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Roman

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find), Flannery O'Connor (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 10 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Les braves gens ne courent pas les rues (A Good Man Is Hard to Find, 1953), trad. américain, Henri Morisset, 231 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Flannery O'Connor Edition: Folio (Gallimard)

La signature de Flannery O’Connor est reconnaissable entre toutes : dans un style proche de la langue des paysans du Sud, dans des situations qui frisent le burlesque, avec des personnages éminemment drôles, elle nous raconte des histoires terribles, proches de l’épouvante parfois. Comment lire le massacre d’une famille entière – de la grand-mère aux jeunes enfants – par des psychopathes sanglants, tout en ne cessant de rire ou sourire ? Eh bien en lisant la première nouvelle de ce recueil, éponyme du recueil, Les braves gens ne courent pas les rues. Le burlesque macabre accompagne toute l’œuvre de O’Connor, comme il accompagne les profonds de la culture sudiste, faite de haine et d’amour dont on ne sait quoi de l’un ou de l’autre est le pire. Faite aussi d’un rapport débile et violent à Dieu, à la religion, dans lequel les cœurs se perdent sans trop savoir où est le bien, où est le mal. Ajoutez à cela les freaks, inévitables dans les pratiques consanguines et incestueuses largement répandues dans le Delta et ses environs : corps malingres, difformes, esprits idiots, égarés, et vous aurez le tableau complet qui fait fond à ces nouvelles. Une mise en scène d’un Sud miséreux, vaincu, perdu.

Carnets secrets du Boischaut, Catherine Dutigny (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 05 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Maurice Nadeau

Carnets secrets du Boischaut, mai 2022, 275 pages, 19 € . Ecrivain(s): Catherine Dutigny Edition: Editions Maurice Nadeau

 

 

Sur un village rural ordinaire du Berry profond plane dans les années cinquante la menace diffuse et permanente de la révélation d’une vérité fort dérangeante pour les uns ou les autres du rôle qu’aurait joué un membre de la communauté villageoise quant à la dénonciation calomnieuse de collaboration avec les Allemands, au moment de l’épuration, du mari de Marthe, la propriétaire d’une exploitation agricole dont les terres sont avidement convoitées par certains de ses voisins. Ledit époux, dont l’innocence ne sera reconnue qu’après qu’il aura été fusillé, avait le tort, pour nombre de villageois, d’être Alsacien, donc étranger à la région, marqué comme proche des Teutons par son fort accent germanique, et d’avoir marié, à la place d’Untel qui ne l’aura pas digéré, la belle et riche Marthe.

La déchéance d’un homme, Osamu Dazai (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Japon

La déchéance d’un homme (1948), Dazai Osamu, Ed. Gallimard/Unesco, 1990, trad. japonais, Georges Renondeau, 159 pages, 10,50 €

 

Le malaise permanent qui sourd de cette lecture est propre à la littérature quand elle touche aux fondements du monde des hommes. Le héros ne ressemble à personne, ou presque, frôlant de près l’exclusion du genre humain. Il fonde son être sur une dissociation radicale de son désespoir intérieur et de sa jubilation extérieure, qui fait de lui, selon ses propres mots, « un bouffon désespéré ». Il est drôle, il amuse sa famille, ses amis, ses condisciples, et il nourrit un désespoir suicidaire permanent, quoi qu’il arrive d’événements heureux ou malheureux.

Quand on comprend que ce personnage est évidemment Osamu lui-même, on est saisi d’effroi tant la vie de cet auteur – condensée et déplacée dans ce roman – comporte de faits terribles et de désastres. On ne peut parler de ce roman sans s’imprégner de la biographie d’Osamu.

Obsédé dès l’âge de 18 ans par l’idée de suicide, il fait en 1930 une tentative par noyade sur le lac de Nakamura, en compagnie de sa jeune amoureuse. Il survit. Elle meurt.

Les Bergères de l’Apocalypse, La Trilogie du Losange, Tome 2, Françoise d’Eaubonne (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 22 Avril 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Les Bergères de l’Apocalypse, La Trilogie du Losange, Tome 2, Françoise d’Eaubonne, mars 2022, 512 pages, 25 € Edition: Editions Des Femmes - Antoinette Fouque

Frapper, battre, abattre, tuer, massacrer.

(Mise à mort des femmes et des filles en raison de leur orientation sexuelle. Assassinat systématique de femmes autochtones)

Le soleil se couchait déjà ; les montagnes semblaient s’accroupir, devenir des bêtes rampantes, retenant entre leurs pattes des ombres violettes et chiffonnées.

F. d’Eaubonne

Féminicide

Dans la deuxième partie de La Trilogie du Losange, de retour de « l’expédition Amande », Ariane, « simple guide ouranautique », tient un journal de bord. Elle y relate les faits qui ont conduit à une guerre des sexes et à la fin du règne de l’andocentrisme.

Frog, Jerome Charyn (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 20 Avril 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Frog (Paradise Man, 1987), trad. américain, Marc Chénetier, 413 pages, 10,30 € . Ecrivain(s): Jerome Charyn Edition: Folio (Gallimard)

 

Les fictions de Jerome Charyn sont hantées, habitées par des personnages tout droit sortis d’un enfer imaginaire et sertis dans un monde taillé à la serpe, dans une écriture baroque flamboyante. Il est difficile de ne pas évoquer immédiatement Tarantino, tant ce roman semble ouvrir la voie au Reservoir Dogs et autre Pulp Fiction avec rien moins que 20 ans d’avance. Le héros de l’histoire, Holden, est un tueur déjanté, capable de tout, surtout du pire, mais qui avance dans son « métier » comme le ferait un chevalier médiéval, avec un code de l’honneur, des valeurs morales, des vertus privées, bref un personnage ahurissant. C’est la geste d’un tueur glacial, sans trace de haine ou d’affect, Holden, qui réserve sa sensibilité aux amis fidèles, aux femmes et à une petite fille découverte lors d’un « contrat » et pour laquelle il mettra toute son énergie à la protéger des dangers multiples qui la menacent, quoi qu’il en coûte. Holden est le héros sombre d’un New York fantasmé, le super héros meurtrier professionnel.