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Ecriture

Chemin de bois près des cabanes - Trois variations sur une plage

Ecrit par Clément G. Second , le Mardi, 17 Mars 2015. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

À Olivier Rouquette, pour sa photo

Chemin de bois près des cabanes

Trois variations sur une plage

Mini-nouvelles de 150 mots

 

1

La nuit est tombée sur la plage. C’est le début de l’automne, il fait à peine frais. Le long des cabanes closes le chemin de planches est désert. Il a plu ; la lune qui joue avec les nuages projette ses reflets changeants sur le bois. Une silhouette frêle mais décidée s’approche. Une adolescente. S’étant assurée d’être seule, elle se déchausse et danse sur les planches. Danse on ne sait quoi. Elle danse de tout son corps, de tous ses gestes, de toute sa joie. Elle semble faire offrande du mouvement qui l’anime. La mer un peu plus loin, en ressac au pied des galets, rêve tout bas. La jeune fille danse. Le vent se rapproche, veut l’entourer ; elle s’en dégage. Elle danse. Aux balcons du ciel, des étoiles penchées lui lancent des clignotements. Elle danse encore longtemps, longtemps. À la fin, sa révérence rencontre l’assentiment recueilli du silence.

Les foies

Ecrit par Sylvain Gau-Gervais , le Mercredi, 11 Mars 2015. , dans Ecriture, Création poétique, La Une CED

 

 

 

 

Nous sommes faits de morts. De pères morts, de dabes

par contradiction, ces mais exquis comme mets,

ces incorporations de dépouilles, kebabs,

idées, étcé. Vivre : crever lentement et

tout le long d’abîmes abscons

que l’on s’échine à ne pas voir

comme ils sont. Nous ne sommes bons

qu’à nous illusionner. À boire

de tout le mirage de ne pas voir, louiah !

Le Jardin de derrière (15) Où, comme les poissons morts, de vieilles affaires remontent à la surface

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 10 Mars 2015. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

– Vous êtes sûre vous n’exagérez pas un peu ?

– Monsieur le maire !

Sylvie René était outrée. Le maire soupira, passa ses deux mains dans ses cheveux rares, remonta ses lunettes d’un froncement de nez embarrassé.

– Un fusil est un fusil, quand même.

Elle montrait l’objet posé sur le bureau du maire.

– … vous avez beau dire…

Le maire ne disait rien.

– … il est peut-être rouillé, mais c’est une arme que je sache. Jérémie m’a dit qu’il y en avait plein d’autres dans la cabane. Une cabane pleine d’armes, à deux pas du village…

– Possible que…

Un désir de quel genre ?

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 06 Mars 2015. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

Jeudi, quatorze heures.

De cette place devenue mienne, mon regard pénétrant me déclare. Le sien répond invariablement, depuis quatre mois, d’une indifférence polie adressée équitablement à toute l’assistance.

Ces prunelles vibrantes d’intelligence sont-elles donc hermétiques au jeu de la séduction ? Ces paupières ne cèdent-elles jamais ? Mais à force de revenir m’asseoir à cette même place, me déclarer, peut-être…

Le secret de mon désir m’épargne, entre autres, les objections de bon sens qui ne manqueraient pas de venir à ma rescousse si je me confiais à quiconque. Mais je méprise tout aveu fait à d’autres qu’à l’objet de mes vœux.

« Je te désire » – et ce tutoiement serait ma première caresse – lui soufflerais-je dans une circonstance que mon imagination n’a pas encore forgée. Mes bras l’enserreraient, pour me blottir ou embrasser, qu’importe la distribution des rôles tant que ceux-ci n’acquièrent pas trop de réalisme.

Le Jardin de derrière (14) Où l’on visite la maison de Mme Chaussas et quelques autres lieux

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 05 Mars 2015. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

Des rez-de-chaussée qui se transforment en premier étage de l’autre côté de la maison, des jardins suspendus, des dénivelés brusques, des rues tortueuses qui montent pour descendre et descendent pour monter, un village à flanc de colline, qui déboule sur les champs, et s’arrête juste au moment de s’y précipiter. Un village silencieux, plein de coins et de recoins, au sol troué comme un gruyère.

Là, c’est le jardin de Mme Chaussas. Une jolie allée de gravier mène à la maison. Devant la porte, elle se divise, fait le tour, vagabonde un peu dans l’herbe. La pelouse est bien soignée, les bosquets joliment arrondis. Derrière l’un d’eux, un siège, de l’autre côté, le muret. On se penche : le muret devient un mur, en contrebas une cour bétonnée avec un pauvre arbre tout étiolé par le manque de soleil. La maison où il s’adosse est assez laide, la façade de béton gris assez morne avec ses fenêtres basses. Dans un coin de la cour, un autre cube de béton, plus loin une échelle, on grimpe : c’est le bief, un peu plus haut par rapport au jardin de Mme Chaussas, une autre échelle, on refranchit le mur, on parcourt à nouveau l’allée : on est sous la marquise, devant la porte de la vieille dame, on sonnerait presque, mais personne.