Identification

Recensions

Lore, Alexandra Bracken (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 13 Juin 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Lore, Alexandra Bracken, J’Ai Lu/Flammarion, février 2023, trad. anglais (USA) Jean-Baptiste Bernet, 704 pages, 9,90 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

L’idée n’est pas neuve, depuis au moins le Malpertuis de Jean Ray, de faire descendre les dieux de l’Olympe sur Terre ; Alexandra Bracken la perpétue en lui offrant une plus-value guerrière et complotiste : tous les sept ans a lieu l’Agôn. Sept jours durant, neuf dieux majeurs descendent sur Terre, mortels et susceptibles d’être assassinés par un « Chasseur » qui endosse dès lors leurs pouvoirs – enfin, ceux d’un dieu à la fois, le cumul étant impossible. Les « Chasseurs » eux-mêmes appartiennent à neuf lignées héritières de héros mythologiques, chaque lignée défendant « son » dieu et tentant de s’approprier les pouvoirs de l’un ou l’autre dieu. Cette appropriation permet durant sept années de développer des activités tout humaines. Ainsi, qui s’est approprié les pouvoirs et donc l’influence d’Arès sur Terre, a tout intérêt à avoir investi dans l’armement ; quant à Apollon, il facilite grandement les choses du côté de l’industrie pharmaceutique.

Trois cailloux au fossé, Pierre Gondran dit Remoux (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Lundi, 12 Juin 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Cardère éditions

Trois cailloux au fossé, Pierre Gondran dit Remoux, éditions Cardère, janvier 2023, 104 pages, 12 € Edition: Cardère éditions

 

La poésie de Pierre Gondran dit Remoux puise sa source dans l’intimité de l’auteur avec la nature. Le rapport au temps et à la vie est intéressant en ceci que les êtres sont perçus comme étant de passage, au même titre que les feuilles, les pierres, les ruisseaux. Toutes ces composantes du cycle de vie participent au renouvellement de « la chair sans identité », des « organes remaniés », dans une mystérieuse « métamorphose ».

Enfant déjà, le poète trouve refuge parmi les graminées, « au creux d’un chemin creux », près de « l’étang aux joncs », suscitant parfois l’inquiétude ou l’incompréhension maternelle. Il se sent en osmose avec l’écosystème dans son ensemble, de la faune au monde végétal et même minéral.

Aurélie et son secret, Sabine du Faÿ (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Vendredi, 09 Juin 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse

Aurélie et son secret, Sabine du Faÿ, Oskar Éditeur, 2017, 208 pages, 14,95 €

 

Ce roman de Sabine du Faÿ, qui écrit exclusivement à destination de la jeunesse, met en scène une enfant de neuf ans qui se découvre une particularité physique. Ce qui s’annonce comme un événement fantastique (au sens littéraire comme au sens de l’exception) axe rapidement le cours des choses sur l’isolement dans lequel se retrouve Aurélie – isolement qu’elle s’inflige elle-même, en raison de cette découverte qui la déstabilise, isolement dû également à sa personnalité fantasque et rêveuse.

Le roman commence avec la séparation des parents : leurs trois enfants sont alors confiés aux soins des grands-parents, qui habitent « au milieu de la banlieue couleur serpillière » (p.38). Aurélie ne trouve aucun crédit auprès de sa famille, et bien que les mots n’y soient pas, elle se sent dévalorisée par le regard de sa mère, psychologue de métier, hautaine, autoritaire et un tantinet superficielle. C’est donc presque naturellement qu’elle va se tourner vers une voisine de son âge, Émilie ou « Casque d’or », contrainte de vivre sur un fauteuil roulant et de rester chez elle. L’isolement qui est leur quotidien les conduit au développement d’une amitié, non dénuée de bêtises et, parfois, de dangers insensés.

Évohé ! Évohé !, Carmen Pennarun (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mardi, 06 Juin 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Évohé ! Évohé !, Carmen Pennarun, éditions Constellations, février 2023, 82 pages, 12 €

 

Une poésie à la fois profonde et fraîche, des mots « bulles-vert chlorophylle », des « arpèges sensitifs » qui font entrer le lecteur en résonance avec la nature, voici l’univers dans lequel on pénètre en lisant Évohé ! Évohé !, de Carmen Pennarun. Très proche du monde végétal, de la forêt et de « ses gardiens » qui « élèvent de jeunes pousses loin de la sauvagerie humaine », l’auteure se sent portée par une forme de « solidarité sylvestre ». Ainsi considère-t-elle les arbres comme des « témoins silencieux qui filtrent le défilé de la vie », et auxquels elle accorde « la confiance qu’on ne doit qu’aux grands maîtres ».

Et c’est sur les sentiers de la sagesse que la poète avance, partageant généreusement ses mots vecteurs de sérénité, d’acceptation :

« Regarde tomber les fruits que tu n’as pas choisis, accepte tout sans rien trier ».

Elle sait que la patience est indispensable à celui ou celle qui est en quête d’apaisement :

« Hier – une paix s’annonçait que demain attend toujours ».

Aux Îles Kerguelen, Laurent Margantin (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Lundi, 05 Juin 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Voyages, Tarmac Editions

Aux Îles Kerguelen, Laurent Margantin, éditions Tarmac, mars 2023, 142 pages, 16 € Edition: Tarmac Editions

 

« Il pleut trois cent soixante jours par an à Kerguelen. Donc hier il pleuvait. Et aujourd’hui également. Et il y a de fortes chances qu’il pleuve encore demain. Vivrai-je ici une des cinq journées de l’année sans pluie ? En attendant ce jour lointain, ma fenêtre est un mur de pluie, et donc pour le paysage il faudra attendre aussi. Je lis Moby Dick assis à la petite table que j’ai placée face au mur de pluie. Je bois du thé ».

Laurent Margantin a pris le bateau pour prendre le large depuis la Réunion jusqu’aux Îles Kerguelen, l’autre bout du monde pour un écrivain. Laurent Margantin n’est pas parti pour écrire, ou si peu, mais pour lire, il invente dans ce petit livre saisissant une résidence de lecture dans la tourmente – Intensités de la lecture quand on lit la nuit. Il n’y a que le livre – les mots et les phrases se déployant – et soi – ou plutôt sa rêverie. Avec lui dans ses cantines marines, embarquent : Kafka (1), Moby Dick, René de Chateaubriand, Les îles de Jean Grenier, Dostoïevski, Le Tour du monde en 80 jours, Simenon. Comme un écrivain lisant et relisant ses cahiers et ses prémices de roman, Laurent Margantin lit et relit les livres qui l’accompagnent.