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Les Livres

L’œil du paon, Lilia Hassaine (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 21 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

L’œil du paon, Lilia Hassaine, octobre 2019, 230 pages, 18,50 € Edition: Gallimard

 

Très bien écrit, fluide, on se laisse facilement aspirer par L’œil du paon qui trace un portrait acerbe d’un certain milieu parisien plutôt huppé. Dans ce roman qui a quelque chose d’un conte moderne froid et cruel, il y a une esthétique de l’écriture qui tient de la peinture. Il y est d’ailleurs fait mention des tableaux de Hopper, dont l’univers colle assez bien en effet avec l’atmosphère du roman.

Le côté froid, vaniteux, désabusé, à la fois superficiel et pesant de cette vie parisienne, auquel se confronte Héra, la jeune femme, personnage principal du roman, contraste avec la chaleur, la liberté, les couleurs, les parfums de l’île au large de la Croatie dans laquelle elle a grandi, sorte d’éden à l’abri du monde, peuplé de paons. Oiseau emblématique, délibérément choisi par l’auteur pour ce qu’il évoque : la beauté mais aussi et surtout l’orgueil, caractéristique typiquement humaine, que nous projetons sur lui. Sur cette île où Héra a vécu seule avec son père, gardien de l’île – sa mère étant morte là-bas très prématurément – plane une menaçante légende en lien avec une ancienne abbaye détruite durant les campagnes napoléoniennes.

De pierre et d’os, Bérengère Cournut (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 20 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Tripode

De pierre et d’os, Bérengère Cournut, août 2019, 219 pages, 19 € Edition: Le Tripode

 

 

Le chant d’Uqsuralik

Le roman s’ouvre sur une fracture : celle de la banquise, qui sépare Uqsuralik, jeune Inuit, de sa famille et de son enfance. Son père a tout juste le temps de lui lancer, par-dessus la faille, un maigre viatique : une peau, un harpon qui se brise et se perd dans l’eau, une dent d’ours en amulette. Armée du couteau en demi-lune qui n’avait pas quitté sa poche, bientôt rejointe par sa chienne Ikasuk et quatre jeunes mâles plus prédateurs que protecteurs, elle se met en route, aiguillonnée par la nécessité de survivre : d’abord trouver un abri et de la nourriture, et s’imposer comme cheffe de la meute pour ne pas finir dévorée. Ensuite, rejoindre d’autres Inuits pour entrer, un jour, dans une nouvelle famille. Puis devenir femme, amante, mère, et enfin chamane.

Toutes ces voix, David Léon (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 20 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Toutes ces voix, janvier 2020, 43 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): David Léon Edition: Espaces 34

 

David Léon a publié de nombreux textes de théâtre depuis 2011, qui ont été mis en scène pour la plupart d’entre eux ou qui ont fait l’objet de mises en voix, de mises en espace. En 2014, il a été lauréat des Journées de Lyon des auteurs de théâtre. Ses textes abordent notamment les thèmes de la violence familiale, de l’adolescence. Sa langue est une langue poétique, vibrante.

Toutes ces voix est un texte très court de quelques dizaines de pages, un peu comme un carnet dans lequel l’auteur compilerait, tel un dessinateur crayonne une scène, un paysage qui l’entoure, les voix (une matière sonore et de sens) de ceux et celles qu’il fréquente, au sein d’un foyer pour adultes schizophrènes et psychotiques, où il travaille comme éducateur. Ces voix apparaissent en italiques, entre guillemets comme des citations qui vont peu à peu édifier le texte littéraire. On se souvient que Svetlana Aleksievitch, dans un tout autre contexte, avait enregistré les témoignages oraux de soldates soviétiques de La Grande Guerre patriotique et avait « fait livre » avec toutes ces expériences (cf. La guerre n’a pas de visage).

Ça écrit quoi, Samuel Deshayes, Guillaume Marie (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Janvier 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ça écrit quoi, Samuel Deshayes, Guillaume Marie, éd. Lanskine, novembre 2019, 56 pages, 13 €

 

Apologie de l’ironie

Rentrer dans ce livre écrit à deux voix, confondues en une voie, laisse entendre une sorte de schize naturelle dans laquelle se glissent les concepts de tragique et de comique, de grâce et de légèreté, de profondeur et de fragilité, de grotesque et de commun, de l’effroi et du bizarre. J’ai d’ailleurs beaucoup de respect pour cette forme hybride, que l’on connaît au théâtre sous l’épithète de tragi-comique. Cela permet de penser les sentiments variés que donne un même texte. Ornementations, lazzis, tours d’un ton de farce, et encore et surtout une ironie qui, en un sens, est double, puisqu’elle sollicite de celui qui lit de maintenir l’équilibre entre le faux suggéré et le vrai voulu. Ainsi, le cœur du lecteur va de l’angoisse au rire, du sérieux au fantasque. Cette ironie qui s’applique ici beaucoup à décrire le monde des lettres, avec plusieurs pages consacrées à des jeux de mots sur des titres célèbres de la littérature, permet une distance amusée et critique. Ainsi, la joie de lire se mêle de pathétique et de bouffon, et cette union des deux écrivains au sein d’un même livre laisse entendre une communauté d’idées, voire de vision du monde.

Bâiller devant Dieu, Journal, 1999-2010, Iñaki Uriarte (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 17 Janvier 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Espagne, Séguier

Bâiller devant Dieu, Journal, 1999-2010, Iñaki Uriarte, octobre 2019, préface Frédéric Schiffter, trad. espagnol Carlos Pardo, 292 pages, 21 € Edition: Séguier

 

« L’autre soir, au dîner, j’ai semé le trouble. En affirmant que la grossièreté et l’incompétence de nombre de journalistes des pages culture ne seraient jamais admises au sein de la rubrique sportive du journal. Personne ne peut faire un papier sur un match de football sans y avoir assisté. Il serait immédiatement démasqué ».

Bâiller devant Dieu est le journal grinçant et amusé d’un moraliste qui ne prend rien très au sérieux, sauf Borges, son chat, et les plages de Benidorm. Iñaki Uriarte est un expert en étude de lui-même, qui sait que pour bien écrire, il faut bien se connaître. Il se fréquente, s’examine, se traque, de sa plage, de son lit ou d’un fauteuil où il sommeille, explore ses réactions et ses humeurs. Il n’est donc pas surprenant qu’il fréquente avec assiduité Montaigne, son maître en introspection : « Toute la gloire, que je prétends de ma vie, c’est de l’avoir vécue tranquille ».