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Recensions

Les Confessions d’un petit philosophe, Azorin (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Récits

Les Confessions d’un petit philosophe, Azorin, éditions du Canoë, novembre 2022, trad. espagnol, Isabelle Leymarie, 128 pages, 15 €

Dans une prose simple et prenante, en petits chapitres d’une ou deux pages, Azorin relate son enfance, le collège austère, les prêtres, la mélancolie des villes d’alors, des petites vieilles qui récitent les neuvaines, et les oncles et tantes, tous vieux, tous englués dans les miasmes de la province espagnole. C’est la canicule, les moissons ne vont pas beaucoup donner et il y aura peu de vin. Sous la plume d’Antonio Azorin, c’est toute l’enfance qui défile, c’est toute la vie qui a pu le nourrir. Le ton de ces quarante-sept chapitres est tissé de nostalgie, de mélancolie, d’une angoisse indicible. Le « petit philosophe » n’use pas de grands mots ; sa philosophie, c’est la science de vivre au contact des siens, nourri d’une mémoire saine, et des valeurs universelles de bonté et de compréhension.

Les maisons, les lieux, les jardins ont pour lui l’agrément d’une vie solide : les murs parlent, les lieux ont de quoi nous conter, la vaste plaine qui s’étendait aux yeux de l’enfant fatigué au collège est pour lui une raison d’imaginer la vie, de la prolonger par l’esprit.

Il n’est pas important de posséder beaucoup : quelques vignes suffisent à l’oncle Antonio pour faire de lui un homme heureux et généreux. Il accueille souvent chez lui son neveu.

Sang de nos racines, Francis Gonnet (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 16 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Sang de nos racines, Francis Gonnet, Editions du Cygne, septembre 2022, 56 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

La poésie de Francis Gonnet offre au lecteur une approche contemplative de la nature et de la vie. Dans ce recueil, très joliment préfacé par Anne-Marielle Wilverth, le regard du poète se pose sur la neige et sa pensée rejoint les racines souterraines du réel, « les profondeurs de l’arbre » qui « touchent les lointains horizons ».

Ces racines mêlées font lien « au-delà de nous », fusionnent « en un seul fleuve », « en une seule flamme ». Elles sont un puissant ciment de soutien aux fondations de l’être et aux éléments naturels, elles sont ce qui s’accroche, ce qui empêche l’édifice de s’écrouler. Ainsi, « à flanc de montagne, aux parois limées de neige, s’accrochent les racines noueuses du jour / seules les racines résistent au glissement ».

Francis Gonnet en est convaincu, le mur tient « par les racines du soleil » et au cours de son ascension des mots, lui-même « s’adosse au vent, porté par ses racines ». Il apprécie les « neiges sans fin », le silence qui prend racine lui aussi et qui l’accompagne dans sa contemplation, là « où bat le vent », jusqu’à enfanter de nouvelles racines… Et ainsi de suite dans une série d’embranchements fractals.

Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 14 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard, Gallimard Jeunesse, Coll. Mes contes à déplier, juin 2022, 32 pages, 12,90 € Edition: Gallimard Jeunesse

 

Loup solitaire

Un autre album vient compléter la jolie Collection Mes contes à déplier, dans lequel l’auteur, Philippe Lechermeier, signe à nouveau la variante d’une fable, d’après un conte populaire allemand qui figure parmi ceux recueillis par les frères Grimm. L’action commence de suite par trois coups de théâtre « Toc, toc, toc ! », juste après la mise en garde de mère chèvre. L’auteur construit son récit en introduisant des dialogues souvent de style indirect. Ici, la référence au Petit Chaperon rouge est nette mais ce sont des animaux anthropomorphisés qui entrent en scène, les sept chevreaux. Le chiffre sept a une forte charge symbolique, comme par exemple dans Le Loup et les Sept Chevreaux, Blanche-Neige et les sept nainsles sept marraines de La Belle au bois dormant chez Charles Perrault, les sept fils dans le conte Le Petit Poucet et les bottes de sept lieues ou encore les Sept voyages de Sinbad le marin. En outre, « montrer patte blanche » fait penser à la fable de La Fontaine, Le Loup, la Chèvre et le Chevreau (1668), elle-même inspirée d’une fable d’Ésope.

Un Passage au Maroc, Alain Gorius (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 10 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Voyages, Al Manar

Un Passage au Maroc, Alain Gorius, Al Manar, 2019, photographies, Abderrazzak Benchaâbane, 48 pages, 16 € Edition: Al Manar

 

Ces « notes » d’un ami fervent du Maroc et de ses gens ont pour but de garder des traces d’un « passage », dans ce pays aimé, celui de l’Extrême-Couchant comme Gorius le nomme. Pour dire ces « moments de vie » passés au contact chaleureux des Marocains, humbles ou plus connus, gens de la rue ou artistes, peintres, écrivains, poètes, l’auteur a fait appel, au-delà de ses textes, aux belles photographies de Benchaâbane, en noir et blanc, portraits, scènes de rues ou paysages, femmes au bord de l’océan, visages burinés, regards vifs et intenses. Les voyages ne laissent pas indemnes et c’est leur grandeur que de grappiller la beauté pour qu’elle ne s’étiole pas.

En vingt-quatre courts fragments, d’une prose très poétique, Alain Gorius énonce ses préférences, ses choix, ses pérégrinations. Ses blasons nous valent des textes tendus et tendres, jamais complaisants, avec la distance de l’écriture et du cœur. Et ses textes vibrent, comme le rappel des choses à conserver coûte que coûte. C’est le portrait de femmes, leur beauté insolente ou cachée ; c’est celui d’artistes comme Kacimi, peintre et poète, comme Mohamed Abouelouakar, ou encore à l’image du poète longtemps enfermé à Kenitra, Abdellatif Laâbi.

Version originale, Jean-Claude Götting (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 09 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Arts

Version originale, Jean-Claude Götting, Payot & Rivages, Coll. Virages graphiques, septembre 2022, 96 pages, 22 €

Nous découvrons dans le dernier album graphique de Jean-Claude Götting, Version originale, 40 travaux au format paysage de 26,5 x 20 cm, conçus en une sorte de ciné-roman (cher à Chris Marker), en noir et blanc. Jean-Claude Götting invente le synopsis d’un film intimiste avec des éléments de réminiscences d’histoires d’amour, heureuses ou malheureuses. De mini-événements se télescopent, une phrase courte se lit en sous-titre français sur chaque planche. L’on pense à des morceaux de Son nom de Venise dans Calcutta désert, par le côté décousu du scénario, ou bien de L’Année dernière à Marienbad au vu de l’anonymat des personnages et de la dominante de « l’écriture blanche ».

Des FRAGMENTS sont insérés, dont deux dialogues de Diastème (né en 1966, écrivain, dramaturge et réalisateur), un texte expérimental de Pauline Peyrade (co-responsable du département Écrivain.e.s-Dramaturges de l’ENSATT), un monologue de Charlotte Lagrange (metteuse en scène et dramaturge, formée au TNS), ainsi qu’un dernier dialogue de Vincent Farasse (né en 1979, metteur en scène et comédien).