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Ecriture

Ce jour fut-il ...

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 06 Mars 2012. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED


Ipagination est un site original, qui propose des écrits d’auteurs divers – souvent inconnus - s’essayant à la poésie, à la micro-nouvelle, au récit. La Cause Littéraire se propose, de temps en temps, de publier un texte issu de ce site « d’auteurs pour les auteurs » comme ils se décrivent eux-mêmes. Ce sera une des formes de notre contribution à l’éclosion de talents nouveaux. Ce sera aussi le coup de pouce de notre magazine à ce site plein de dynamisme.

Nous publions aujourd’hui le premier texte choisi dans Ipagination


La Rédaction


L'écriture du désert

Ecrit par Zoe Tisset , le Jeudi, 23 Février 2012. , dans Ecriture, La Une CED

C’est elle qui m’apaise lorsque je suis en colère. Triturer les mots, mettre les mains à la pâte, sculpter des figurines qui me ressemblent, m’assemblent et qui jamais ne m’enferment. J’aime ce silence qui irradie alors de mon corps, mots aux frontières incertaines, balbutiements de l’enfant martyrisé, de la femme oubliée et de l’homme disparu. Le temps de l’écriture n’est pas différée, il déplace pour mieux suivre le rythme d’une vie qui est toujours là. Grand éclat de rire, pleurs incertains, la vie se glisse dans l’interstice des volées grammaticales. Les mots sont là, le texte est écrit, mais il n’est jamais achevé. Emprunté de l’autre, des rencontres nouvelles s’offrent à lui. Il n’a pas déshabillé son « auteur » , il ne l’a pas abandonné, il est ailleurs comme chacun est ici.

Circonvolutions, volutes épaisses d’une fumée intérieure qui s’alourdit du souffle des phrases. Densité d’un texte qui se dit en s’échappant. Que reste-t-il alors ? L’effacement d’une béance et l’ordonnance d’une vie continuée. L’écriture n’est pas une chirurgie esthétique, elle ne répare pas, elle creuse et élargit les sillons d’une chair déjà éventrée par la vie. Point de supplice et de sang éparpillé, mais plutôt « une part maudite » déposée dans l’écrin d’une parole. Ecrire, c’est accepter de perdre et d’oublier sans savoir ce qui restera. Travail d’une mémoire déjà entamée par un corps dont les limites rejoignent l’immensité du dire.

Théographie de Mouchette de Robert Bresson, 1967

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 21 Février 2012. , dans Ecriture, La Une CED


Mère (marmonnant). Sans moi, que deviendront-ils. Ça me tient

jusqu'au milieu de la poitrine..., on dirait qu'en dedans c'est de la pierre.


Peut-être, cette première phrase de la Mère à l'église, qui sont les premiers mots du film, résume le projet global de l'oeuvre. Tout y est. C'est-à-dire l'importance d'une présence au milieu du réel, comme une caméra par exemple, et les deux questions de la chair et de Dieu, si vous voulez bien me suivre jusqu'à cette limite. Car, pour faire entendre un sens au-delà des simples faits que relate le film, il n'est besoin que d'une ligne, pour moi, ici, et au prix même de cette espèce de néologisqme bien pratique en ce cas, avec le vocable "théographie". Les critiques de cinéma sont bien sûr plus habilités à discourir, et il y a sans doute des hardiesses que je me suis permises, sans, je l'espère, me trouver pour cela en défaut. Mais, c'est le projet de théographie qui m'est venu à l'esprit dès que j'ai ouvert le scénario du film.

La transe du corps (2 et fin)

Ecrit par Nadia Agsous , le Mardi, 31 Janvier 2012. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

– Ça va, ma sœur ? Tu te sens bien ? lance soudain le vendeur de cartes de postales qui se lève d’un bond de sa chaise.

Décidément ! Rien n’avait échappé au dormeur de la Casbah qu’elle croyait avoir sombré dans les profondeurs des sinuosités d’une existence qui glisse lentement sur la pente de la banalité et de l’insignifiance. D’un geste presque machinal, il réajuste sa veste à moitié froissée. Ôte ses lunettes noires. Et tout en s’appliquant à mettre en évidence sa marchandise, il mime un grand sourire. Et lui souhaite la bienvenue dans un français marqué par un fort accent. Ses grands yeux noirs brillaient de tout leur éclat. Ils riaient. Dansaient dans le vague du silence laissant transparaître une lueur qui ressemblait à de la satisfaction. On aurait dit qu’ils jubilaient. Elle avait l’impression que sa présence répondait à une attente qui venait combler un ennui. Un besoin. Une lassitude. Un vide.

Au moment où elle s’apprête à quitter ce lieu, elle sent son corps se recroqueviller sur lui-même. Elle a le sentiment que le regard du vendeur vient la bouleverser dans son for intérieur, générant un énorme sentiment de gêne. Ses grands yeux noirs sont source de trouble voire de confusion. Heuu… Heuu… Comment dire ? Gêne… ? Trouble… ? Confusion… ? Elle essaye de se concentrer. Met de l’ordre dans ses idées. Et dans le fatras des souvenirs, elle cherche… Fouille… Creuse… Déterre… Met ses sens dessus dessous… Fouille encore… Encore… Et encore…

Guernica ...

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 23 Janvier 2012. , dans Ecriture, La Une CED

ou Quelques propos sur la question de la douleur et du silence en peinture.


"Comme un rien sans possibilité [...], comme un silence éternel, sans espérance même d'un avenir, résonne intérieurement le noir"

Kandinsky


" Bilbao, 27 avril. Guernica, la plus ancienne ville basque et centre de la tradition culturelle basque, a été complètement détruite hier après-midi par les avions des insurgés " Voilà l'extrait du Times du 28 avril 1938, tel qu'aurait pu le lire Picasso au lendemain de la destruction de Guernica. Il résume l'attaque allemande faite à l'appui des insurgés franquistes sur la ville basque. Et, c'est par la presse que le peintre apprend le douloureux événement - ce qui donne déjà un jour au chromatisme de noir et blanc de l'oeuvre, reflet, saisie en écho de l'encre des journaux, à l'heure nouvelle des mass média. Au début du mois de mai 1937, Picasso commence le tableau, commande des républicains espagnols pour commémorer le martyr de la ville. Différents témoignages et études ont commenté la genèse de Guernica.