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Arts

La Foule Divinatoire des Rêves, Catherine Gil Alcala (par Claire Neige Jaunet)

Ecrit par Claire-Neige Jaunet , le Jeudi, 18 Avril 2019. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

La Foule Divinatoire des Rêves, éditions La Maison Brûlée, mars 2018, 116 pages, 15 € . Ecrivain(s): Catherine Gil Alcala

 

La Foule Divinatoire des Rêves, de Catherine Gil Alcala, est un recueil de 39 rêves illustrés de dessins en noir et blanc où grimacent des figures tenant de l’humain, du diabolique, de la fantasmagorie, du monstrueux, et de l’animalité. Cette animalité est omniprésente dans les rêves, où le monde se disloque : des morceaux d’arc-en-ciel tombent, les aiguilles d’une montre tournent à l’envers, le ciel se remplit du « zonzonnement des extra-terrestres », « des larmes galactiques tombent » sur le dormeur, « une femme décapitée porte sa tête entre ses mains »… On y rencontre toute l’humanité et de tous les temps, une simple vieillarde, mais aussi une dame qui « joue au bilboquet aztèque », un homme au visage d’Etrusque, un homme qui joue « un air ancestral » sur son oud, Adam lui-même… et aussi Eros, et aussi « des voix intemporelles », et les dieux de l’Iliade… Et les rêves accueillent aussi bien le téléphone et le réfrigérateur que « la porte en ogive d’un temple » ou la guerre de Troie. Dans cet univers hétéroclite toutes les métamorphoses sont possibles, celle d’un morceau d’arc-en-ciel en « petit chien bleu », celle d’un homme en « statue de bois », de chaussures bleues en « deux oies blanches ensanglantées », ou de chouettes en fauves.

Les Moments forts (20) - Picasso et « ses » maîtres, une dialectique constante entre tradition et avant-garde (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 18 Avril 2019. , dans Arts, Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Le plus beau rendez-vous (pluriel) de ces dix dernières années !

Nous sommes en 1947. Picasso fait une donation de dix toiles importantes (L’Atelier de la modiste, 1926 ; La Muse, 1935 ; Figure, 1927 ; Nature morte au citron et aux oranges, 1936 ; Nature morte aux cerises, 1943 ; Portrait de femme – Dora Maar –, 1938 ; L’Aubade, 1942 ; Le Rocking-chair, 1943 ; portrait de Dora Maar : Femme en bleu, 1944 ; La Casserole émaillée, 1945) au tout nouveau musée national d’Art moderne. Suite à cela, le directeur de l’ancien palais des rois improvise, un jour de fermeture du Louvre, leur accrochage dans les galeries du musée. Picasso est invité : il doit superviser l’expérience. Il confiera plus tard : « J’aurais aimé voir une de mes toiles cubistes à côté de La Bataille de San Romano d’Uccello » [1].

Les Moments forts (19) : Matisse à Beaubourg (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 05 Avril 2019. , dans Arts, Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

La peinture de Matisse (et singulièrement les grands formats) est, pour notre vie, semblable au sommeil tel que décrit par Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra : « Silence ! Silence ! Le monde ne vient-il pas de s’accomplir ? Que m’arrive-t-il donc ? Comme un vent délicieux danse invisiblement sur les scintillantes paillettes de la mer, léger, léger comme une plume : ainsi – le sommeil danse sur moi. Il ne me ferme pas les yeux, il laisse mon âme en éveil. Il est léger, en vérité, léger comme une plume. Il me persuade, je ne sais comment ? il me touche intérieurement d’une main caressante, il me fait violence. Oui, il me fait violence, en sorte que mon âme s’élargit […] ».

Faisant bouger, suivant le même rythme lent et rapide et concerté et sauvage, la couleur autour d’une seule réalité (celle du bonheur), Matisse fait se mouvoir doucement l’âme de celui-ci. Dans le sens musical du terme. Comme le rappelle Max Dorra dans Quelle petite phrase bouleversante au cœur d’un être ?, l’âme, « coincée entre le fond de la caisse et la table [de l’instrument à cordes], permet à celle-ci de résister à la pression du chevalet », lequel est posé sur la table de l’instrument, tenant « uniquement par la pression des cordes dont il transmet à la table les vibrations ». « L’âme transmet à la caisse de résonance les vibrations produites par l’archet sur les cordes. La déplacer de façon infime transforme totalement la sonorité ».

Pas perdus, Jean-Yves Cousseau (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Jeudi, 28 Mars 2019. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Pas perdus, Plessis éditions, mars 2018, 248 pages, 39 € . Ecrivain(s): Jean-Yves Cousseau

 

Avec son sous-titre Sur le passage de Guy Debord à travers une assez courte unité de temps, Jean-Yves Cousseau invite plus sûrement le lecteur à lire l’introduction longue et passionnante qu’il a écrite pour cette Anthologie littéraire et palimpsestes photographiques, comme l’indique une référence en dessous. Sa démarche artistique liée à la photographie se veut, il le dit d’emblée, « pas légers qui s’emboîtent volontiers sur le passage de quelques personnes, perdus dans l’hiver et dans la nuit ».

La rencontre avec Guy Debord commence par un échange d’ouvrages parmi lesquels un livre de photographies, Lieux d’écrits, sur « les maisons d’écrivains » commis par l’auteur lui-même.

Ce n’est que vingt ans après qu’il retrouvera, dans le volume VI de la Correspondance de son ami, la liste de 60 noms que celui-ci avait dressée pour son projet suivant. A partir de là il lui resta à rechercher des « morceaux choisis » et à tisser « le fil » qui reliait ces auteurs « au travers de situations et d’époques éloignées ». A revisiter également l’ensemble de ses archives argentiques conservées depuis trente années pour s’engager dans une aventure « où la matière visuelle d’un savoir et celle savante d’un voir s’uniraient ».

À ton tour, John et Yves Berger (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 25 Mars 2019. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, L'Atelier Contemporain

À ton tour, février 2019, trad. anglais Katya Berger Andreadakis, 104 pages, 20 € . Ecrivain(s): John et Yves Berger Edition: L'Atelier Contemporain

 

Le pouvoir de l’image

Correspondance originale du père et du fils, animée d’images : telles sont les lettres qu’accaparent des images, et soulignent le lien filial d’un père écrivain et d’un fils peintre. Car si la lecture d’une correspondance joue souvent, pour le liseur, sur la figure absente du destinataire, ici le vide est occupé par des illustrations venues de la grande peinture occidentale notamment. Ces vignettes ont ce pouvoir : manifester la présence. Elles sont ainsi supérieures au langage, dont le registre sourd facilite surtout la présentification de l’écrivain, de l’auteur. Cependant, ce ne sont pas des mots qui viendraient coudoyer, faire surgir les images, lesquelles au contraire serviraient à heurter l’écrit, à déformer suffisamment la forme écrite pour faire coexister un sentiment, et en ce cas la filiation paternelle, d’un lien filial entre un père et un fils, dont les références picturales sont des sortes de chevaux de Troie introduits dans chaque lettre, et qui ouvrent sur un champ qui dépasse manifestement la simple relation épistolière. Que l’on voie la Conversion de St-Paul du Caravage, ou les bouquets du Manet finissant, on ne quitte pas le propos fondamental : comment communiquent les images, et peuvent-elles soutenir l’expérience humaine d’une filiation réussie ?