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Roman

L’homme qui peignait les âmes, Metin Arditi (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Lundi, 29 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

L’homme qui peignait les âmes, juin 2021, 292 pages, 20 € . Ecrivain(s): Metin Arditi Edition: Grasset

 

Qui a réellement peint le Christ guerrier attribué à tort, par la tradition, à Théophraste le grec, et exposé aujourd’hui dans une église au sud de Bethléem ? Indiscutablement « un iconographe de génie » dont Metin Arditi nous raconte, en sept dates décisives, l’existence vécue entre Acre, Mar Saba et Capharnaüm.

En 1079, Avner, adolescent juif, livre au monastère orthodoxe le poisson que pêche son père. Il goûte dans ce Petit Paradis la joie de l’accueil toujours chaleureux et gourmand que lui réserve frère Thomas et découvre l’art des icônes. Seule sa cousine Myriam avec laquelle il a grandi connaît son rêve, devenir à son tour peintre. Mais il lui faudrait alors se convertir au christianisme, rompre avec ses parents qui ne lui pardonneraient pas cette trahison et surtout renoncer à épouser Myriam.

L’art vaut pourtant tous ces sacrifices. Avner va même lui sacrifier la sincérité. Ainsi, le jour de son baptême, devenu Petit Anastase il « savait qu’il trichait » car il « avait lu et relu les Textes. Il les avait étudiés, commentés. Il avait été ébloui par leur intelligence, leur finesse, leur concision. Mais il n’avait pas réussi à croire à la Révélation ».

Petit Maître, Natsumé Sôseki (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 25 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Points, En Vitrine, Japon

Petit Maître, Natsumé Sôseki, Points, février 2022, trad. japonais, René de Ceccatty, 288 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Natsume Sôseki Edition: Points

 

Ce roman a paru en 1906. Le romancier Sôseki avait alors 39 ans. « Botchan » est le titre original.

Un jeune professeur quitte Tokyo et sa vieille servante et amie Kiyo pour un collège de province, dans une ville reculée. Il y donnera des cours de maths, au milieu d’un corps professoral haut en couleurs, où les inimitiés et les jalousies font la part belle : on y trouve de vieux professeurs comme Koga, un censeur, Tricot rouge, des collègues plus sympathiques comme Porc-épic et des imbuvables comme Cabot ou le Blaireau, directeur de l’établissement.

La province, c’est aussi des logeurs et logeuses qui vivent en louant des gourbis à ceux qui viennent de la capitale.

La province est un monde, tout à fait étranger au nouvel arrivant qui y voit des usages inconnus de lui.

Les élèves sont difficiles, toujours prêts à faire des mauvais coups, toujours prêts à chahuter le nouveau professeur ou à faire le chambard le soir dans les dortoirs.

Le Pas de la Demi-Lune, David Bosc (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 24 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Verdier

Le Pas de la Demi-Lune, août 2022, 192 pages, 17 € . Ecrivain(s): David Bosc Edition: Verdier

 

« Alentour, ce sont surtout des garrigues, la densité nue, lente, d’un tapis de garrigue où l’herbe haute à peine plus qu’un doigt, quand elle tremble au vent, pince le cœur ».

« Nos années heureuses dans une ville heureuse n’ont pas fait pâlir les heures ni les lumières de l’enfance, elles leur ont au contraire donné un éclat plus vif ».

Voici peut-être le roman le plus profondément original, peut-être le plus romanesque, le plus troublant, le plus éclairant, le plus saisissant, de cette rentrée littéraire. Cela tient à la richesse de son imaginaire, à sa forme, son style, à la matière qu’il travaille, qu’il polit, qu’il fait émerger, sous les frondaisons de l’enfance passée aux portes de la Méditerranée. Car nous sommes à Marseille et dans ses environs dans Le Pas de la Demi-Lune, ou plutôt à Mahashima, capitale désertée d’un Royaume ancestral, nous sommes en Provence et au Japon et parfois en Chine, comme si ce pays que connaît bien l’auteur avait été colonisé par un Royaume guerrier, ou comme s’il se réveillait dans un temps ancien où l’Histoire ne serait qu’un improbable souvenir.

Les Nuages, Juan José Saer (Par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 23 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, En Vitrine, Le Tripode

Les Nuages (Las Nubes, 1997), Juan José Saer, éditions Le Tripode, octobre 2020, trad. espagnol (Argentine) Philippe Bataillon, 220 pages, 19 € . Ecrivain(s): Juan José Saer Edition: Le Tripode

 

Nos bien connus Pigeon et Tomatis * ouvrent cet ouvrage – écho à une autre grande œuvre de Juan José Saer, l’enquête, dont nous avons parlé ici-même. Les deux amis, éloignés comme toujours par l’Océan Atlantique – l’un est à Paris et l’autre en Argentine – correspondent toujours et, dans une lettre, Tomatis annonce à Pigeon l’arrivée prochaine d’un envoi mystérieux, de la part de Marcelo Soldi que Pigeon avait déjà rencontré, et qui va prodigieusement l’intéresser. Et « À peu près un mois plus tard, l’envoi était arrivé ! c’était une enveloppe de taille moyenne protégée par une garniture intérieure de plastique à bulles, autocollante mais que Soldi, par précaution, avait fermée avec du ruban adhésif transparent, et qui contenait une lettre assez longue et une disquette d’ordinateur ».

Comme dans L’enquête, le roman va tourner autour d’un manuscrit ancien retrouvé qui va en fait constituer le roman entier, Soldi, l’expéditeur, allant jusqu’à en suggérer le titre en nommant le manuscrit.

Le syndrome de l’accent étranger, Mariam Sheik Fareed (Par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 19 Août 2022. , dans Roman, Les Livres, Recensions, La Une Livres, J'ai lu (Flammarion)

Le syndrome de l’accent étranger, Mariam Sheik Fareed, mars 2022, 280 pages, 7,40 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Alexandre oublie un soir dans le métro parisien une sacoche contenant son ordinateur, lequel recèle, outre divers éléments personnels, le début d’un roman dont il a suspendu l’écriture, faute de savoir quelle suite lui donner. Le sujet : Sophie Van Er Meer, en conséquence d’un accident de la route, se retrouve affligée d’un mystérieux handicap : elle parle avec un étrange accent dont aucune thérapie ne parvient à la guérir et tombe en dépression. Là avorte le roman.

Désiré, immigré mauricien, balayeur municipal, trouve le sac, ouvre l’appareil, lit l’histoire… et s’impose à lui l’absolue nécessité de sortir Sophie de son état morbide. Ne sachant pas très bien écrire, il se fait aider par Marie, une bénévole de la soupe populaire à laquelle il a nécessairement recours pour se nourrir régulièrement, pour contacter Alexandre par courriel et lui proposer un singulier marché : il lui rendra son bien si l’auteur accepte en échange d’offrir à son personnage une porte de sortie ouvrant sur la voie d’une vie nouvelle où son accent ne constituera plus un attribut handicapant.