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En Vitrine

Pas de larmes, Caroline Tiné (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 29 Avril 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel, Cette semaine

Pas de larmes, Caroline Tiné, Albin Michel, mars 2025, 288 pages, 20,90 € Edition: Albin Michel

 

« Le dernier chant au Père, qui n’écoutait jamais de musique, serait cet hymne magnifique au martyre de Jésus. Victoire est songeuse, elle n’a jamais été initiée à l’art, la culture ou la musique par le Père. Comme si la guerre d’Algérie avait occulté tout autre centre d’intérêt. Mais elle avait pris l’habitude d’aller errer au Louvre pour s’imprégner d’une infinie beauté ».

Pas de larmes est le roman d’un père, le Père disparu et donc retrouvé, sa stature, son élégance, ses mots, son histoire tumultueuse, irriguent ce roman, qui est aussi celui d’une terre aimée, qu’il a fallu quitter : l’Algérie. Ce roman est aussi l’histoire de Victoire, la fille aînée et préférée du Père, qui sera chargée de ramener ses cendres sur cette terre, qu’il a tant aimée. Pas de larmes nous conduit ainsi sur les traces d’une famille, dont le destin s’est étiré, jusqu’à casser, une famille éloignée de la guerre, qui va submerger l’Algérie, et l’irriguer de nostalgie.

Derborence, Charles-Ferdinand Ramuz (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 09 Avril 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset, Cette semaine

Derborence, Charles-Ferdinand Ramuz, Les Cahiers rouges Grasset, 180 pages, 7,95 € . Ecrivain(s): Charles Ferdinand Ramuz Edition: Grasset

 

C’est la montagne qui est tombée.

Et c’est l’ordre du monde, extérieur et intérieur, qui est changé à jamais. Les géologues diront que cent cinquante millions de pieds cubes se sont détachés de la montagne pour s’effondrer sur Derborence. Mais ça, ce ne sont que des pierres qui tombent, une force prodigieuse qui écrase tout ce qui entrave sa course, un phénomène physique obéissant à la loi de la gravitation universelle. Ça tue, enferme, mutile mais ce n’est pas le pire. Le pire est malédiction, réveil des forces du Mal. Ramuz nous a déjà entretenu du Mal tapi dans la montagne avec sa Grande Peur. Il est encore là, Lui, le Diable sûrement. Celui qui tue et enferme les âmes pour les condamner à la souffrance éternelle.

La Ligne, Aharon Appelfeld (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 01 Avril 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil), Israël, Cette semaine

La Ligne, Aharon Appelfeld, Editions de L’Olivier, mars 2025, trad. hébreu, Valérie Zenatti, 172 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Erwin Ervin, c’est le prénom du personnage principal du livre, et le vrai prénom de l’auteur.

A bord de trains improbables, Erwin emprunte année après année le même circuit.

Quel est son métier, son emploi, sa quête ? Qui sont ses « associés », ses « collaborateurs » qui sont avec lui de loin ? Qui sont ses « concurrents » ? Quelles affaires se trament tout au long de ce parcours, toujours le même, qu’il refait, partant toujours le même jour de l’année ?

Des gares où presque tout a commencé : « C’est dans cette gare reculée que les Allemands nous ont conduits et abandonnés. (…) Mon étrange vie a commencé ce matin-là, et il me semble parfois que tout est figé dans ce matin. La mort comme la résurrection y sont ternes. Personne n’avait exprimé de joie. Tout le monde était pétrifié » (p.16).

L’Amant de Lady Chatterley et autres romans, D.H. Lawrence, Bibliothèque de la Pléiade (par Luc-André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mardi, 25 Mars 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La Pléiade Gallimard, Cette semaine

L’Amant de Lady Chatterley et autres romans, D.H. Lawrence, Bibliothèque de la Pléiade, Éditions Gallimard, 2024, 1281 pages, 76 € . Ecrivain(s): D. H. Lawrence Edition: La Pléiade Gallimard

 

David Herbert Lawrence (1885-1930) fait partie de ces écrivains dont un seul titre masque l’ensemble de l’œuvre. En l’occurrence, L’Amant de Lady Chatterley, sa célébrité de scandale, sa condamnation, les polémiques et les malentendus émis à son sujet ont entravé non seulement la bonne lecture du roman, qui ne sera disponible intégralement que trente ans après sa première publication en 1928, mais aussi la connaissance du reste des écrits de Lawrence, qui est considérable. Poèmes, romans, récits, essais, articles, correspondance, c’est en vérité au « continent Lawrence » que l’on a affaire et que la « Cambridge Edition » lancée en 1980 a peu à peu révélé au prix d’un travail titanesque (40 volumes en 2018).

L’entrée aujourd’hui de Lawrence dans la Bibliothèque de la Pléiade, aux éditions Gallimard, avec tout l’appareil critique qui lui est propre, après celle de James Joyce et de Virginia Woolf, ses contemporains, donne ainsi l’occasion pour le public français de le lire vraiment et peut-être, finalement, de le découvrir ou redécouvrir.

Portrait de l’artiste en jeune chien (Portrait of the Artist as a Young Dog, 1947), Dylan Thomas (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Mars 2025. , dans En Vitrine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Points, Cette semaine

Portrait de l’artiste en jeune chien (Portrait of the Artist as a Young Dog, 1947), Dylan Thomas, Points Signatures, 2013, trad. anglais, Francis Dufau-Labeyrie, 220 pages, 8,40 € Edition: Points

 

Le titre annonce la couleur : en 1916, James Joyce publiait A Portrait of the Artist as a Young Man (Portrait de l’artiste en jeune homme), roman autobiographique. En 1940, Dylan Thomas lui emboîte le pas, mais à sa façon. Comme son aîné irlandais, le jeune chien gallois entreprend ici un récit autobiographique de ses jeunes années, mais il le fait sous la forme rare d’un recueil de nouvelles, épisodes de sa jeunesse. Hommage au maître de Dublin et pied-de-nez à ses panégyristes patentés.

Chaque nouvelle raconte un moment bref de la jeunesse de l’auteur. On est loin du flux de conscience joycien : ici, la narration est extérieure, Thomas – parfois narrateur parfois acteur – reste toujours dans un regard de témoin des épisodes de sa jeune vie. Et chaque épisode est une source vive, un moment d’arrêt sur les personnages, les faits, les émotions, les folies qui, plus tard, nourriront les poèmes brûlants du barde gallois.