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Amérique Latine

Puerto Apache, Juan Martini

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 21 Novembre 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Asphalte éditions

Puerto Apache, traduit de l’espagnol (Argentine) Julie Alfonsi et Aurélie Bartolo, octobre 2015. 224 p., 21 €. . Ecrivain(s): Juan Martini Edition: Asphalte éditions

Puerto Apache est un polar social, trempé dans un humour noir et amer sur des airs de cumbia, qui à travers le récit d’un seul narrateur, aborde le quotidien d’un des bidonvilles autogérés de Buenos Aires. Bâti sur une ancienne friche industrielle sur la rive du río de la Plata, c’est un des lieux où ont atterri bon nombre de personnes pendant la crise monumentale qui a frappé l’Argentine, au début des années 2000. Des exclus porteurs d’un élan malgré tout, qui espéraient donner à ce lieu une forme de dignité.

Et celui qui raconte, c’est Le Rat.

Le Rat, c’est le fils du Vieux, celui qui tient les rênes de Puerto Apache, qui fait marcher la boutique… Les filles surtout. Comme tout lieu à la marge, faut bien se débrouiller, car même si les habitants s’autoproclament comme « un problème du XXIe siècle », ils savent bien que ce n’est pas de l’extérieur qu’il va se résoudre ce problème. Alors tout le monde se débrouille et la débrouille ça finit souvent par tremper dans la magouille, on fait un peu de rapine, des petits trafics, des petits boulots, comme faire passer des messages chiffrés, juste des chiffres, c’est ce que fait le Rat pour le Pélican, un caïd de la ville. Ça paye un peu et le Rat ne se pose pas trop de questions, rien de mal, juste délivrer des chiffres, jusqu’au soir où trois hommes déboulent chez lui et l’embarquent pour un passage à tabac conséquent et incompréhensible.

L’Ouzbek muet et autres histoires clandestines, Luis Sepulveda

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 22 Octobre 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Métailié

L’Ouzbek muet et autres histoires clandestines, avril 2015, 133 pages, 16 € . Ecrivain(s): Luis Sepulveda Edition: Métailié

 

L’Ouzbek muet constitue le titre de l’une des nouvelles de cet opus avec, comme dans les autres histoires clandestines qui le composent, pour toile de fond les années 1960 où la politique occupait une place prépondérante, au Chili et dans les pays environnants, où la jeunesse partageait « le beau rêve/d’être jeunes sans en demander la permission » (dédicace de la première nouvelle de ce recueil, Le soldat Tchapaïev à Santiago du Chili). Une jeunesse militante – camarades des Jeunesses Communistes du Chili, de la Fédération des Jeunes Socialistes – en lutte dans une révolution ardente contre l’impérialisme américain, la montée du libéralisme capitaliste.

Originaire du Chili, Luis Sepύlveda connaît le décor de ces histoires émouvantes qu’il met en intrigue, et le charme de ce recueil tient à ce que l’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amour, de Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, de La Folie de Pinochet, entre autres, nous rapporte ici des récits de vie teintés parfois d’une drôlerie décalée par rapport à la gravité et l’extrême dangerosité des faits, avec une tendresse délicate et touchante. Récits de vie rapportés par l’intermédiaire de témoins, par le truchement de témoignages oraux, retranscrits souvent près d’un demi-siècle plus tard.

Connaître et apprécier, Guillermo De La Roca

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 03 Octobre 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

Connaître et apprécier, PhB éditions, Chroniques du ça et du là, 2013, 160 pages . Ecrivain(s): Guillermo De La Roca

 

Né en 1929 en Argentine, Guillermo de La Roca est peut-être plus connu comme musicien que comme écrivain, du moins pour ceux qui s’intéressent à la musique andine qu’il pratique et qui l’a amené à jouer avec quelques groupes de renommée (Los Calchakis, par exemple).

Ce recueil de nouvelles, dont le titre, Connaître et apprécier, semble un programme, a été publié en 2013 par les éditions PhB et nous permet de découvrir un écrivain méconnu, pour ne pas dire inconnu, qui mérite que l’on porte plus d’attention à son travail. Au fil des 16 nouvelles du recueil, nous découvrons en effet une voix qui sait jouer d’une ironie séduisante au travers des territoires de l’imaginaire, des mythes et des croyances, de la rationalité. On craint parfois de glisser dans un registre et une sensibilité « new age » dont on peut penser qu’elle est « hors d’âge », pour ne pas dire suspecte, mais non. Ce qui se déploie au fil des pages est d’un autre ordre.

Restos humanos, Jordi Soler

Ecrit par Cathy Garcia , le Vendredi, 18 Septembre 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

Restos humanos, mars 2015, traduit de l’espagnol (Mexique) par Jean-Marie Saint-Lu, 170 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Jordi Soler Edition: Belfond

 

Difficile d’être un saint au Mexique, même si cette étrange vocation nous taraude comme elle taraude Empédocle, fils secret d’un curé licencieux qu’il appelait oncle, de même que son frère cadet, qui lui par contre ne vise pas la sainteté, mais le pouvoir et l’argent comme bien d’autres énergumènes qui garnissent ce roman. Un roman qui trace le portrait sans concession d’une société où la corruption est sans limite et les scrupules aussi volatiles que la vertu et la morale. Ainsi Empédocle, qui dans la vie ne s’est fixé d’autre but que d’aider ses semblables à s’améliorer, usant aussi bien d’inspiration jungienne, que de tarots et tout un méli-mélo new-ageux, aura bien du mal à se tenir à la sienne. Promenant sa sainteté autoproclamée qu’il s’offre de partager avec qui voudra, entre le marché et le bordel local, sa vocation est cependant réelle et affirmée, renforcée par les quolibets, les insultes et les volées de denrées plus ou moins avariées qu’il ne manque pas de recevoir sur son passage. Vêtu de ses sandales et d’une longue tunique blanche, sorte de christ bouffon et improbable au XXIe siècle, il est la risée de la plupart et révéré cependant par quelques bonnes femmes du cru.

Scipion, Pablo Casacuberta (2ème article)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 17 Septembre 2015. , dans Amérique Latine, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

Scipion (Escipión), janvier 2015, traduit de l’espagnol (Uruguay) par François Gaudry, 264 pages, 18 € . Ecrivain(s): Pablo Casacuberta Edition: Métailié

 

Ne vous fiez pas à la couverture qui pourrait laisser supposer un roman noir. S’il y a bien de la noirceur dans ce Scipion, ce n’est pas celle propre au genre. Scipion, c’est l’histoire d’un fils qui s’est toujours senti rejeté, presque méprisé par un père encensé, lui, par les milieux intellectuels. Un père auquel il s’est opposé, auquel il a tenté d’échapper mais qui va irrésistiblement l’attirer à lui par-delà la mort. Un fils que son père historien, admiré pour son œuvre concernant la Rome antique, a prénommé Aníbal ! Aníbal, en référence directe à ce général qui mena ses éléphants à travers les Alpes. Un père prestigieux, honoré, reconnu, le Professeur Brener, qui veut faire son fils à son image. Qui attend de lui de grandes choses, mais seulement celles que lui-même attend. Avec un tel père, l’issue est prévisible : opposition, refus, rejet, rupture… Voilà plusieurs mois que le père est décédé. C’est par hasard que le fils l’a su, et il n’a accès à rien sur l’héritage, uniquement géré par sa sœur. Jusqu’au jour où… la maison paternelle où on lui concède un bref accès… trois boîtes comme seul héritage… un livre incontournable… et une note manuscrite, adressée du père au fils… et le monde d’Aníbal bascule.