, Carmen Pennarun, éditions L’amuse Loutre, poésie, juillet 2019, 152 pages, 18 €

 

Les textes, les poèmes dégagent, de concert avec les photos personnelles de l’auteur, une sensualité sérieuse captant le geste, l’émotion, le regard. Carmen, dédicaçant son œuvre à Francesca Woodman, rend cette dernière non seulement vivante mais présente : « Plus loin/ la vie/ s’est rêvée Poésie/…/ Sa vérité de parole/ est l’âme jumelle/ de la photo développée/ Sincères dans l’œuvre/ de papier, toutes deux/ se dévoilent pour mieux/ s’effacer/ Elles dépouillent l’âme/ et labourent l’esprit/ de sillons de lumières/ Un marquage/ par flashs terrestres ».

La recherche de spontanéité artistique parcourt ces textes où les mots se font évanescence et sensualité.

« Elle aurait voulu monter son indifférence/ en volutes de ramages sensuels/ et courir et rire habillée de vieilles fripes/ bohémiennes/ Retrouver le sauvage/ d’une nature qui était sienne/ Elle aurait aimé/ prendre en photos les reflets/ autres que son propre visage/ et lire sur l’objectif l’expression/ au-delà de l’absence d’un sourire » : cet extrait se sert d’un conditionnel insistant pour suggérer l’inabouti, une sorte de défaillance positive car elle motive la continuité.