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Iles britanniques

De Grandes Espérances, Charles Dickens (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Août 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Tristram, Cette semaine

De Grandes Espérances, août 2022, trad. anglais, Jean-Jacques Greif, 626 pages, 29,40 € . Ecrivain(s): Charles Dickens Edition: Tristram

 

Prélude en forme de mea culpa : sur foi de quelques lignes lues à la dérobée dans une bibliothèque, la traduction de L’Île au trésor par Jean-Jacques Greif a été expédiée de façon lapidaire dans une chronique relative à la nouvelle traduction de 1984. Quelques lignes de dialogue ont suffi à faire émettre un avis relatif à la lisibilité de cette traduction pour des adolescents d’aujourd’hui, du moins ceux à qui est encore proposé ce classique à l’école. Mais depuis, cette traduction a été lue, in extenso et surtout avec joie, et elle a emporté tous les suffrages. D’une part, Greif a rendu la musique de Stevenson, en particulier pour une phrase d’ouverture dont les multiples traductions lues ont toujours laissé sur une faim de rythme ; d’autre part, ce qui avait choqué est en fait bonne part de la grâce de cette traduction : Greif a effectué un véritable travail sur la langue française pour rendre celles des différents personnages, en particulier celles des pirates et autres flibustiers.

Le Seigneur des Anneaux, L’Intégrale, J. R. R. Tolkien (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 22 Août 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Science-fiction, La Une Livres, Pocket

Le Seigneur des Anneaux, L’Intégrale, trad. anglais, Daniel Lauzon, 1600 pages, 18,90 € . Ecrivain(s): J. R. R. Tolkien Edition: Pocket

 

 

Entre 2001 et 2003, le réalisateur néo-zélandais Peter Jackson a proposé au monde une certaine vision du Seigneur des Anneaux en trois films qui ont rencontré l’assentiment de la critique et un vaste succès public, surtout après les sorties en dvd de versions longues qui ont fait les délices d’innombrables soirées entre amis ou en famille. C’était il y a vingt ans, c’est ainsi qu’existe désormais majoritairement dans l’imaginaire collectif la trilogie de Tolkien, du moins pour un grand public à qui l’on propose, au travers d’innombrables adaptations cinématographiques ou télévisées, d’oublier de lire pour regarder, que ce soit un film ou une série n’y change rien, et donc adopter un point de vue spécifique sur un récit. Pour peu, on en oublierait qu’existe un livre, c’est-à-dire une ouverture absolue à l’imaginaire dont les descriptions nécessairement incomplètes incitent à se faire son propre… film.

Sous le filet, Iris Murdoch (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 08 Juillet 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman, Folio (Gallimard)

Sous le filet, Iris Murdoch, Folio, 1957 (réédition de mars 1985), trad. anglais, Clara Malraux, 348 pages, 9,70 €

 

En 1954, Iris Murdoch enseigne la philosophie à Oxford. Son charisme et son intelligence font déjà sa renommée d’universitaire et fascinent John Bayley, qui termine ses études de lettres. Quarante-cinq ans plus tard, dans la biographie qu’il lui consacre (1), celui-ci se souvient.

Dès leur première rencontre, elle l’interrogea : avait-t-il déjà songé à écrire un roman ? Le jeune homme crut à une simple politesse car « étant philosophe, il était évident qu’elle ne pouvait s’intéresser à ce genre de choses ». Miss Murdoch, qu’il épousa deux ans plus tard, lui déclara pourtant ce soir-là « qu’elle avait elle-même écrit un roman qui n’allait pas tarder à paraître ».

Sous le filet est ce premier roman. Clara Malraux le traduit et exprime son admiration dans quelques lignes de préface où elle saisit l’essence de l’œuvre naissante : son « éblouissante cocasserie », typiquement britannique, « une bonté vraie » qui s’étend aux hommes et aux animaux et « ce ton de tranquille évidence », révélateur plus efficace des méandres du réel que n’importe quelle étude prétendument sérieuse.

Monna Innominata, Christina Rossetti (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 04 Juillet 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Monna Innominata, Christina Rossetti, éd. Les Défricheurs, octobre 2021, 80 pages, 12 €

 

Amour sacré

Connaissant peu la biographie ni même l’œuvre de la sœur de Dante Gabriele Rossetti, il m’a fallu chercher un équilibre entre ce que je lisais et l’impression d’étrangeté qui se dégage de ces pages. J’ai donc balancé assez longtemps dans mon interprétation. J’y ai vu, au premier abord, une poésie de l’amour charnel, de l’amour profane, ne sachant pas de quel amour la poétesse s’approchait dans ses vers. Comme je lis ces jours derniers Le Divân de Hafez de Chiraz où, dans le sens contraire, j’ai vu l’amour sacré derrière les lignes du libertin (fût-il vraiment un libertin ou un soufi ?). Ces deux hésitations montrent clairement que profane ou sacré il faut garder simplement l’amour et ne pas choisir, garder la trace mystique de Dieu, dans la chair, et la trace charnelle de Dieu dans le Ciel, dans la prière.

D’os et de lumière, Mike McCormack (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 21 Juin 2022. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

D’os et de lumière (Solar Bones, 2016), trad. anglais (Irlande) Nicolas Richard, 275 pages, 8,60 € . Ecrivain(s): Mike McCormack Edition: Points

 

Nul point, de bout en bout, une phrase unique qui serpente, s’enroule, revient sur elle-même, se déploie de nouveau, se rompt, reprend, va crescendo puis descend, métaphore d’une vie d’homme, volonté d’un auteur d’embrasser tout ce qui la compose, jusqu’au moindre détail, projet panoptique qui se refuse à laisser au hasard la moindre nuance. Tel est ce roman d’un homme – le narrateur – qui se souvient dans un flux de mémoire intense qui le ramène aux sensations même éprouvées alors. Capturer le temps passé dans les mailles de la phrase, lui donner son épaisseur réelle, le restaurer dans le présent, c’est la folle aventure de ce roman puissant et captivant.

La phrase de McCormack se déploie aussi comme une tentative de capter l’histoire particulière dans son articulation à l’univers. Marcus Conway, le narrateur, n’est pas seulement ingénieur du bâtiment par profession, il l’est aussi par invasion de son être : rien, ni objet, ni fait, ni affect, n’échappe à sa passion de la construction, à sa conception du monde qui veut que tout élément soit forcément un morceau d’un tout, jusqu’au grand tout.