Identification

Les Chroniques

Salut à André Malraux (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Samedi, 30 Juin 2012. , dans Les Chroniques, La Une CED

La lecture de Malraux n’est guère à la mode. Ce n’est pas à l’honneur des temps présents.

A priori on n’avait rien en commun, ni la génération, ni les choix politiques ultimes, ni le flou théorique qui semble surnager d’une vie, et d’une œuvre, uniques en leur genre. C’est-à-dire que, la reconnaissance de son lieu, il va s’agir de l’entendre en termes de salut symbolique, n’y participant pas idéologiquement. C’est de ne pas en être qu’on ne le jugera pas, mais qu’on fera signe ici, signe écrit, qu’on l’a reconnu tenir son discours dans ce lieu particulier et précieux de la jonction entre nature humaine et culture. Ce lieu qu’on nomme progrès, malgré les régressions particulières qu’il dissimule souvent, ou civilisation. Signe de reconnaissance donc à André Malraux.

Ecrivain français. 1901-1976. Bon. Mais qui Malraux ? Celui dont il se dit, avec insistance, qu’il était « engagé » ? L’engagement ça fait équivoque. C’est suspect, et à juste titre. On soupçonne « l’engagé » de ne s’engager qu’à trouver accueil à son symptôme. S’en-gager, ou se donner en gage de sa propre bonne volonté, comme signifiant destiné à se dédommager de l’angoisse de vivre, et de mourir ; et de sa culpabilité. S’engager dans la cage aux fauves ou s’enCager. Du moment que c’est avec du monde, ça fait sens, dans un quadrille universel, ou une escadrille « internationale ». Bonne conscience pas trop chère, les « affreux » en font autant, contre monnaie sonnante et trébuchante.

Décoloniser le corps, la langue et la mer

Ecrit par Kamel Daoud , le Vendredi, 29 Juin 2012. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

C’est peut-être face à la mer que l’on ressent le mieux cet enfermement de l’histoire algérienne dans les interdits immédiats du corps et ses libertés non retrouvées même après le départ du dernier colon en date. Une intuition trouble, encore floue, difficile à exprimer : celle d’une identité encore plus vaste que les polémiques immédiates, qui enjambe les colonisations, pas pour les nier mais pour dire qu’elles sont aussi mon histoire. Et cela vous revient d’un coup ce qu’est être algérien, face à l’unique trace vivante de notre patrimoine : la Méditerranée. Pas n’importe quelle mer, mais celle-là justement. Et c’est face à celle-là que, brusquement, on réalise que rien ne nous oblige à vivre l’histoire du pays comme simplement une histoire de violences auxquelles répondent des cycles de rejets et des saisons d’armes ou de dénis. D’un coup, on réalise que les immeubles coloniaux, la parenthèse française n’est pas quelque chose qui est venue « totalement d’ailleurs », mais que « c’est à moi aussi », dans l’ordre de mon histoire et du matrimoine. Les immeubles, les architectures, les places publiques, les églises restantes, les synagogues effacées et les noms des rues et la vigne. Elles ne sont « pas françaises », mais aussi « à moi », partie de mon histoire. La colonisation comme la décolonisation sont des actes, les miens, que j’ai subis ou assurés et que j’assume aussi.

La mère Michel a lu (11) - Eros émerveillé

Ecrit par Michel Host , le Mardi, 26 Juin 2012. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

ÉROS ÉMERVEILLÉ

Anthologie de la poésie érotique française

Édition de Zéno Bianu, nrf,  Poésie / Gallimard, 628 pp., volume 472 de la coll. Poésie, 2012  (prix non indiqué).

 

ÉROS PAR MONTS ET PAR MOTS

 

Notre imagination nous porterait volontiers à penser que le dieu de l’Amour naquit des débordements d’Aphrodite et de Zeus peut-être, ou d’Hermès… Les mythes tardifs nous le feraient croire. La vérité pourtant, Pierre Grimal nous la rappelle, c’est qu’Éros est de la mince troupe des dieux les plus anciens, ou primitifs, venus en droite ligne du Chaos premier, des entrailles de Gaïa, des bourses de Cronos sans doute, quand du moins il en avait encore l’entière jouissance…

Souffles - Mémoricide ou autodafé à Alger !

Ecrit par Amin Zaoui , le Samedi, 23 Juin 2012. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Aujourd’hui, le 7 juin 2012, je réveille  Mahmoud Bouayad et Jean Sénac de leur sommeil, de leur quiétude éternelle. Cinquante ans, jour pour jour, depuis l’incendie de la Bibliothèque universitaire d’Alger ! Ce jour du 7 juin 1962, à 12 heures 27 minutes, la prestigieuse  Bibliothèque universitaire d’Alger a été incendiée. Une opération de “purification culturelle” est déclenchée. L’OAS (Organisation de l’armée secrète) ne cherchait pas à jeter le pays dans un bain de sang, mais à mettre le feu dans les espaces du "livre", symbole de la lumière! De la politique de la terre brûlée à une autre semblable, jumelle, celle des livres brûlés. Il n’y a pas d’application de la politique de la terre brulée sans l’application, d’abord et avant tout, de celle pratiquée à l’encontre des bibliothèques brûlées. Cet acte criminel livresque et intellectuel est défini comme un "autodafé" ! Il existe une guerre féroce appelée “la guerre contre les bibliothèques”. Des guerres préméditées et programmées à l’avance mais souvent oubliées ou minimisées ! Qui parmi nous n’a pas lu quelques détails sur la destruction de la bibliothèque de Baghdad, Cité de Beyt el-Hikma, où les manuscrits furent noyés dans l'Euphrate et le Tigre, et l’eau des deux fleuves s’est métamorphosée, selon des historiens, en fluide  noire à cause de l’encre des millions d’ouvrages ? Qui parmi nous n’a pas lu quelques histoires sur les atrocités de l’incendie et de la dévastation de la bibliothèque d’Alexandrie ? L’histoire retient les actes abjects des Allemands avec la bibliothèque belge de Louvain en 1914, Milosevic avec les bibliothèques de la Bosnie… l’histoire c’est aussi un grand incendie de livres !

L'âme de Baudelaire ?

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 07 Juin 2012. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

La chose est étonnante. Charles Baudelaire, reconnu à peu près universellement comme le plus grand poète de langue française (dans tous les cas l'un des plus grands), n'est pas un personnage qui suscite une sympathie spontanée. Définitivement. Il n’exerce, hors la beauté sublime de ses vers, aucune séduction, y compris sur la foule de ses admirateurs les plus passionnés. Au contraire, toute une troupe de grands poètes et écrivains français attire notre compassion, notre fascination, notre amour, un culte parfois, souvent en dépit de personnalités discutables.

François Villon, mauvais garçon, voyou sorbonnard, ivrogne, voleur, probablement même assassin, sûrement pendu par décision de justice. Pas de problème, on l'aime éperdument !

Jean-Jacques Rousseau, ombrageux, mauvais père, menteur, on lui pardonne tout !

Arthur Rimbaud, cynique, hautain, déloyal, violent. On l'adore !

Victor Hugo, orgueilleux, coléreux, méprisant avec ses confrères. On le vénère !