Identification

Ecriture

C'est chiant Verlaine !

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mercredi, 28 Novembre 2012. , dans Ecriture, La Une CED

« Dans l'interminable

Ennui de la plaine

La neige incertaine

Luit comme du sable.


Le ciel est de cuivre

Sans lueur aucune.

On croirait voir vivre

Et mourir la lune... »


- C’est chiant Verlaine…

Ekphrasis 3 - Visages dévisagés

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 14 Novembre 2012. , dans Ecriture, La Une CED

 

En hommage à un grand peintre allemand.

 

Elle descend sous terre sans bouger, portée par la lenteur du très long escalator. Station Place des fêtes, ligne 11, direction Châtelet. Ils sont déjà là, ils avancent dans la léthargie d’une journée qui commence. Elle les attend comme chaque jour. A sa hauteur, de l’autre côté des rampes noires, leur visage surgit, porté par leur corps sans jambes, sans torse. C’est quoi regarder un visage ? Lire la vie ? Les visages sont les mêmes, organisés et organiques : un front, des tempes, un nez ombilique, des yeux-monde, une bouche, béance des baisers, gouffre des nourritures, des joues pour ressembler à un enfant, un menton, promontoire. Des chevelures aussi sauvages que des forêts impénétrables ou rectilignes comme de beaux potagers. Elle voudrait tous les absorber dans un immense livre des visages. FACE-BooK. Elle n’en reconnaît aucun.

Le chant des baleines

Ecrit par Gilles Brancati , le Mercredi, 31 Octobre 2012. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

Je me souviens l’avoir vu dans les mains de mon grand-père lorsque j’étais enfant. Personne après lui ne s’en est soucié. Parfois quand l’un de nous posait la question « il est passé où le violon de grand-père ? », maman répondait « je ne sais pas trop ». Elle aurait dit la même chose à propos de sa carabine ou de son arc mais s’agissant du violon elle ajoutait « quel dommage, votre grand-père jouait si bien. Vous savez qu’il avait été sélectionné pour entrer dans l’orchestre d’Olaf Nivel. Mais c’était juste avant la grande guerre et finalement ça ne s’est pas fait ». Bien sûr que nous le savions. Blessé à la main à Verdun il n’avait plus jamais eu la dextérité requise pour faire de la musique un métier. Mais il jouait encore, parfois avec difficulté à cause de son doigt resté raide, mais l’archet glissait bien. Nous étions des enfants et notre jeune âge ne nous a pas permis de goûter le plaisir et le drame que grand-père nouait derrière chaque note. Je le regrette aujourd’hui, assise à même le plancher poussiéreux du grenier. J’ai soufflé plusieurs fois dessus pour ôter la poussière mais je n’ai pas osé passer un chiffon de peur de rayer les volutes du bois. Je suis redescendue prendre un vieux gilet de laine dans une armoire et je l’ai doucement enveloppé, sans serrer, il pourrait avoir des fissures. Il manque l’archet. J’ai fouillé tout autour mais je ne l’ai pas trouvé.

L'été sarde - I Kallisté

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 14 Septembre 2012. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

I Kallisté

 

Elle est à bord du Kallisté. Ligne Marseille/Porto-Torres. Elle est à bord de ce bateau qu’elle n’a jamais pu prendre avec Jean. Grève dure des marins. Pirates. Elle monte sur le pont supérieur pour assister au départ,  à l’arrachement de la terre du continent, à l’arrachement de son immense chagrin. Le bateau pilote, petit jouet si puissant, conduit le ferry ; vers le large. Arenc. Les lignes verticales, horizontales de la ville sont un mur de décor. Elles se croisent ; s’harmonisent ; se brisent : tour de verre irakienne au milieu du flot des voitures, cheminée bleue aux tuyaux noirs du Kallisté, orgues industrielles de la nef ; grues rouges qui tournent sur les chantiers, lignes d’immeubles. Défilent les façades de la ville qui sont des blocs de sa mémoire des anciens docks à la corniche vers Endoume. Une amante n’est jamais veuve, la femme au long voile noir qui pleure, qui pleure. Elle est seule. Le bateau dépasse les feux noirs et jaunes qui clignotaient devant sa fenêtre, puis les rochers de Malmousque qu’elle gagnait à la nage. Elle se reposait sur l’îlet et ses pieds se blessaient sur les coquilles des petites moules devenues lames de couteau.

Paris-Austerlitz/Paris

Ecrit par Didier Ayres , le Dimanche, 09 Septembre 2012. , dans Ecriture, La Une CED, Récits

Jeudi

Depuis le quai de la gare, je vais comme si je retrouvais le fil d’une liaison entre les différentes personnes que je suis, comme un anonyme, fait d’humeurs et de corps, de pensées, de matières spirituelles variables. Cette déambulation, qui se terminera ce soir au train de une heure, me conduit depuis le quai de la Râpée jusqu’à la place de la République.

Qu’ai-je vu ? Des statues japonaises, boulevard des Filles du Calvaire, deux philodendrons vert chou qui s’épanouissaient dans le hall, et l’entrée de l’immeuble décorée par du marbre, et mille visages.

Paris-Austerlitz, quai 6, sous la grande coupole qui rappelle certains tableaux impressionnistes, coupole qui maintenant est accompagnée de beaux et grands immeubles de verre dépoli, je marchais jeudi, cherchant le beau, l’angoisse et le beau. Car il y a peut-être une vision qui anime l’angoisse ? Je dis cela sans prétention, juste parce qu’il y a cette jeune femme avec sa blouse blanche et sa minerve comme un bandage, ou ce livret à demi lu des poèmes d’Haussmann, et cette vibration, brève et plaisante, de la présence des êtres humains dans la rue qui sont touchés par le secret, par une question suspendue en eux dans leur regard, dans le pli noir de cette chevelure de femme : qui sont-ils ? Quelle est-elle ? Je ne sais. Beauté et douleur vont ensemble en même temps aujourd’hui.