Identification

Poésie

Archéophonies, Peter Gizzi (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Jeudi, 13 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Editions José Corti

Archéophonies, mars 2019, trad. Stéphane Bouquet, 80 pages, 16 € . Ecrivain(s): Peter Gizzi Edition: Editions José Corti

 

« Archéophonies », comme un retour au pays des voix anciennes, des voix lointaines. Nous y sommes conduits par l’appel de « la vieille langue, / équipée de lances et de jambières / de boucliers brisés / et de voyelles martelées ; / un escalier montant / vers un miroir – regardez-la / gravir la vieille spirale, / sous les balafres écaillées / d’un ciel septentrional, / une rotonde bleue » [p.15]. « Je rends juste visite à cette voix » [p.11], nous dit le poète.

Là où se trouve la richesse poétique et langagière de Peter Gizzi, c’est que même si nous pouvons en avoir eu l’image à un moment précis, en aucun cas nous ne nous voyons remonter dans les étages austères d’un château moyenâgeux de la langue. Certes, la nostalgie conduit le poète en certains instants, mais il s’agit de la nostalgie de son propre passé, comme peuvent l’illustrer Bout d’emballage ou Instrument à vent.

Reprenons les chemins d’ici, Arnaud Le Vac (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 07 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions du Cygne

Reprenons les chemins d’ici, mars 2019, 72 pages, 11 € . Ecrivain(s): Arnaud Le Vac Edition: Editions du Cygne

 

« Etre au rythme de l’eau

épandant ses flots

en tous sens, entourant,

cernant la ville en son cœur ».

 

Après On ne part pas, publié il y a deux ans, Arnaud Le Vac revient avec un nouveau livre, joliment baptisé Reprenons les chemins d’ici, et inspiré d’Arthur Rimbaud – J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse (1). Et à la manière de Michel de Montaigne, sème des fleurs : de courts poèmes racés, des visions – Un pont, puis un autre pont, et tout à coup devant soi : les canaux sans fin, à l’infini –, des évidences partagées, Quelques cafés, librairies et jardins ; nous rions et c’est mérité. Trop ? Jamais assez – et un grand principe qui le conduit, la liberté nous oblige à la légèreté, ce qui évite le bavardage.

Nous, l’Europe, Banquet des peuples, Laurent Gaudé (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 07 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Actes Sud

Nous, l’Europe, Banquet des peuples, mai 2019, 192 pages, 17,80 € . Ecrivain(s): Laurent Gaudé Edition: Actes Sud

Faire un tour d’Europe comme pour appuyer son existence, ce qu’elle fut en marche et ce qu’elle est.

Voilà le premier ressenti de ce livre de longs poèmes qui eut pu aussi être un essai :

« Vous vous effrayez de voir que d’un coup, l’inquiétude devient l’humeur des peuples ? Pensez à Victor Hugo et à son exil. Pensez à Garibaldi qui a traversé l’Atlantique, s’est battu au Brésil, en Argentine, en Uruguay… Il n’y a pas d’époque paisible ».

L’auteur appelle à poursuivre la belle aventure : « Jeunesse ! Jeunesse ! Il nous faut ton sursaut ».

La progression historique, économique et inventive vient ainsi à la rescousse de Laurent Gaudé à démontrer. Le texte, alors, prend tout son sens dans une série de courtes phrases suscitant l’action : « Succession de trouvailles, d’avancées, de modifications/. De brevets déposés qui viennent améliorer les précédents/ Ou les piller/ Des objets apparaissent/ Qui sont un peu fous/ Un peu encombrants/ Font des sons étranges/…/ Rouages/ Moteurs/ Pistons/…/ Bientôt arriveront les trams/ les voitures/ les métros », l’auteur expliquant avec force d’exemples « parce que le jet de vapeur mène directement à nous/ Nous sommes nés de cela ».

Amours sibériennes, Ismaël Billy (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mercredi, 05 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions du Cygne

Amours sibériennes, Ismaël Billy, éditions du Cygne, 2018 Edition: Editions du Cygne

 

 

Dès la première page de ce recueil qui a reçu le prix d'Honneur 2018 de La Cause littéraire un chant, comme celui de Maldoror, se lève. Avec un lexique et un rythme dignes de Lautréamont l'amour s'exprime dans "la sauvagerie du monde" :

Aux noirs océans, dans la calme mort des eaux assombries

des soleils impuissants qui jamais ne profanent

L'introduction de l'alphabet cyrillique va contribuer à personnifier la mère Russie rendue déjà vivante par l'adresse aux eaux :

L'Amour est un fleuve ; je t'aime, marée de l'Est.

Confession téméraire, suivi de Cher Saba et La Cité de Bobi, Anita Pittoni (par Nathalie de Courson)

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Baconnière

Confession téméraire, suivi de Cher Saba et La Cité de Bobi, mai 2019, trad. italien Marie Périer, Valérie Barranger, 209 pages, 20 € . Ecrivain(s): Anita Pittoni Edition: La Baconnière

 

« Je m’active, je m’agite, je me démène et me cache derrière des sentiments sublimes. Mais la vérité, c’est que je ne suis rien. (…) En moi rien n’est vrai, rien ne part d’un sentiment profond, tout provient d’un désir obscur, contraignant, impérieux de mouvement ».

Celle qui se fustige ainsi, c’est la brillante Anita Pittoni, tisserande d’art et créatrice du Zibaldone, maison d’édition de Trieste où affluèrent à partir de 1949 les plus grandes figures de la littérature italienne. On ne s’attardera pas ici sur cette célébrité trompeuse qui aurait laissé dans l’ombre une authentique écrivaine si d’autres éditeurs diligents n’y avaient mis bon ordre.

Les deux groupes de proses narratives et poétiques rassemblées sous le titre intimiste de Confession téméraire font apparaître une sensibilité inquiète, une imagination visionnaire et un grand souci d’élaboration littéraire sous l’égide de Nietzsche, cité en épigraphe : « Le plus remarquable est le caractère involontaire de l’image, de la métaphore (…) tout se présente comme l’expression la plus immédiate, la plus juste, la plus simple ».