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Léviathan, Julien Green (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 01 Octobre 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Livre de Poche

Léviathan, Julien Green, Le Livre de Poche, 2005, 344 pages Edition: Le Livre de Poche

 

Le morne ennui de la Province il y a un siècle est le décor des romans de Julien Green. Dans une topographie qui semble figée dans l’éternité, la petite ville bourgeoise, ses placettes, ses arbres ordonnés en triangle, la morosité tranquille de ses jours sans fin, ses habitants enfoncés dans des rituels immuables, Green déroule des histoires terribles, qui frisent les limites des comportements humains. Déjà Adrienne Mesurat nous avait conduits vers ces frontières où la raison vacille, où l’horreur fait surface. Mais avec Léviathan, Green franchit toutes les limites du cauchemar et, dans un cauchemar, tout est effroi, lieux sinistres, personnages monstrueux, événements terrifiants.

La fascination de Julien Green pour la topographie se retrouve dans son regard sur cette petite ville de Province. Tout y est lignes et angles, tout y est droites et coins.

Paris de ma fenêtre – Colette (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 25 Septembre 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits

Paris de ma fenêtre – Colette – Préface par Francis Carco – Postface par Gérald Duchemin – Huit illustrations par Sarah Elie Fréhel – Editions Le Chat Rouge – Collection Pourpre et Or - 22 euros – 304 p. – 17-06-25. . Ecrivain(s): Colette

 

« Oui, j’estime qu’il fallait que ce livre fût écrit – précisément par une femme – pour nous donner de Paris cette leçon de grandeur dans sa quotidienne et fière acceptation. Le miracle est que, sans forcer une seule fois la note, Colette soit parvenue à nous révéler dans de ferveur, de grâce, d’humour, de bon sens et de dignité. »

Francis Carco – 11 août 1944

« Colette excelle à se souvenir, à se raconter à hauteur de femme, à vocaliser sur sa joie de vivre, avec une luxuriance de forêt en pleine santé.

Sa prose alors devient magique. C’est littéral, elle nous ensorcelle. »

Gérald Duchemin – La paysanne de Paris.

Assurance sur la mort (Double Indemnity, 1937), James M. Cain (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 24 Septembre 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Assurance sur la mort (Double Indemnity, 1937), James M. Cain, éd. Gallmeister, 2017, trad. américain, Simon Baril, 157 pages, 8,60 € Edition: Gallmeister

 

Depuis quelques années, il est d’usage et de bon ton chez les experts en polars de chanter la louange des romans policiers qui « bousculent les codes » du genre. Effets de l’air du temps – on déconstruit à tour de bras – ou de la recherche de modernité à tout prix qui ont eu pour résultat de produire une profusion de polars déjantés, de plus ou moins bon goût, dont le seul objectif est visiblement de « bousculer les codes » justement.

Avec James Cain, on ne risque rien. C’est lui, avec quelques autres comme Chandler, Goodis, Hammett, entre autres, qui a établi ces codes, à notre grand bonheur. Assurance sur la mort est l’un des piliers de la grande littérature noire et, comme il se doit de celle-ci, du cinéma noir : Billy Wilder a signé en 1944 un film remarquable tiré du livre.

Donc, tous les codes y sont. Non seulement ceux du polar classique, mais ceux des polars écrits par James Cain. On retrouve en effet, deux ans avant le célébrissime Le Facteur sonne toujours deux fois, le triangle funeste du mari victime, de la femme et de l’amant meurtriers.

Terre somnambule (Terra Sonâmbula), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Septembre 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Métailié, Cette semaine

Terre somnambule (Terra Sonâmbula, 1992), Mia Couto, éditions Métailié, janvier 2025, nouvelle traduction d’Elisabeth Monteiro Rodrigues, 242 pages, 21 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

 

Un enfant et un vieillard marchent, sans but précis, fuyant la guerre civile qui ravage leur pays, le Mozambique

Ce roman de Mia Couto, le premier en date de son œuvre, est une vague submersive, une sorte de tsunami langagier, ici magnifiquement servi par une traduction hors normes, d’une intelligence stupéfiante. La langue de Mia Couto dans Terre somnambule n’est pas seulement l’outil de la narration, loin s’en faut : elle est un personnage à part entière, une matière vivante qui permet de tenir à distance un monde terrifiant, de dire la douleur autrement, et surtout, de résister à l’effacement que l’Histoire semble vouloir imposer aux hommes du Mozambique. En transformant la langue coloniale (le portugais) en un langage poétique, oral, complètement africain, Mia Couto rend possible une forme de renaissance – individuelle, culturelle et collective. On pense à Kateb Yacine qui disait, à propos de la langue française des écrivains algériens, que c’était leur « butin de guerre ».

Le Mauvais sort (La Malora, 1954), Beppe Fenoglio (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Août 2025. , dans En Vitrine, Critiques, La Une Livres, Roman, Italie, Cambourakis

Le Mauvais sort (La Malora, 1954), Beppe Fenoglio, Ed. Cambourakis, 2013, trad. italien, Monique Baccelli, 111 pages, 9 € Edition: Cambourakis

 

La pauvreté, dans notre monde consumériste, s’entend d’abord comme le dénuement de biens matériels et, par effet de conséquence, de bien-être moral et culturel. Dans ce court et terrible roman, Fenoglio met avec minutie à nu une autre vérité sur l’extrême pauvreté : elle met les hommes en face d’un réel absolu, celui de la condition humaine non atténuée par l’illusion des choses. La pauvreté est la brutalité du réel : point de biais, point de medium, la collision de l’homme avec le monde est frontale. Chaque déclinaison du dénuement sonne comme un glas, le thrène d’une vie. Ainsi, ce roman de la pauvreté prend, page après page, la dimension d’une métaphore universelle, celle du manque, de la perte, de la faille qui fend les hommes et les rend aussi fragiles que pathétiques.

Ça allait mal : la façon de mesurer le manger et d’économiser le bois le montrait bien ; aussi chaque fois que je voyais ma mère sortir ses sous et les compter dans sa main avant de les dépenser, je tremblais, je tremblais vraiment comme si je m’attendais à voir la voûte s’écrouler après qu’on lui eut ôté une pierre.