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Recensions

Pierre Lapin, Beatrix Potter (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 10 Juin 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

Pierre Lapin, Beatrix Potter, mars 2022, 25 pages, 10,90 € Edition: Gallimard Jeunesse

Un lapin rebelle

Pierre Lapin (Peter Rabbit, 1902), un grand classique inaugurant un cycle de récits de la littérature jeunesse, est réédité par Gallimard Jeunesse dans ce superbe album anniversaire, pour ses 120 ans d’existence, au format 285x232 mm, doté de 32 pages et de gardes in-texte. Beatrix Potter (1866-1943), l’écrivaine britannique, était également naturaliste et dessinatrice. Elle a subi néanmoins l’ostracisme de la communauté scientifique de l’époque qui interdisait aux femmes de se présenter aux colloques. Elle a légué plus de 450 dessins naturalistes à l’Armitt Museum Gallery d’Ambleside.

Les lapineaux représentés par Beatrix Potter portent des prénoms délicieusement charmants : Flopsaut, Trotsaut, Queue-de-Coton, Pierre, et vivent en compagnie de leur mère à l’orée d’un grand bois. Mère lapin met en garde ses quatre lapereaux contre les risques de s’aventurer trop loin hors du terrier et de ses alentours. Une imprudence qui a coûté la vie à leur père lapin, mangé par l’horrible Monsieur MacGregor ! Les sœurs de Pierre sont vêtues de pélerines à boutons de cuivre ou dorés, portant chacune, comme Le Petit Chaperon rouge, des paniers d’osier. Pierre, lui, porte une veste courte à boutons dorés. Or, ce garçon s’avère être un petit lapin désobéissant et rebelle ! Les légumes du potager du vieux jardinier grincheux sont délicieux et Pierre outrepasse les recommandations de sa mère…

Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 08 Juin 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Lente dérive de sa lumière, Arnaud Delcorte, L’Arbre à paroles, mars 2022, 126 pages, 14 €

Selon les saisons mais inversées, le poète décrit au fil de brefs poèmes (entre le quatrain et le septain), le désir nomade de l’autre, de sa lumière, de son corps, de ses gestes.

Le plus japonais des auteurs belges aime glaner les signes de l’amour aux confins des nuits et des « rumeurs vieilles », ceindre « la pourpre du matin », « planer pieds nus dans l’onde ».

La sensualité des approches et des textes – « entre tes mains », « dans les draps », « dans l’arène souterraine » – entretient à coups d’ellipses et de brèves phrases la splendeur des attentes. Vaincre le temps (morsure) et hisser haut la chorégraphie des plaisirs.

Ta peau

Une autoroute de plaisir

Vers les embruns du midi

Un devenir très sérieux pour ma main

Qui pèche encore éblouie

Dans tes tresses arc-en-ciel (p.23)

Le dîner de l’exposition, Michèle Dassas (par Fawaz Hussain)

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mardi, 07 Juin 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Ramsay

Le dîner de l’exposition, Michèle Dassas, 281 p., 19 € Edition: Ramsay

 

D’emblée, tout en douceur, et avec une écriture veloutée, Michèle Dassas situe l’action de son roman dans le temps et l’espace. On est en juillet 1858, à l’aube de la révolution industrielle en Europe et la gare du Nord, telle que nous la connaissons, n’existe que depuis dix ans. Les premiers trains en partent bruyamment, enveloppés d’une épaisse fumée noire, fin prêts pour des pointes de vitesse atteignant les 54 km par heure. La romancière multiplie ainsi les détails qui témoignent d’un minutieux travail de documentation sur l’esprit de l’époque servant de toile de fond à un fait divers scandaleux, le dîner de l’exposition, que  relaye largement la presse. Aurélia, la protagoniste du roman, gratifie d’une pièce de « cinq centimes » le porteur qui l’aide à transporter sa lourde malle sur son chariot. Le couple anglais avec lequel elle partage son compartiment se déplace avec une bonne, « des couverts en argent armoriés et différents aliments enroulés dans des linges ». On est au milieu du xixe siècle, et bourgeois et aristocrates ne badinent pas avec l’étiquette.

Pourquoi les poètes n’ont jamais de ticket pour le paradis, Claude Donnay (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 02 Juin 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Pourquoi les poètes n’ont jamais de ticket pour le paradis, L’Arbre à paroles, mai 2022, 110 pages, 14 € . Ecrivain(s): Claude Donnay

L’anaphore (poème) ordonne les titres des quarante longs poèmes que Donnay consacre à « la rouille des jours », période noire « de la guerre à exporter » ou autres « ondes noires/ qui suintent des murs ». Friand de poésie et de prose américaines, le poète anime « la route » de ces textes empreints d’actuelle vérité, le « vide des écrans » et la mélancolie sourde qui les nourrit car ces poèmes de souffle, de long cours, respirent une connaissance du monde d’aujourd’hui, tactile et bienveillante quels que soient les accrocs, les avanies. Et tout n’est pas sombre, il y a « le bonheur à gober », les villes enamourées comme Paris pour donner le change et équilibrer ce regard de poète dense :

 

« Il me reste Paris pour toiser les réverbères

et filer les faux prophètes aux dents jaunes,

un papillon de nuit épinglé au revers de ma veste

conjurer les stylets plantés dans les pupilles » (p.99)

Grand-Chien, Mickaël El Fathi (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 02 Juin 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse

Grand-Chien, Mickaël El Fathi, éditions Cipango, octobre 2021, 40 pages, 16 €

 

Nous ne voulons pas d’hommes blancs ici. Les Black Hills nous appartiennent. Si l’homme blanc veut les prendre, je me battrai.

Sitting Bull

Consécration du cheval en terre indienne

Mickaël El Fathi, après avoir beaucoup voyagé et exercé divers métiers, illustre et écrit pour la jeunesse. Il est ainsi l’auteur de plus d’une dizaine de livres. Et c’est sous les auspices de la nation première amérindienne de l’ethnie Lakota, longtemps appelée Sioux, que l’auteur jeunesse nous conte le destin de Grand-Chien. Grand-Chien est la qualification du cheval, « Tashunka, ou Shunka Wakan, le Chien Sacré », comme nous l’indique Maurice Rebeix, dans sa postface. La théogonie animiste stipule que l’ensemble des espèces vivantes et la nature sont profondément reliés, et ce, depuis l’aube des temps. L’acception de ne figurer qu’en relation et contiguïté dans l’univers est la loi adoptée par les tribus des Indiens des Plaines d’Amérique.