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L’Envers de l’éperon, Michel Bernanos (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 06 Décembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Cette semaine

L’Envers de l’éperon, Michel Bernanos, L’Arbre Vengeur, 2018, 217 pages, 17 €

 

La lecture de ce roman est une véritable suffocation. La tension de l’arc narratif, des premiers mots aux derniers, est permanente tant le « contrat » de départ – au sens donné chez un tueur professionnel – ligote l’action dans une cible intangible et improbable : un frère aîné se voit confier la mission de tuer son frère cadet, qu’il aime et admire.

Michel Bernanos situe l’action au Brésil, dans les espaces brûlants du Sertão, emplis des échos annonciateurs du Diadorim de João Guimarães Rosa et des souvenirs d’enfance de l’auteur, qui vécut, avec son père Georges Bernanos et sa mère, plusieurs années dans ce pays. Le Sertão, devenu un espace mythique de la littérature, qui sert de cadre à tant de chefs-d’œuvre de Guimarães Rosa, Vargas-Llosa, Ribeiro Ubaldo, Da Cunha, et qui a la faculté de s’ériger en personnage central de tous les romans qu’il abrite.

Misericordia, Lídia Jorge (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 30 Novembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Métailié, Cette semaine

Misericordia, Lídia Jorge, Métailié, Bibliothèque portugaise, août 2023, trad. portugais, Elisabeth Monteiro Rodrigues, 416 pages, 22,50 € . Ecrivain(s): Lidia Jorge Edition: Métailié

 

« Avant j’avais l’habitude de demander qu’on me lise les informations, mais maintenant je ne veux plus. Dans la vie, naturellement, le bien succède au mal, dans les journaux, au contraire, on ne fait qu’ajouter du mal au mal, j’ai dit. J’ai précisé cependant que j’aimais toujours écouter lire, à présent que je n’arrivais plus par moi-même ».

« Oh ! Joie, conduis-moi à travers la rue tortueuse – la mort dort à la porte. Je la chasse avec ton bâton ».

Elle se nomme Maria Alberta Nunes Amado, et on l’appelle Dona Alberti. Misericordia est son journal, le journal de sa vie en maison de retraite, transformé en roman par sa fille Lídia Jorge. Un journal enregistré entre le 18 avril 2019 et le 19 avril 2020 dans sa chambre de l’Hôtel Paradis devenu maison de retraite. S’y ajoutent des notes manuscrites que l’auteur a glissées en fin de chaque chapitre, qui sont comme des éclats de vie et de joie. Elle s’enregistre car elle a du mal à écrire, à former les lettres. Les mots et les phrases offerts ainsi par la mère deviennent un roman sous la plume de sa fille.

Ada ou l’Ardeur (Ada or Ardor, 1969), Vladimir Nabokov (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Novembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Ada ou l’Ardeur (Ada or Ardor, 1969), Vladimir Nabokov, Folio, trad. américain, Gilles Chahine, 756 pages . Ecrivain(s): Vladimir Nabokov Edition: Folio (Gallimard)

 

Ada ou l’Ardeur est assurément le plus grand roman de Vladimir Nabokov, celui qui déploie tout son génie de l’architecture narrative, toute sa dextérité linguistique et tous ses thèmes favoris. Au-delà même, Ada est probablement le plus grand roman de la littérature amoureuse occidentale contemporaine. L’écriture de Nabokov y est, plus que jamais, éblouissante, englobant le récit dans une phrase à la fois complexe et évidente, conçue dans le moindre détail comme un long poème en prose où assonances et allitérations composent une sonate brillante.

Van se trouva, de façon encore vague et distraite, aux prises avec la science qui devait être plus tard le souci obsédant de son âge mûr : les problèmes du temps et de l’espace, l’espace contre le temps, l’espace distordu par le temps, le temps vu comme espace et l’espace comme le temps, l’espace, enfin, rompant avec le temps dans le triomphe ultime et tragique de la réflexion humaine : « Je meurs, donc je suis ».

Des souris et des hommes (Of Mice and Men, 1937), John Steinbeck (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 09 Novembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard), Cette semaine

Des souris et des hommes, John Steinbeck, Folio, juin 2023, trad. anglais (USA), Agnès Desarthe, 176 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): John Steinbeck Edition: Folio (Gallimard)

 

Brutal et pourtant tendre, rapide et pourtant intense – ces qualificatifs pourraient convenir au septième livre publié par John Steinbeck, en 1937, Des souris et des hommes. Dans cette longue nouvelle ou ce bref roman, le drame, humain, terriblement, affreusement humain, se joue sur trois jours et deux nuits, du vendredi matin au dimanche en fin de journée, de l’arrivée, dans un ranch à « quelques miles au sud de Soledad » en Californie, de George Milton et Lennie Small, deux ouvriers agricoles vagabonds, à l’euthanasie (le mot peut sembler déplacé mais le récit le justifie) du second par le premier après la mort d’une femme entre les mains « dévastatrices » (dixit Joseph Kessel) du simple d’esprit qu’est Lennie. On est autorisé à parler de drame, car Steinbeck a organisé son récit, fulgurant, telle une tragédie, d’ailleurs, avec une progression attendue : sous les caresses de Lennie l’innocent meurent successivement une souris, un chiot puis la femme de Curley, le fils du patron du ranch, avec des effets d’annonce qui laissent présager le drame final : que s’est-il véritablement produit à Weed, quelque temps auparavant ?

Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling en La Pléiade (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 09 Novembre 2023. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La Pléiade Gallimard, Cette semaine

Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling, Bibliothèque de La Pléiade, Gallimard, septembre 2023, 944 pages, 60 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

Une cosmogonie anglo-indienne

Ce magnifique tirage spécial, illustré du Livre de la jungle de Rudyard Kipling (1865-1936. Prix Nobel de Littérature en 1907), est enrichi par de talentueuses illustrations de John Lockwood Kipling, le père de l’écrivain, et aussi par l’auteur du Livre de la jungle en personne, en plus d’un ensemble iconographique conçu par divers artistes, en lien avec les canons esthétiques de différentes époques s’étendant de 1903 à 1945.

Cette célèbre et merveilleuse saga commence par l’éducation du jeune Mowgli, traqué par Shere Khan, le tigre boiteux (un signe négatif : boiteux comme le diable), courant se réfugier dans la tanière d’une famille de loups. Tels Romulus et Rémus, Mowgli est allaité par Mère louve.