Identification

Les Livres

Djamilia, Tchinghiz Aïtmatov (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, Folio (Gallimard)

Djamilia, Tchinghiz Aïtmatov, trad. kirghiz, A. Dmitrieva, Louis Aragon, 125 pages, 3 € Edition: Folio (Gallimard)

Ce court roman nous vient du Kirghizistan. Autant dire du bout du monde, en particulier en matière de littérature. Aïtmatov a écrit dans une langue qui n’a cessé d’être bousculée tant à l’oral qu’à l’écrit. Surtout à l’écrit, jugez-en : 1924, instauration de l’alphabet arabe (premier système à faire naître la langue kirghize à l’écrit). 1928, l’alphabet latin s’installe. 1941, arrivée de l’alphabet cyrillique, encore en vigueur aujourd’hui.

Quant à la littérature kirghize, on compte ses écrivains sur les doigts d’une main ou deux, Aïtmatov étant assurément le plus « connu » en France, grâce à Aragon qui a traduit ce roman (avec A. Dmitrieva) et surtout a dit de lui qu’il était « la plus belle histoire d’amour du monde ».

Sans être d’accord avec Aragon – les plus belles histoires d’amour sont depuis toujours les histoires d’amour impossible (Héloïse et Abélard, Tristan et Yseut, Roméo et Juliette, …) – on peut néanmoins dire que l’histoire d’amour que raconte ce livre est d’une rare beauté. On parle souvent de minimalisme en littérature. Avec ce roman on frise le… silence. Les moyens déployés, la structure narrative, l’épaisseur des personnages, tout y est d’un dépouillement total, à l’image du cadre de vie, la campagne glacée du Kirghizistan. A l’image aussi d’une société quasi primitive, aux travaux de la terre et à l’activité nourricière.

Substance, Claro (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 19 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Substance, août 2019, 352 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Claro Edition: Actes Sud

 

Après une vingtaine de livres, Claro, né en 1962, propose ici un livre complètement hors cadre, déjeté, décalé, nourri d’une fiction qui mêle personnages réalistes, science-fiction, théorie sur les ectoplasmes, réflexions nombreuses sur la vie, la mort.

Tout se passe dans la ville natale de Bachelard, Bar-sur-Aube, autant dire la province la plus reculée. On y trouve Benoît, narrateur, et sa Tante, qui l’a recueilli après la DASS, les trois amies de la Tante, Ginèbre, Jacqueline, Yvette, sans oublier Marguerite, qui a été « abductée » par des puissances spatiales…

Tout ce petit monde vit dans des maisons hors du temps, poussiéreuses ; on y pratique le spiritisme, on y croit à la « substance » des ectoplasmes, ces fluides des humains, conservés comme des fioles.

Fils de MémoireS (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 19 Décembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Pour faire naître un projet, un porteur de projet est indispensable. Cela commence par un désir irrépressible, ancré en soi, qui mûrit et prend forme d’abord dans une tête. Et puis un jour, vient le moment de sa mise en œuvre. Et là, il faut longuement réfléchir au comment, au pourquoi et avec qui le faire exister. Cela prend du temps. Mais quand on est tenace, opiniâtre, infatigable, comme l’est celle qui a porté cette noble idée de promouvoir la culture dans tous ses états, un jour la naissance advient. Et la personne dont je vais maintenant dévoiler le nom et qui possède toutes les qualités c’est Jeanne Orient. Il fallait être sacrément hardie en ces temps de relâchement du lien social pour ne jamais baisser les armes. Elle a commencé par des interviews avec des personnes dont elle admirait le travail, notamment lors du Festival Quartier du Livre qui se tenait à la mairie du cinquième arrondissement de Paris. Puis, elle a poursuivi avec ce dessein de créer l’évènement : Fils de MémoireS. Elle avait pour visée de réunir des auteurs autour d’un thème précis. Ce fil en est maintenant à sa troisième édition et se poursuivra à raison d’une rencontre mensuelle. J’ai assisté à la première qui s’est tenue au café de Flore et dont je suis revenue enthousiaste, vu la qualité des personnes participantes et la haute teneur des échanges. J’ai manqué la deuxième.

Jacques Cauda : Profession de foi / Vita Nova (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 18 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

. Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

Profession de foi, Tinbad, octobre 2019, 144 pages, 18 €

Vita Nova, Editions Unicité, mai 2018, 108 pages, 14 €

 

« Au delà de l’expression “manger des yeux”, la peinture a beaucoup à voir avec le corps bu et le corps mangé. Boire ses paroles, dit-on, car les images sont des paroles silencieuses qui s’échangent de l’un à l’autre » (Profession de foi).

« Pédaler n’est-il pas ajouter du sien à la réalité du paysage, de la même façon qu’écrire distingue la réalité du monde d’avec l’acte qui en même temps le dépose ? Mémoire des mains pour mémoire des jambes… » (Vita Nova).

La Paria, Claude Kayat (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 18 Décembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

La Paria, Claude Kayat, octobre 2019, 235 pages, 19 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

La Paria met en scène une sombre et émouvante transposition du Roméo et Juliette de Shakespeare. Au décor de Vérone dans le contexte du XIVe siècle se substitue le cadre de deux villages voisins en Galilée au XXe siècle. Ici les Montaigu sont les Appelbaum, colons israéliens d’une part, et les Capulet sont représentés par la famille bédouine de Karim d’autre part. Yoram Appelbaum endosse le statut de Roméo, et Juliette est réincarnée en Fatima. Quant à Tybalt, le cousin jaloux de Juliette, il se nomme ici Brahim, cousin germain de Fatima.

Le théâtre nocturne du jardin des Capulet, où se rencontrent Roméo et Juliette, est transposé dans un site archéologique désert entre les deux villages de Galilée où Yoram et Fatima se déclarent initialement leur amour puis se retrouvent plusieurs nuits de suite pour des étreintes de plus en plus ardentes, et forcément fatales. Evidemment, les similitudes se limitent à cette trame héritée de la tragédie classique.