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Ecriture

Un désir de quel genre ?

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 06 Mars 2015. , dans Ecriture, Nouvelles, La Une CED

 

Jeudi, quatorze heures.

De cette place devenue mienne, mon regard pénétrant me déclare. Le sien répond invariablement, depuis quatre mois, d’une indifférence polie adressée équitablement à toute l’assistance.

Ces prunelles vibrantes d’intelligence sont-elles donc hermétiques au jeu de la séduction ? Ces paupières ne cèdent-elles jamais ? Mais à force de revenir m’asseoir à cette même place, me déclarer, peut-être…

Le secret de mon désir m’épargne, entre autres, les objections de bon sens qui ne manqueraient pas de venir à ma rescousse si je me confiais à quiconque. Mais je méprise tout aveu fait à d’autres qu’à l’objet de mes vœux.

« Je te désire » – et ce tutoiement serait ma première caresse – lui soufflerais-je dans une circonstance que mon imagination n’a pas encore forgée. Mes bras l’enserreraient, pour me blottir ou embrasser, qu’importe la distribution des rôles tant que ceux-ci n’acquièrent pas trop de réalisme.

Le Jardin de derrière (14) Où l’on visite la maison de Mme Chaussas et quelques autres lieux

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 05 Mars 2015. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

Des rez-de-chaussée qui se transforment en premier étage de l’autre côté de la maison, des jardins suspendus, des dénivelés brusques, des rues tortueuses qui montent pour descendre et descendent pour monter, un village à flanc de colline, qui déboule sur les champs, et s’arrête juste au moment de s’y précipiter. Un village silencieux, plein de coins et de recoins, au sol troué comme un gruyère.

Là, c’est le jardin de Mme Chaussas. Une jolie allée de gravier mène à la maison. Devant la porte, elle se divise, fait le tour, vagabonde un peu dans l’herbe. La pelouse est bien soignée, les bosquets joliment arrondis. Derrière l’un d’eux, un siège, de l’autre côté, le muret. On se penche : le muret devient un mur, en contrebas une cour bétonnée avec un pauvre arbre tout étiolé par le manque de soleil. La maison où il s’adosse est assez laide, la façade de béton gris assez morne avec ses fenêtres basses. Dans un coin de la cour, un autre cube de béton, plus loin une échelle, on grimpe : c’est le bief, un peu plus haut par rapport au jardin de Mme Chaussas, une autre échelle, on refranchit le mur, on parcourt à nouveau l’allée : on est sous la marquise, devant la porte de la vieille dame, on sonnerait presque, mais personne.

Le Jardin de derrière (13) - Où certains rampent et d’autres courent

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 26 Février 2015. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

– Allô ?

– Allô ?

– C’est moi.

– Tu ne dois pas m’appeler à ce numéro. Raccroche.

– Ils ont vu quelque chose.

– Qui ?

– Les gamins.

– Qu’est-ce que tu veux qu’ils aient vu ? Il n’y a rien à voir.

– Si, bien sûr que si.

– (soupir)

– Tu ne me crois pas ? Tu crois qu’il ne se passe rien ? Alors que c’est là, sous ton nez !

Le Jardin de derrière (12) - Où le maire intervient. Louise aussi

Ecrit par Ivanne Rialland , le Vendredi, 20 Février 2015. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

 

Hélène et Georges s’étaient réveillés très tôt le lundi matin. Ils avaient ouvert la porte du balcon malgré la fraîcheur matinale et seuls, l’un à côté de l’autre dans la cuisine encore sombre, ils buvaient leur café, un peu frissonnants. Le regard posé sur les collines encore noyées de brume, Hélène lui demanda alors : « Tu souhaites vraiment t’installer ici ? » Georges hésita à répondre. Hélène tourna la tête vers lui. Il lut dans ses yeux un acquiescement et ainsi, finalement, il put dire : « Oui ». Hélène ne répondit pas. Elle semblait sereine. Ils continuèrent à boire leur café en sentant la brise du matin sur leur visage. Il ne lui demanda pas si elle viendrait vivre ici. Elle ne lui demanda pas s’il allait chercher du travail. Ils se firent grâce, à cet instant, s’accordant non pas une trêve, ni même un sursis, mais une parenthèse, qui dans l’air frais allégeait soudain toute chose.

Le Jardin de derrière (11) - Où un archange descend du train

Ecrit par Ivanne Rialland , le Jeudi, 12 Février 2015. , dans Ecriture, Ecrits suivis, La Une CED

 

« Faut aller chercher Tristan », proclama Pierre en déboulant dans la chambre de son père à 9 heures du matin. Georges était au téléphone avec sa femme, qui lui annonçait son arrivée pour 11 heures. Il entendait le brouhaha de la gare où se noyaient les paroles d’Hélène, et plaquait le téléphone contre son oreille. Il fit un geste d’impatience en direction de Pierre, répétant : « 11 heures ? Où ça ? Le seul train ? Oui, c’est noté. Oui ! » Quand il raccrocha, il entendit Pierre remuer bruyamment de la vaisselle dans la cuisine. Il mit un certain temps à réaliser qu’il ne connaissait aucun Tristan, qu’il n’en attendait donc pas, et de ce fait n’irait chercher personne, si ce n’est sa femme, à 11 heures, à la gare TGV de Montbard.

Son fils, dans la cuisine, était en train de remplir la cafetière d’eau, et avait posé en vrac des couverts et trois bols sur la table.