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Roman

Le Cavalier de la Nuit, Robert Penn Warren (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Séguier

Le Cavalier de la Nuit, février 2022, traduit anglais (USA) Michel Mohrt, 607 pages, 22 € . Ecrivain(s): Robert Penn Warren Edition: Séguier

 

En introduction à l’analyse très documentée et fort éclairante qu’il a consacrée en préface à ce sombre roman « de bruit et de fureur », Hubert Prolongeau écrit ceci :

« Sans doute est-il difficile d’exister à côté de la sainte Trinité des lettres américaines de l’entre-deux-guerres : William Faulkner, John Steinbeck, Ernest Hemingway… Tout au plus aperçoit-on dans leur ombre F. Scott Fitzgerald ou John Dos Passos. Robert Penn Warren n’a même pas eu cette chance, bien qu’il soit, de tous, celui qui affiche aux Etats-Unis le palmarès le plus éblouissant : trois prix Pulitzer (performance rarissime) ».

Dès les premières pages du Cavalier de la Nuit on se rend compte qu’on pénètre en effet dans l’univers romanesque d’un maître du genre, et on se met à évoluer dans une atmosphère qui fait immédiatement penser à celle des Raisins de la colère.

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 25 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Folio (Gallimard)

Un Oiseau blanc dans le blizzard, Laura Kasischke, avril 2022, trad. anglais (USA) Anne Wicke, 362 pages, 8,70 €

 

Autant préciser de suite : ce roman ne mérite en rien les critiques élogieuses qui ont incité à l’ouvrir et à en lire péniblement les cent premières pages, puis à vagabonder au fil des suivantes dans l’espoir vain d’y trouver un peu de lumière. Pire encore : le fait que ce roman ait reçu pareil accueil critique est inquiétant, car cela en dit long sur l’époque, sur sa délectation pour le laid, son goût immodéré pour la fange (quand bien même ornée de quelques tournures lexicales poétisantes), sa tendance à confondre l’asservissement au sordide cantonné au niveau du fait divers avec l’élégance de certains auteurs d’antan qui surent sublimer le fait divers, et un jour il est à espérer que cette époque sera jugée comme telle, un jour où l’élégance, tant du style que du propos, sera enfin attendue et reconnue.

Reprenons. Un Oiseau blanc dans le blizzard est la narration par Kat, seize ans, de la vie dans une banlieue huppée quelconque sise dans l’Ohio, narration provoquée par la disparition soudaine de sa mère – dont, on l’écrit afin d’éviter tout suspense inutile, le corps sera retrouvé en fin de roman, dans le réfrigérateur familial.

L’esclave libre, Robert Penn Warren (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 24 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Libretto

L’esclave libre (Band of Angels, 1955), trad. américain, Jean-Gérard Chauffeteau, G. Vivier . Ecrivain(s): Robert Penn Warren Edition: Libretto

A mille lieues des grands flots romantiques de Autant en emporte le vent, L’esclave libre en est néanmoins le pendant, l’autre versant. Une jeune femme en est la narratrice et le roman traverse l’immense bouleversement qui marqua l’histoire américaine, de la fin des années 1850 à la fin des années 1860, la guerre de Sécession. On a souvent comparé ces deux ouvrages, on a même dit que le roman de Margaret Mitchell a « fait de l’ombre » à celui de Penn Warren. Et pourtant – hors la période historique – rien ou presque ne les rapproche. Et à y regarder de près, même la période historique diffère. L’esclave libre se passe essentiellement dans l’immédiat après-guerre, surtout de 1866 à 1870, et ce focus légèrement décalé change tout. Nous ne sommes plus dans une Amérique ravagée par une guerre fratricide mais dans un pays qui – en plein traumatisme – ne parvient pas à se remettre debout, laminé par la haine, la rancœur, les nouvelles ambitions de politiciens douteux plus préoccupés de carrière et de profit personnel que de bien commun. Une Amérique en quête d’une identité perdue, d’une unité qui semble compromise à jamais. Pour le Sud et ses Blancs, c’est le début d’une méfiance structurelle à l’égard des Yankees, image pour eux du pouvoir honni, de l’affairisme et de la corruption. Il est étonnant et pourtant constant de constater que ceux qui, pendant des siècles, ont tenu en esclavage des millions d’hommes occupent une position morale dans leur critique de leurs pendants nordistes.

Tout ce qui est à toi brûlera, Will Dean (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 20 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Belfond

Tout ce qui est à toi brûlera (The last thing to burn), Will Dean, mars 2022, trad. anglais, Laurent Bury, 267 pages, 20 € Edition: Belfond

 

Un roman de l’horreur, qui semble tout droit sorti de la sinistre cave d’un Dutroux, ou inspiré par ce qu’a vécu la jeune autrichienne Natascha Kampusch pendant huit ans. Si l’auteur a eu le dessein de montrer un exemple de la monstruosité qui peut animer un individu dans son rapport à certains de ses semblables sur lesquels il lui est permis circonstanciellement de s’arroger un pouvoir absolu, il y a réussi.

La narratrice, Thanh Dao, qui parle à la première personne, obligeant ainsi le lecteur à ressentir conjointement les horreurs de sa captivité, est une jeune Vietnamienne, arrivée clandestinement dans un conteneur en Angleterre avec sa sœur Kim-Ly dans un « lot » de migrantes attirées par la promesse d’un travail correctement rémunéré leur permettant de poursuivre des études universitaires tout en faisant parvenir une aide financière à leur famille. A leur arrivée, les passeurs les louent puis les vendent en catimini à divers « patrons » – ici un propriétaire terrien vivant reculs dans une ferme isolée – qui ont tout loisir de les exploiter à leur gré de façon évidemment totalement occulte. Alors se met en place l’emprise, alors commence un long, un terrifiant calvaire.

Le Bal des cendres, Gilles Paris (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 20 Mai 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Plon

Le Bal des cendres, avril 2022, 300 pages, 19 € . Ecrivain(s): Gilles Paris Edition: Plon

 

Le Bal des cendres de Gilles Paris profite du décor extraordinaire de l’île volcanique pour chorégraphier les relations sentimentales, intimes, amoureuses, filiales et amicales d’un vrai chœur de personnages liés ou étrangers. Le talent de l’auteur consiste à donner à chacun la voix narrative à même de dérouler les pans d’une histoire au pied du volcan à contempler, à gravir. Toute relation peut très vite être déstabilisée et le romancier prend plaisir à épicer ce « Stromboli » des cœurs.

A l’ombre du film de Rossellini, l’ouvrage romanesque à souhait nous invite à tresser une belle dizaine d’histoires, sous l’angle même des protagonistes : Guillaume, le directeur de l’hôtel, Matheo, son ami de toujours, sa fille Giulia, adolescente attachante à laquelle s’attachent nombre de personnages. Les couples se forment ou se reforment sous nos yeux. C’est la sensualité ordinaire, tactile ou éphémère des corps en désir, en attente. Thomas, toujours en deuil d’Emilio a trouvé en Lior un nouveau compagnon de vie. Eytan a repris place auprès de sa maîtresse. Elena pleure la perte d’Enzo. Abigale se rapproche de Guillaume.