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Patient X, Le dossier Ryūnosuke Akutagawa, David Peace (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Octobre 2024. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages, Cette semaine

Patient X, Le dossier Ryūnosuke Akutagawa, David Peace, Rivages, octobre 2024, trad. anglais, Jean-Paul Gratias, 366 pages, 24 € . Ecrivain(s): David Peace Edition: Rivages

 

David Peace n’a jamais rien fait comme tout le monde. Ses terrifiants « polars » étaient un véritable laboratoire littéraire dans lequel il dynamitait toutes les règles du genre, les contraignant à des pages sombres et souvent absconses, d’une poésie admirable. Ses célébrations du football étaient des exercices de style dont les échos – Li-ver-pool – Li-ver-pool – ne finiront jamais de résonner à nos oreilles.

Avec Patient X, Peace s’attache à présenter une sorte de biographie d’un écrivain japonais célèbre auquel il voue un véritable culte, Ryūnosuke Akutagawa. Une fois cela dit, il faut se précipiter à préciser que l’ouvrage ne ressemble à aucune biographie jamais éditée. L’intimité de Peace avec son modèle tisse une sorte de patchwork fait de passages romancés de la vie de l’auteur (vérité ? Fiction ? la magie romanesque prend en charge la question), d’articles de journaux d’époque, d’extraits de paroles de l’écrivain. La tresse entière est une résurrection de Ryūnosuke, une biographie partielle, partiale, totalement subjective.

Variations sur le Baudelaire de Claude Pichois et Jean Ziegler (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Septembre 2024. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Biographie, Fayard, Cette semaine

Baudelaire, Claude Pichois & Jean Ziegler, Ed. Fayard, 838 p. 36 € Edition: Fayard

 

Il ressort de ce livre-somme une figure baudelairienne parée de toutes ses ombres et lumières. Ni ange ni démon mais assurément trop humain, le poète ici emprunte à la figure christique le poids des douleurs et des amertumes. Dès vingt ans, Charles entre en souffrance comme on entre dans les ordres, avec la volonté d’y entrer et d’y souffrir pour s’approcher de l’inaccessible beauté. Pour s’emparer de la boue et en faire de l’or.

Baudelaire – nous l’avons souvent écrit ici – n’est pas spontanément un personnage séduisant ; loin des figures de bons ou mauvais anges de la littérature française, les Villon, Louise Labé, Rimbaud, Nerval, Apollinaire. Ses portraits, nombreux (dont beaucoup se retrouvent groupés dans cet ouvrage dans un folio central), semblent figer pour l’éternité un regard fiévreux et inquiet, un visage émacié et glabre, des lèvres minces, comme pincées par une tension permanente.

Histoires impossibles, Ambrose Bierce (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Septembre 2024. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Grasset, Cette semaine

Histoires impossibles, Ambrose Bierce, Grasset, Les Cahiers Rouges, 1985, trad. américain, Jacques Papy, 159 pages, 7,50 € Edition: Grasset

 

Commençons par écarter une lourde hypothèse qui pèse sur Ambrose Bierce et son œuvre : la ressemblance avec Edgar Allan Poe, son contemporain. Tous deux sont américains certes, tous deux écrivent dans un genre qui inscrit le fantastique dans sa courbe narrative assurément. Mais là s’arrêtent, absolument, les rapprochements possibles.

Le monde de Poe est fait de lieux lugubres, de rues sombres, de maisons malfaisantes, de cadres urbains maléfiques. Celui de Bierce est essentiellement rural, naturel, souvent enchanteur avant que ne surgisse l’effroi. On peut voir à cet écart local la naissance des deux écrivains : Poe, fils de Boston. Bierce fils d’un État alors très rural, l’Ohio, dans la petite localité de Cave Creek.

L’univers littéraire de Bierce semble droit sorti des œuvres de Henry David Thoreau. La Nature est d’abord chez lui beauté, asile, recueillement. Certains passages semblent sortis tout droit de Walden.

Demande à la poussière, John Fante (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Septembre 2024. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, 10/18, Cette semaine

Demande à la poussière (Ask the Dust) traduit de l’américain par Philippe Garnier, 10/18 . Ecrivain(s): John Fante Edition: 10/18

 

Ask the Dust (l’un des plus beaux titres de la littérature romanesque) fut publié pour la première fois en 1939, quelques années à peine après la Grande Dépression dont il est encore profondément imprégné. Cet ouvrage, longtemps sous-estimé, a eu une influence considérable sur le roman américain (on peut aussi penser sur le cinéma), notamment sur Charles Bukowski, qui voyait en Fante sa source littéraire, Richard Brautigan et toute la Beat Generation. Ce roman, à la fois rude et poétique, raconte la lutte d’un jeune écrivain pour trouver sa place, tout en dépeignant la ville de Los Angeles avec une précision crue et évocatrice, un peu à la manière de Raymond Chandler et du roman noir de la Côte Ouest.

La Grande Dépression plane sur le roman, avec sa charge de difficultés économiques profondes qui affectent la vie quotidienne de millions d’Américains, ravagent les esprits, diffusent sur le pays une morosité morbide. Los Angeles, la ville où l’action se situe, est présentée comme un lieu de rêves et de désillusions, une terre d’opportunités où les espoirs souvent se brisent sur une réalité impitoyable.

Le Panoptique, Jeremy Bentham (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 28 Août 2024. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques, Cette semaine, Bartillat

Le Panoptique, Jeremy Bentham, Editions Bartillat, septembre 2024, trad. anglais, Maud Sissung, 195 pages, 20 € Edition: Bartillat

 

Au-delà de l’établissement lui-même, le Panoptique – dispositif d’enfermement destiné à surveiller au plus près les populations incarcérées –, ce qui fait de ce recueil de lettres un moment essentiel de la pensée occidentale moderne réside dans les conséquences bouleversantes de la pensée qui conduit à l’élaboration de ce dispositif.

La « machine » consiste en une organisation architecturale qui vise à un but idéal pour le gardien :

« La perfection idéale, si l’on se fixait cet objet, exigerait que chaque individu soit, à tout instant, surveillé. Cela étant impossible, le mieux que l’on puisse souhaiter est que, à tout instant, ayant motif de se croire surveillé, et n’ayant pas les moyens de s’assurer du contraire, il croie qu’il en est ainsi ».