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La Une CED

D1 - Troisième et dernière partie

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 02 Juillet 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Ecrits suivis

 

 

Juin est passé. J’ai quitté l’île de Vancouver, Pacifique Nord, et traversé le continent d’ouest en est. En survolant l’Atlantique, je n’ai pas besoin de me pencher vers le hublot pour deviner sous la carlingue l’étendue bombée de l’océan épouser la couleur du ciel et, en son sein, d’autres troupes d’orques. De retour des fjords norvégiens, elles croiseront peut-être la troupe D de Colombie-Britannique au hasard de leur route.

J’ai scruté, durant mon séjour, avec une résignation croissante l’horizon. La troupe D est arrivée comme prévu. Pas Dalva. J’ai voulu imaginer que ses compagnons me chantaient de ne pas être triste, que c’est la vie. La vérité tient toute dans cette banalité, c’est la vie. Tant pis pour ceux qui l’idéalisent. Depuis quand et comment est-elle morte ? On meurt un jour parce qu’il le faut, voilà tout.

Artaud ou la machine de l’être à regarder de traviole (3 et fin)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mercredi, 01 Juillet 2015. , dans La Une CED, Ecriture

 

Antonin Artaud & les Surréalistes

Ce qui signa la rupture entre Artaud et le groupe des surréalistes ne peut s’exprimer autrement que par des mots employés sur le ton d’un constat de fait, sans commentaires. Chacun y portera un jugement relatif, le sien, aligné sur ses propres convictions et son état d’esprit concernant le statut que doit revêtir la Littérature et la portée de cette dernière à ses yeux dans l’exercice et l’expérience du monde extérieur (ce que l’on nomme « la réalité pratique »).

L’éviction d’Artaud du groupe surréaliste eut pour signataires Aragon, Breton, Eluard, Péret, Unik, dans la brochure « Au Grand Jour » parue en mai 1927 et par laquelle étaient rendues publiques les exclusions d’Artaud et de Soupault du groupe surréaliste ainsi que l’adhésion des signataires au parti communiste.

Là où Artaud fut un littéraire forcené individualiste (ndla), les surréalistes furent une constellation gravitant autour de l’Astre-Phare Breton dont le charisme et le talent fédéra un groupe de fidèles partisans d’un même engagement littéraire ancré, à partir de 1927, dans la Révolution communiste.

Manger, bouger, Alger, danger, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 30 Juin 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

Comme des processions obscures, pour des religions de dévorations : de longues files de gens qui, soudain, à l’heure de l’aube noire, dans l’arrière-pays, se lèvent, murmurent avec colère, se rassemblent, se mettent les uns derrière les autres, cherchent leurs chaussures puis une tête, puis s’ébranlent vers Alger. Point lointain de l’horizon qui donne à manger et mange le pays. Ville des négociations depuis les antiquités, butin, femme, prostituée, victime de viol ou de rapt, ayant épousé tour à tour un vieux soldat romain, deux frères ottomans flibustiers, suicidée, forcée à s’allier avec le français puis offerte en lien de sang avec le sang des martyrs puis cloîtrée, enfermée, prise, violée encore par les colonels de l’époque.

Ville qui tourne le dos au pays et qui le surveille à la fois. Donc au matin, l’aube est une semelle et l’heure est un chemin. La procession marche, grossit, devient obscure et forte, et lentement s’écoule de la montagne vers la plaine et de la plaine vers Alger. Et c’est là qu’elle est généralement stoppée, endiguée : on finit par en déléguer quelques-uns, les mettre dans les voitures ou des chariots, les mener vers le Bureau d’Alger et négocier Alger avec eux. La procession se disperse, se désagrège, s’émiette puis s’évapore : les gens rentrent chez eux. Alger leur a promis du pain, encore plus de semoule, de l’argent, des terres ou des postes. Jusqu’au prochain cycle. Cela dure depuis toujours ces noces alimentaires entre Alger et le reste du pays. De plus en plus.

Belgrade d’après Angélica Liddell

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 29 Juin 2015. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

Belgrade d’après Angélica Liddell et des textes de Clément Bondu, Emil Cioran, Dimitri Dimitriadis, Thierry Jolivet, Vladimir Maïakovski, Alfred de Musset et Friedrich Nietzsche

 

« Requiem Rock »

Tout commence dans le bruit de cloches, de sirènes, de la voix de Béatrice Schönberg, qui annonce à la télévision française la mort de Milosevic. C’est en 2006 et le président nationaliste serbe a été retrouvé sans vie, dans sa cellule à La Haye. Le plateau est Belgrade : chaises renversées, bruits de foule, de manifestations peut-être. Deux portes ouvertes sur la lumière de deux pièces d’un hôtel comme des alcôves de l’intimité : une chambre ; un homme qui s’active à ranger son lit et une petite salle de bains dans laquelle une jeune femme téléphone. Et toujours la même information en boucle : la mort du dictateur serbe. Mort d’un infarctus. Et dans la ville, les sirènes hurlent toujours. La fille se regarde dans la glace et les deux portes claquent en se refermant. Au-dessus, comme dans le ciel noir, surgit dans la lumière un jeune homme ; derrière un micro, coryphée en hoodie. On entend alors le mot KOSOVO. Fait-il un discours comme celui que fit Milosevic, « l’ogre des Carpates » en 1989 au champ des merles ?

Quatre poèmes du Montreur d’ombres par Clément G. Second

Ecrit par Clément G. Second , le Lundi, 29 Juin 2015. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

 

 

 

Les loups ne chassent plus entre les cils du jour

Secrètement passés où naissent les regards

y flairant des larmes charrieuses de cendre

ils traversent nos mains égarées sur eux

pour tenailler l’aube au risque du ciel

Leurs empreintes sans fond traquent des lointains

après qu’ils ont fini de suspendre à nos cous

leurs crocs de chaux passés au râpeux des peines