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Arts

Des abribus pour l’exode, Marc Tison

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Des abribus pour l’exode, éd. Le Citron Gare, novembre 2017, images et peintures Raymond Majchrzak, 82 pages, 10 € . Ecrivain(s): Marc Tison

 

Sensations vivaces qui imprègnent le mental, maintiennent sous tension le réseau de nerfs, scarifications émotionnelles sur le corps de la mémoire qui n’accepte pas la reddition, ni la soumission. Mémoire du corps jamais rassasiée de cette ivresse qui nous propulse dans le corps de l’autre. Sexe, musique, jeunesse, pures sensations qui lancent les rêves à l’assaut des horizons, pied sur l’accélérateur.

« On ne va plus dans les étoiles. Les fusées sont dépiécées. La tête en feu de joie c’était pourtant bien là, claquant le réel à l’enchantement du voyage.

Il y a si peu de temps. Il y a si peu de soi ».

Mémoire du corps accro à l’intensité, à la sensation de liberté, aussi illusoire soit-elle.

« Il y a tant d’espaces délabrés que tu revisites plein d’espoir, incrédule. L’avant ne s’est pas peint d’éternité ».

Je te fais un dessin, Marc Cholodenko

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 23 Janvier 2018. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, P.O.L

Je te fais un dessin, novembre 2017, 120 pages, 13 € . Ecrivain(s): Marc Cholodenko Edition: P.O.L

 

Faire l’image : Marc Cholodenko

Marc Cholodenko réussit un tour de force : dessiner avec les mots. Et ce, non par figure de style, mais en évoquant ce que l’image peut donner suivant ses maçonneries et ses maçons. L’ensemble se distribue en fragments, eux-mêmes classés en « moments » ou épreuves. Ils s’achèvent sur le commencement : celui des gribouillis d’enfant. L’image anticipe alors sur les mots et sous la caresse et la pression d’une main maladroite mais qui traque en chacun de nous la bête et l’ombre.

Dans son livre précédent (Il est mort ? P.O.L), celui qui va ou allait partir était emporté par le souffle d’une seule phrase. Ici tout se crée en vignettes. Elles charrient une existence que l’auteur a l’intelligence de ne pas réduire à l’autofiction. Surgit le sourd murmure des images tenaces toujours portées à l’interprétation d’un ordre qui se transforme en une plongée étourdissante dans une série de propositions, de réminiscences, de raisonnements, d’informations intimes.

L’œil de tous les yeux, Bérénice Constans

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 28 Novembre 2017. , dans Arts, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Fata Morgana

L’œil de tous les yeux, novembre 2017, 96 pages, 16 € . Ecrivain(s): Bérénice Constans Edition: Fata Morgana

 

Histoires de l’œil

 

Poétesse et peintre, Bérénice Constans apprend à voir, renverse les règles de la peinture (mais pas seulement) afin d’apprendre au lecteur ce qu’il y a dedans. Il faut parfois des stratégies et, avant d’entrer en ce qu’on nomme art, passer par d’autres surfaces. Mais non sans de multiples précautions que souligne la « narratrice » de L’œil : « Se servant de l’entrelacs de branches tombantes pour mieux se dissimuler, elle observait la tache sur le mur, en se mordant nerveusement la lèvre. Plusieurs fois de suite, elle ouvrit et ferma les yeux, en essayant de s’arracher à̀ sa vision. Mais, il y eut en elle comme une cassure. Elle n’osait plus bouger, de peur de découvrir de nouvelles taches », et ce avant un ébranlement : « L’obscurité́ allait s’abattre sur elle en une pluie de cendres noires ». Mais les taches demeurent, comme la peinture (du moins celle de Bérénice Constans), entre réalité et onirisme.

Peut-être des falaises, Gilbert Pinna

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 22 Novembre 2017. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Bateau Ivre

Peut-être des falaises, septembre 2017, 80 pages, 25 € . Ecrivain(s): Gilbert Pinna Edition: Le Bateau Ivre

 

« Débarquement dans les ports. Marseille, juillet 1962. Il faut voir tous ces gens éperdus, dans la gare Saint-Charles. Moi, minuscule, dans un couffin, avec mon frère, en départ de vacances. Bien plus tard, on me le raconte : il y a des vieux, des vieilles, des enfants, hagards, une valise à la main, qui attendent, debout, assis, couchés… Et puis, dehors juste à trois cents mètres, la grande lumière blanche qui réverbère celle de la baie d’Alger. Entre les deux côtes, les plages et un gros bras de mer ».

Peut-être des falaises est une aventure graphique, l’esquisse d’un roman, nourrie de l’enfance de l’auteur, de son humeur irisée, de ses admirations, Hopper, Camus et l’insondable secret de l’Algérie de Meursault, Kafka, magicien impérial de sa ménagerie, Hugo Pratt, ou encore Marguerite Duras sur son balcon des Roches Noires, et Freud à Vienne. Gilbert Pinna n’illustre pas ses éclats romanesques, ses remarques, ses souvenirs, il les prolonge, en donne un écho gracieux et troublant. Le trait est fin, tout en rondeur, les couleurs sont embrasées par des pastels soyeux.

Les jouets rouges, Jacques Cauda

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Lundi, 20 Novembre 2017. , dans Arts, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Les jouets rouges, éd. Contre-Ciel, 2016, 37 pages, 12 € . Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

L’œuvre peinte serait-elle objet créé dans ce purgatoire ab et ad vitam aeternam au cœur duquel nous sommes jetés pour avoir commis le crime de l’amour ? Drôle de question, étrange idée ! Quoique, complices, nous le sommes bien, dixit un certain Charles Baudelaire, dont la citation extrait de Mon cœur mis à nu paraît en exergue des Jouets rouges : « Ce qu’il y a d’ennuyeux dans l’amour, c’est que c’est un crime où l’on ne / peut pas se passer d’un complice ». L’œuvre peinte aborde la bouche d’Eros jusque dans ses éclats de salive et sève saisies, face surfigurée, dans le précipice effroyable de l’étreinte amoureuse.

« J’ai toujours un conseil sur moi : “Mon pote, ne t’embarrasse pas des choses qui appartiennent aux yeux en les faisant passer par les oreilles, car tu seras dépassé et de loin par l’œuvre du Peintre !” Conseil de Léonard de Vinci à l’Écrivain que je suis. C’est pour ça que j’ai choisi la peinture. Pour les tenir par les hanches et jouir d’un coup, brutal, un bâillement d’effroi, en faisant s’évanouir dans leur bouche l’existence de Dieu ».