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Roman

Perturbation, Thomas Bernhard (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 26 Mai 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Gallimard

Perturbation (Verstörung, 1967), trad. allemand, Bernard Kreiss, 218 pages . Ecrivain(s): Thomas Bernhard Edition: Gallimard

 

Effroi. L’effroi qui hante chaque page de ce livre, qui le scande comme une mélopée infernale, comme un chant qui viendrait de fonds démoniaques. Non pas l’effroi issu d’événements terribles – ici c’est pire encore – l’effroi qui suinte des hommes, de leur folie, de leur violence, de leur haine. Thomas Bernhard porte sur les humains un regard désespéré, sans la moindre trace d’empathie ou de miséricorde. Ses personnages, sans exception, sont des monstres et ce qui les rend si terrifiants est qu’ils ne sont pas des erreurs de la nature ni des créatures d’un autre monde. Ce sont des hommes.

Le chemin du docteur et de son fils narrateur – dans les monts et vallées du nord-est de la Suisse alémanique, à la frontière de l’Autriche – dans leur tournée médicale ordinaire, ressemble à un voyage en Enfer. Du débile alcoolique qui tue la femme gargotière d’un bistrot infâme – sans raison – jusqu’à l’aristocrate fou, paranoïaque, millénariste, chargé d’une mission satanique : balayer tout autour de lui – ses terres, son château, jusqu’à son existence et son nom.

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, Fawaz Hussain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 25 Mai 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, Editions du Jasmin, septembre 2020, 138 pages, 18 € . Ecrivain(s): Fawaz Hussain

 

Les déclinaisons d’un voyage

En ouvrant le livre de Fawaz Hussain et en parcourant les premières pages, le lecteur est amené immanquablement à s’interroger sur la nature de ce récit. A se référer au titre « Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi » on se dit que ce pourrait être un simple récit de voyage vers le sud de l’Espagne, tant on parcourt Murcie, sa vieille ville et ses environs, avec l’auteur comme accompagnateur. Mais c’est bien plus que cela. Il nous est proposé ici un voyage multiple, décliné sous de nombreuses formes, un véritable kaléidoscope où il est question d’histoire collective et personnelle, d’imaginaire et encore de spiritualité.

Tout commence d’abord par un coup de fil reçu par le personnage principal, Faramarz Hajari, un romancier kurde qui vit depuis de nombreuses années à Paris. Indubitablement, le double littéraire de l’auteur. On lui propose de participer à un colloque sur l’exil, à Murcie, la ville d’Ibn Arabi, ce grand métaphysicien et poète mystique de langue arabe du XIIème/XIIIème siècle.

Comme si de rien n’était, Alina Nelega (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 21 Mai 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Comme si de rien n’était, Alina Nelega, avril 2021, trad. roumain, Florica Courriol, 304 pages, 22 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

 

Transylvanie, entre gel et dégel

La narration du roman d’Alina Nelega, Comme si de rien n’était, suit la chronicité de l’existence de Cristina et de son amie Nana, scolarisées dans un lycée réservé aux enfants de l’élite roumaine, de 1979 à 1989. L’intrigue se déroule principalement en Transylvanie, dans la Roumanie des dix dernières années du régime des époux Ceausescu, couple autour duquel est déployé le culte de la personnalité, décliné à travers les médias et la culture. Des sanctions brutales sont employées contre quiconque tente de passer la frontière et de s’enfuir. La surveillance, la justification d’un quelconque acte considéré comme subversif, sont les oukases de la morale en place, suivis de mises en demeure terrorisantes. Les palpitations amoureuses naissantes entre les deux adolescentes transcendent le contexte dramatique des petites gens, que l’on laisse mourir à l’hôpital, prolétaires qui habitent des immeubles « puant la cigarette et la moisissure ».

Céleste et Marcel, un amour de Proust, Jocelyne Sauvard (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 21 Mai 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Les éditions du Rocher

Céleste et Marcel, un amour de Proust, Jocelyne Sauvard, avril 2021, 336 pages, 19,90 € Edition: Les éditions du Rocher

 

Ce trente-deuxième livre de J. Sauvard est un roman, bien sûr, mais qui se nourrit de La Recherche, des carnets de Céleste Albaret, et d’une grande connaissance des années 1918-1922, les dernières que Proust a vécues, dans les deux dernières de ses résidences : 102, boulevard Haussmann, et 44, rue Hamelin.

Céleste Albaret fut pour Proust, durant dix ans, une confidente, une gouvernante, une cuisinière, une correctrice, une amie. C’est elle, bien sûr, qui laissait entrer ou refusait toute personne désireuse de rencontrer le grand écrivain, reclus dans sa chambre d’écriture.

La romancière et essayiste Jocelyne Sauvard trame un texte romancé qui est tissé de plusieurs couches : il y a le récit des dernières années, riches en événements, en médications ; il y a les pages des carnets que Céleste tenait comme un journal, et il y a aussi, entrelardée dans le fil du texte, l’intervention d’une jeune fille amoureuse de Proust et de sa Recherche.

Cavalier noir, Philippe Bordas (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 20 Mai 2021. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Cavalier noir, Philippe Bordas, février 2021, 333 pages, 21 €

 

« Nous vivons parmi vociférateurs et voyous, risquant fiels et venins, braises et brandons. De ces vocables hirsutes et dépeignés, remontés des tréfonds, je suis le résultat. De cette langue primitive lacustre, hérissée de harpons, j’ai conservé l’indice. Nos paroles sortaient d’arbalète comme traits de foudre, enduits d’une bave de serpent. Ces flammes dans l’air ».

« Moins vêtue que drapée, habillée par le vent, poursuivie de tissu, filamentée de cheveux et de cet enroulé de soies blanches, ces plis et replis de coton translucide embrasant ses épaules, luminant ses jambes ».

Cavalier noir est un roman d’Amour Fou. Une déclaration d’amour fou et de bonheur incendiaire portée à la langue française et à Mylena, déesse des temps modernes. Le narrateur aventurier du Micro-Robert, et armé de son vélo aux dents affutées, quitte sa ville – Mon cœur s’est descellé du cœur de Paris –, armé de sa langue, de son vélo et d’un savoureux savoir.