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Ecriture

A hauteur d’enfant (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 24 Juin 2021. , dans Ecriture, La Une CED

 

Peut-être que ça commencerait comme cela. Un matin. Le vent viendrait du Nord, un merle se poserait sur le rebord de la fenêtre d’une école Montessori. Gazouillis et trilles. À proximité, un parc. Gaby.

Gaby arrive à huit heures et demie, voire davantage. Sa mère est encore en retard. Sa mère est essoufflée. Gaby ne pleure pas, ne pleure plus maintenant quand sa mère repart. Sa mère devant l’entrée de l’école. Sa mère derrière la grille qui n’est déjà plus derrière. Une grille qui grince. Devant l’éducatrice, dire Bonjour, c’est ainsi qu’elle s’appelle la dame qui s’occupe des vingt-six autres enfants arrivés avant huit heures et demie. Vingt-sept enfants âgés de trois à six ans. L’assistante, c’est la deuxième dame qui aide la première dans l’ambiance et l’ambiance c’est le nom de la salle de classe de Gaby.

Sur une nouvelle de Julio Cortázar (par Patrick Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Mercredi, 09 Juin 2021. , dans Ecriture, La Une CED

« L’écriture est une science où l’on ne sait jamais de quoi l’on parle ni si ce qu’on dit est vrai »

Jean Ristat, Du coup d’Etat en littérature (1970)

1) Tu n’es ni argentin ni uruguayen ; tu n’es pas né à l’embouchure du Rio de la Plata ; tu ne te targues d’aucune ascendance gaucho. Mais tu lis L’Autre ciel, de Julio Cortázar.

2) Dans L’Autre ciel, il est question de passages. Tu aimes les passages (une de tes tantes habitait rue de Choiseul, dans ton enfance, avant de déménager à Vincennes) ou de façon plus précise la littérature des passages : Baudelaire revu par Benjamin, Céline, Aragon, Julien Green. Tout passage est un hétérotope ; dans tout passage, nous changeons d’échelle, de climat, de ciel. Syntagmes de la flânerie : vitrines ; enseignes ; marquises ; café ; petit théâtre à l’étage ; heureux détours ; rôdeurs-apaches aux yeux gris-vert ; cartes et estampes ; constellation des voûtes ; miroir qui renvoie, narquois, à quelqu’un d’autre que soi-même. On n’échappe pas au monde marchand dans un passage ; mais la marchandise s’y trouve (chargée d’ombre ou lavée de lumière pluvieuse ; dépistée dans un couloir, en haut d’un escalier ; dissimulée dans une arrière-boutique) comme repolie, réagencée, réinventée avec subtilité. Tu regrettes que l’ère des passages soit, sinon dans une logique touristique, révolue.

En pâture (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Mardi, 11 Mai 2021. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

Tempête entêtante,

Crâne Têtard bâtit

Son rêve au châssis

Brûlant d’un août âcre ;

 

En mâche l’arôme,

Se pâme en frôlant

L’enchaînement des trônes,

Sûr qu’il les côtoiera.

 

L’honnête hôte tantôt,

Mû par des rênes fraîches,

Tâtonne et dîne et fête ;

Se hâte d’être prêt.

Sans gouache, à grands traits (par Isabelle Morino)

Ecrit par Isabelle Morino , le Jeudi, 18 Mars 2021. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

A la mémoire de R. M.

Moi thé au lait

Toi soupe au lait

Peu souple en Tea

Time d’Anglais

Ou dans les angles

A raboter

Mais Tendre veille

Douce rigueur

A verser dans

L’urgent réci

Pient de mes soifs

Un clair nuage.

Sa plus belle rencontre avait été un arbre (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Mercredi, 10 Mars 2021. , dans Ecriture, La Une CED

 

Françoise était née le 4 mai. Elle était morte le 24 décembre. Entre ces deux dates, elle avait vécu. Au Liban, en Syrie, au Maroc, au Sénégal, en Angleterre, en Espagne, en Italie. En France. En noir et blanc. Des milliers de photographies en désordre, dont les bords étaient dentelés, parfois tranchants, assez petites pour entrer toutes dans un coffret en marqueterie daté des années 50, tellement minuscules que je devais les regarder à la loupe. Des centaines de portraits sous la doublure du couvercle, autant de mosaïques décoratives, de pièces de bois d’ébène et de myrte, d’écaille et de nacre sur lesquelles je passais mes mains pour leur fermer les yeux. Nos ancêtres et nos descendants. Et quelques amis que la légende familiale célébrait. Des répliques.

Cinquante ans avant de mourir, les gènes de Françoise avaient sauté de son corps au mien, enjambant deux générations. Ses deux filles. Françoise était ma grand-mère. Son gène récessif de l’iris bleu dans les miens. Françoise m’avait transmis la vie par sa fille aînée. Et la promesse de sa longévité.