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Poésie

Neige pensée, Amedeo Anelli (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 11 Décembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie

Neige pensée (Neve pensata), Amedeo Anelli, Libreria Ticinum Editore, mars 2020, trad. italien, Irène Dubœuf, 72 pages, 12 €

 

Poète né en 1956, Amedeo Anelli tente avec la poésie intime de créer des liens indéfectibles entre lui et les saisons du monde.

Sa quête le conduit tout naturellement à creuser les textures des saisons comme celles, plus complexes encore, des corps et des mémoires.

Sa plume « scrute », les objets, les éléments, les paysages mentaux, les lieux intimes. L’écriture, toujours condensée, observe le silence, « la grande blancheur du soleil et de la brume », pense littéralement les mots chargés d’évoquer au plus près le minéral, « le corps engourdi ». C’est dire tout l’intérêt qu’il porte au minime, au négligé, à l’accessoire car là se nichent vraiment les mystères d’une vie, dans l’écoute insatiable du proche, de la « poussière », « cet air enfumé », « les choses en état de veille ».

La réalité sous-jacente s’éclaire des éclats de la vision ; le poète ainsi épie le chat, s’identifie à l’animal, toujours près de gratter « la lumière qui décline » ; le poète voit « les formes du silence », « écoute les battements » et le « soupir de l’air ».

Poèmes de transition 1980-2020, Branko Čegec (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 10 Décembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est

Poèmes de transition 1980-2020, Branko Čegec, L’Ollave, Domaine croate/Poésie, octobre 2020, trad. croate, Vanda Mikšić, Brankica Radić, Martina Kramer, 144 pages, 15 €

 

Il y a quelque chose d’irritant dans l’aisance et la vaillance si talentueuses du poète croate Branko Čegec : c’est l’impression d’un être frivole, luxurieux, un rien méprisant (ou en tout cas narcissique). Un dandy surdoué, et qui déraille. Et une espèce de détaillant – un brin complaisant – des médiocrités, vanités et vulgarités humaines. Le petit bout de la lorgnette semble son oculaire favori. Il rêve gras : des partenaires sexuels de pure rêverie, on n’a pas à obtenir consentement, et c’est un peu dangereux. Réellement les plaisirs strictement fantasmés (s’appesantissant dans l’apesanteur), sans corps en situation, sans chair réelle à vivre et faire vivre, sont sans fatigue, sans précaution, sans trac, donc facilement faux et dédaigneusement illimitables. Mais tout ça est justement faux, et il faut traverser toute sa feinte nonchalance, et assimiler toutes ses provocations de carabin, pour rencontrer un être étonnamment fidèle, probe et responsable.

Le fil et la trame suivi de Par quels secrets passages, Danièle Corre (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 10 Décembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le fil et la trame suivi de Par quels secrets passages, Danièle Corre, éditions Aspect, 2020, 110 pages, 17 €

« Tenir le fil de nos trames / qui parfois nous lâche », écrit la poète Danièle Corre, qui nous rappelle que le poème peut être ce recours existentiel pour « calmer la blessure ». Si le temps peut ravauder les carences, le manque, les « trous » qui forment les cahots de notre cheminement (« Les doigts courent / vers le fil de leur folie /ils connaissent / leur néfaste puissance »), seul le poème évite l’effondrement au bord du « vertige » sur le fil duquel nous (re-)tenir pour avancer « le cœur criblé ». La navette des mots tisse le patchwork de nos fragments d’existence, que le Langage poétique recoud, tisserand d’une « toile de résistance » à portée de nos voix quand elles entreprennent – à l’instar de la fleur rimbaldienne dans Aube – de dire le nom du Vivre vrillé au sens d’une quête initiatique. Encore faut-il amorcer notre avancée existentielle sur le bon chemin, celui qui impulse l’élan et soutient la dynamique de nos marches où « chaque pas te donnera vigueur / chaque geste nommera la joie », loin des « chemins des douaniers / où la mer rôde / dérobant sa puissance au vent, / redoublant l’immensité », loin des sentes trompeuses « posant sur la bouche / un bâillon d’ombre (la « bouche d’ombre », écrivait Rimbaud) / qu’il te faudra arracher ».

Le Sens du calendrier, Nathalie Léger-Cresson (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 08 Décembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Contes, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Le Sens du calendrier, Nathalie Léger-Cresson, octobre 2020, 171 pages, 15 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Se méfier de l’eau qui dort

Nathalie Léger-Cresson, dans ce qui pourrait être pris pour une autofiction – tant elle se dit « transparente » – crée de fait une « surfiction » poétique, ou au minimum une traversée des apparences dans un réalisme magique très personnel, où les calendriers perdent leurs jours ou en possèdent trop par effet lunaire.

Ecrivant, voire au besoin « médisant », et ce « à la lumière de ma lampe à huile de thon en boîte », l’auteur met dans sa poche – mais ce n’est qu’une façon de parler – des amants de passage, tout comme ses rêves et ses cauchemars encore plus lumineux, dans le noir, là où les lapins levés n’ont pas d’oreilles, et où de l’amour une chose se retient – à savoir la technique.

Chair papier, Juliette Brevilliero (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 08 Décembre 2020. , dans Poésie, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Editions Galilée

Chair papier, Juliette Brevilliero, éditions Galilée, septembre 2020, 96 pages, 12 €

 

Inclusion

Je ne souhaite pas débattre de l’intérêt de l’écriture inclusive sur la qualité de l’expression qui pourrait en découler. Ici, avec ce recueil somme toute un peu étrange, je crois que le mot « inclusion » donne à penser en quoi écrire est une aventure du dedans, et qui rencontre parfois ou qui narre la relation de l’écrivaine à la physiologie, au caractère aqueux de ses métaphores, ou à une écriture-femme. D’ailleurs, cette dernière n’est pas qu’un concept féminin, mais celui aussi du chercheur et poète Philippe Tancelin qui concluait il y a quelques années à l’existence d’un « elle » (d’un L, d’une aile) dans l’écriture, donc une écriture-elle.

Avec les poèmes de Juliette Brevilliero, l’on côtoie la sécrétion, la cavité sexuelle, la force nerveuse et biologique du corps. Cette inclusion, ce détour par l’intérieur du corps, expression valvulaire, où l’on suit le mouvement d’une invagination qui décrit une tension de ce qui inclut la matière du doigt dans un gant, puis qui reconduit le gant à sa forme initiale, cette opération vise à inclure le corps dans l’écriture. Est-ce une tentative pareille à celle du corpoème de Jean Sénac ? Je ne sais.