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Roman

Tout ce qui est à toi brûlera, Will Dean (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 20 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Belfond

Tout ce qui est à toi brûlera (The last thing to burn), Will Dean, mars 2022, trad. anglais, Laurent Bury, 267 pages, 20 € Edition: Belfond

 

Un roman de l’horreur, qui semble tout droit sorti de la sinistre cave d’un Dutroux, ou inspiré par ce qu’a vécu la jeune autrichienne Natascha Kampusch pendant huit ans. Si l’auteur a eu le dessein de montrer un exemple de la monstruosité qui peut animer un individu dans son rapport à certains de ses semblables sur lesquels il lui est permis circonstanciellement de s’arroger un pouvoir absolu, il y a réussi.

La narratrice, Thanh Dao, qui parle à la première personne, obligeant ainsi le lecteur à ressentir conjointement les horreurs de sa captivité, est une jeune Vietnamienne, arrivée clandestinement dans un conteneur en Angleterre avec sa sœur Kim-Ly dans un « lot » de migrantes attirées par la promesse d’un travail correctement rémunéré leur permettant de poursuivre des études universitaires tout en faisant parvenir une aide financière à leur famille. A leur arrivée, les passeurs les louent puis les vendent en catimini à divers « patrons » – ici un propriétaire terrien vivant reculs dans une ferme isolée – qui ont tout loisir de les exploiter à leur gré de façon évidemment totalement occulte. Alors se met en place l’emprise, alors commence un long, un terrifiant calvaire.

Le Bal des cendres, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Plon

Le Bal des cendres, avril 2022, 300 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

 

Le Bal des cendres de Gilles Paris profite du décor extraordinaire de l’île volcanique pour chorégraphier les relations sentimentales, intimes, amoureuses, filiales et amicales d’un vrai chœur de personnages liés ou étrangers. Le talent de l’auteur consiste à donner à chacun la voix narrative à même de dérouler les pans d’une histoire au pied du volcan à contempler, à gravir. Toute relation peut très vite être déstabilisée et le romancier prend plaisir à épicer ce « Stromboli » des cœurs.

A l’ombre du film de Rossellini, l’ouvrage romanesque à souhait nous invite à tresser une belle dizaine d’histoires, sous l’angle même des protagonistes : Guillaume, le directeur de l’hôtel, Matheo, son ami de toujours, sa fille Giulia, adolescente attachante à laquelle s’attachent nombre de personnages. Les couples se forment ou se reforment sous nos yeux. C’est la sensualité ordinaire, tactile ou éphémère des corps en désir, en attente. Thomas, toujours en deuil d’Emilio a trouvé en Lior un nouveau compagnon de vie. Eytan a repris place auprès de sa maîtresse. Elena pleure la perte d’Enzo. Abigale se rapproche de Guillaume.

Un printemps neuf, Vincent Roy (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 19 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Cherche-Midi

Un printemps neuf, Vincent Roy, mars 2022, 119 pages, 14,50 € Edition: Le Cherche-Midi

 

« Saisir le moment favorable, donc, tient à un cheveu. À un fil. Il s’agit d’être léger. Buona fortuna. À Venise, la déesse a sa statue à la pointe de la Douane. J’y passe le soir tard. Je la salue. Merci, jusqu’ici je m’en suis sorti ».

Il y a près de quarante ans, un grand styliste bordelais publiait un roman qui s’avérait à sa lecture, et à sa relecture, au rendez-vous de l’Histoire d’un siècle de plus en plus débordé par des postures du nouveau pouvoir féminin. Son nom : Philippe Sollers, son titre : Femmes. Nous avons changé de siècle, mais point de postures, et le nouveau pouvoir féminin s’affuble d’une nouvelle appellation d’origine contrôlée, le néo-féminisme. Ce siècle est toujours débordé par la tristesse, les insomnies de la Langue, le ressentiment, la vengeance, la sinistrose romanesque, et c’est là, sur ce terrain miné que surgit un roman, un court roman brillant et enluminé, léger et précieux, le roman d’un écrivain français qui ne craint ni les mots, ni les corps, le sien et celui de Lila, ni les dieux.

Un Homme dos à la mer, Wang Wen-hsing (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 18 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie

Un Homme dos à la mer, Wang Wen-hsing, Editions Vagabonde, mai 2022, trad. chinois (mandarin) de Taïwan, Camille Loivier, 390 pages, 22 €

 

Note liminaire : le rédacteur de cette critique ne sait pas un mot de mandarin et ne pourrait par conséquent émettre le moindre avis sur la moindre référence à la langue chinoise. Les excellentes éditions Vagabonde proposent, avec ce roman taïwanais, une transposition/traduction du mandarin au français, à la houlette de Camille Loivier. C’est donc bien de cet ouvrage que nous allons parler, de cet objet recomposé en langue française, avec de toute évidence, un grand talent. Ces précautions préalables s’imposent car ce roman, très au-delà de l’histoire qu’il raconte, vaut essentiellement par sa langue saisissante, l’expérimentation énonciative ahurissante qu’il propose.

Ici la langue n’est pas – ou presque plus – le véhicule du sens. Elle l’est encore certes, mais « en passant » comme on dit dans un jeu d’échecs. Elle constitue plutôt un matériau malléable, truffé de formes inventées, de creux, de protubérances, de déformations de mots, de ponctuation hors règles, d’espacements anarchiques. Mais rien, absolument rien n’est gratuit, tout signifie, ce qui a pour effet de doubler, parfois de tripler, le sens d’une page, d’une phrase, d’un mot.

La nuit des choses, Marie-Hélène Gauthier (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 17 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

La nuit des choses, Marie-Hélène Gauthier, Éditions des Instants, octobre 2021, 207 pages, 16 €

 

 

Ce roman s’apparente au théâtre d’ombres. Il met en scène deux personnages : une femme et un homme. C’est la femme qui tient le rôle principal ; l’homme, lui, est absent – comme effacé ; il est celui qui s’est mis à l’écart, qui a rompu un équilibre, qui a trahi. Et, paradoxalement, cet homme absent, dont on sait qu’il est écrivain, bénéficie d’une « présence amplifiée, plus sonore », si bien qu’on peut parler de monologue à deux, où la femme atténue « le poids de cette absence ».

Elle ? On l’imagine assise sur les marches d’un escalier, se demandant ce qu’il faut faire : continuer de monter ou redescendre ? Elle est là devant nous, on attend, elle va se mettre en mouvement – les pages, les chapitres vont l’aider : ce livre est fait pour ça, est fait pour elle.