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Les Chroniques

Rapatrier un jour les cendres de Camus ?

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 19 Novembre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Faudra-t-il un jour rapatrier les cendres d’Albert Camus ? Pour le moment, il est dit qu’il n’est pas algérien. Pourtant né en Algérie. Avec des livres éclairés par les paysages algériens, la terre d’ici, la lumière, le sel aussi et surtout. La raison est, dit-on, son choix de ne pas prendre les armes, c’est-à-dire de ne pas être du bon côté. Car, pour le moment, l’histoire algérienne est réduite à la mesure de l’histoire du FLN. « Avant » ou « pendant » il n’y avait rien ou que de la traîtrise et de la tiédeur.

Le verdict frappe de nullité la grandeur d’Albert Camus ou l’engagement profond et indépassable de Messali Hadj. Et cette histoire d’une guerre et d’un combat est dure, stricte, tranchée par la mort et la vie et ne permet pas encore de voir au-delà. Mais viendra un jour où, pour continuer à vivre, ce pays cherchera la vie plus loin, plus haut, plus profond que sa guerre. On devra alors proclamer nôtres les anciennes histoires, toutes nos histoires et s’enrichir en nous appropriant Camus aussi, l’histoire de Rome, de la chrétienté de l’Espagne, des « Arabes » et des autres qui sont venus, ont vu ou sont restés.

Ekphrasis 9 - Taksim Taksi

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 18 Novembre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

A nos voyageurs d’Orient, à mon amie Pascale

 

Il ne reste à la surface de la grande place que les traces de la peinture policière, rageuse, violemment grise. Tous les mots rebelles ont été effacés. Juin de Taksim. Sur la porte du consulat de France, encore un « Nique ta mère et Vinci dehors ». Les feuilles sont mortes, desséchées dans le petit parc de Gezi. Les petites voitures ambulantes rouges des vendeurs de castana s’éclairent le soir. Les hommes, les femmes, les enfants marchent, traversent l’espace nu autour du petit monument commémoratif. Le groupe des hommes en armes, sculptés, du héros à la toque en astrakan, de la mère cachant son petit enfant dans son voile, assise à leurs pieds, semble batailler, avancer vers la jeune république turque. Marchands de fleurs, cireurs de chaussures et les camions de l’ordre public arrêtés, garés pour monter la garde. POLIS. La pâtisserie MADO n’a pas protégé les manifestants en les accueillant au printemps.

Au risque de Millet…

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 14 Novembre 2013. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

C’est sans doute l’arrivée massive de commentaires vindicatifs au bas de mes critiques sur les livres de Richard Millet, et la difficulté de répondre en utilisant les miettes conformes au discours-FB qui m’engage dans cette chronique / réflexion.

Que dit-on ? Un écrivain, certes et de grande pointure, mais, « dans le paquet », un homme avec qui il est vraiment difficile de partager « la moindre » valeur, sauf, évidemment, l’amour de la littérature et de la langue… c’est ce qui est dit. C’est ce que je pense aussi. Mais il y a de ci, de là, un son différent, celui d’un rejet total et visiblement non négociable de ceux qui « recrachent » et disent : « pas une seule ligne de ce type ne sera jamais lue par moi »… Respectable, mais, comme on dit dans la langue FB justement : – je ne partage pas. Pour autant, ça m’interroge, ça me titille assez pour que la lectrice que je suis se retourne vers son « moi littéraire ». J’aime Millet, pourquoi, comment ? Itinéraire, avec un « s », s’il vous plaît !

L’œuvre de Marguerite Duras

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 13 Novembre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Entrez, entrez encore une fois dans l’œuvre de Marguerite Duras.

Par n’importe quelle porte.

Entrez-y.

Maintenant je vous laisse.

Vous ne voulez pas ?

Alors je vais parler. Non, pas parler : murmurer. Inventorier ce que je touche dans l’œuvre au fur et à mesure que mes mains le touchent. Inventorier comme un enfant compte avant de partir chercher celui qui s’est caché ; comme nous comptons dans la vie avant de vérifier que les êtres que nous aimons sont toujours là, et, quand ils ne sont plus là, avant de les débusquer dans leur silence comme s’ils se tenaient, immobiles et avec leur taille et corpulence d’enfant, derrière un arbre pour jouer ; mais ce n’est pas pour jouer et nous le comprenons tout de suite et ça nous fait peur vraiment peur.

La mère Michel a lu (17)

Ecrit par Michel Host , le Mardi, 12 Novembre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

La Mère Michel n’a jamais perdu son chat. Elle le tient attaché, ne le lâche pas de l’œil. Le félin est un livre, il n’a pas d’âge. D’hier, d’aujourd’hui, de toujours, il miaule derrière la porte.

 

L’Esprit des Lettres, recueil d’articles, vol. I (1948-1952), vol. II (1952-1965), Jacques Laurent, Éditions de Fallois, préfaces de Christophe Mercier, respectivement 415 et 390 pp., 22 € chaque volume

 

L’intelligence et le rire du temps de Jacques Laurent

« J’ai l’orgueil de penser qu’une partie de mon œuvre, si notre civilisation dure, passera le cap des décennies et peut-être des siècles. Si j’ai très peu de vanité dans ma vie terrestre – je n’en ai aucune –, j’ai un orgueil non pas pour moi, mais pour mon œuvre. J’aime ce que je fais. Mon œuvre est un ami, auquel je souhaite une vie éternelle », Jacques Laurent, Entretien (vers 1970)