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Recensions

L’Agent Seventeen, John Brownlow (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 18 Avril 2023. , dans Recensions, Les Livres, Polars, La Une Livres, Iles britanniques, Série Noire (Gallimard)

L’Agent Seventeen, John Brownlow, Gallimard, Coll. Série Noire, mars 2023, trad. anglais, Laurent Boscq, 504 pages, 23 € Edition: Série Noire (Gallimard)

 

Nom : inconnu ; pseudonyme : Seventeen ; profession : tueur à gages ; employeur : Handler. C’est à peu près tout ce que nous saurons du héros de ce gros volume d’environ 500 pages. On peut ajouter qu’il rentre d’une mission à Berlin et que son prochain contrat est de tuer l’agent Sixteen, son prédécesseur. Il sera sans doute ensuite la cible de Eighteen, mais pour le moment, c’est le meilleur. Il sait peu de choses sur les personnes qu’il doit éliminer, juste ce qu’il a pu obtenir en tirant « délicatement » les vers du nez de Handler et surtout il ne sait pas pourquoi il doit le faire. « Efficacité et silence » pourraient être sa devise. Il connaît, bien sûr, tout des armes, pilote des bolides aux vitesses effarantes ou des machines abandonnées depuis des années dont les batteries continuent à alimenter un moulin à peine rouillé. Malgré une hygiène de vie affolante, peu de sommeil, pas de repos, une alimentation déplorable, il sait tirer de son corps le maximum. Il prend des positions qu’un maître yogi ne chercherait même pas à imiter, saute de hauteurs vertigineuses sans bobo, court tout habillé plus vite que Usain Bolt.

Bestiaire, Alexandre Vialatte (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 17 Avril 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Arts, Anthologie, Arléa

Bestiaire, Alexandre Vialatte, Editions Arléa, février 2023, Illust. Philippe Honoré, 168 pages, 11 € Edition: Arléa

 

De la fantaisie érigée en art.

Le genre du Bestiaire s’enracine au plus profond de l’histoire de la littérature. Au Moyen-Age, il connaît ses grandes et riches heures avec des publications fabuleuses comme le « Physiologos » ou encore le « Bestiaire d’Aberdeen ». Dans ces ouvrages, on voit que la relation aux animaux provoque quelque chose de profond qui va de l’admiration à l’interrogation en passant par l’étonnement. Les descriptions des bêtes sont accompagnées de miniatures souvent somptueuses. Que l’on puisse publier un « Bestiaire » signé Alexandre Vialatte, comme le font aujourd’hui les éditions Arléa, ne peut que stimuler notre curiosité. Et l’on n’est pas déçu. On découvrira un Bestiaire non conventionnel, où le loufoque côtoie l’acerbe et où l’absurde rejoint la facétie. Des illustrations-miniatures sont également présentes sous la forme de dessins du regretté Honoré, dessinateur de Charlie-Hebdo, lâchement assassiné un funeste mois de janvier 2015.

A ceux qui ont tout perdu, Avril Bénard (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Jeudi, 13 Avril 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman

A ceux qui ont tout perdu, Avril Bénard, Editions des Instants, janvier 2023, 195 pages, 19 €

 

Que feriez-vous si demain des soldats vous demandaient de faire vos bagages en 2 heures pour prendre un bus et se sauver ? Comment « faire le bagage d’une vie » ? C’est ce qu’a imaginé l’auteure à travers 8 personnages : Manon et Jeanne (sa fille), Louis (son mari), Paul, Marek, une dame âgée, Shoresh (sourd de naissance), Guy (« SDF ») et Totem (son chien). Ainsi qu’une famille nombreuse, qui forme la psyché d’une famille unie et un « je », né comme l’auteure en 1986. La date est importante car elle témoigne du début d’un certain désenchantement du monde industriel. Les années 80 ont créé de jeunes adultes fragiles, une génération qui croit en l’avenir et non pas en dieu. Mais à quel saint se vouer une fois que l’avenir se dissout et que l’on ne réussit plus à l’imaginer ?

Ce roman est particulièrement incisif car il reflète à la fois la légèreté de la vie moderne et sa fragilité. Tout peut basculer du jour au lendemain. L’auteure arrive à jouer plusieurs partitions à partir d’un même évènement. Elle sait mettre en valeur la différence de coloration psychique d’un fait identique qui rebondit de chapitre en chapitre à travers chaque personnage.

Elizabeth Finch, Julian Barnes (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 11 Avril 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Mercure de France

Elizabeth Finch, Julian Barnes, Mercure de France, septembre 2022, trad. anglais, Jean-Pierre Aoustin, 197 pages, 19 € . Ecrivain(s): Julian Barnes Edition: Mercure de France

 

Neil, la trentaine, ex-comédien qui a du mal à se trouver s’est inscrit à un cours pour adultes. Son professeur, Elizabeth Finch, cadre d’emblée la teneur de ses interventions. Son enseignement de « culture et civilisation » fera plus référence à la maïeutique, au dialogue socratique qu’au bourrage de crâne et à la prise de notes. Elle s’adresse à des adultes et souhaite une classe active. Malgré ou à cause de sa vêture : ses chaussures plates, sa jupe qui descend juste au-dessous du genou mais aussi grâce à sa langue juste, précise, son intelligence aiguisée, il émane de sa personne une aura très particulière qui attire entre autres Neil. Ce dernier captivé très vite par ses cours devient un inconditionnel d’E.F. Ainsi, celui qui passait pour un instable, devenu platonicien en herbe ne tarde pas à succomber à ce qu’il faut bien appeler le charme singulier de son professeur. Après avoir entendu un peu de son message sur sainte Ursule et ses onze mille vierges, puis beaucoup plus sur Julien l’Apostat, source inépuisable de « dialogues » il osera l’inviter à déjeuner.

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 07 Avril 2023. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

Le Corsaire Rouge, James Fenimore Cooper, Gallimard, Folio Classique, juin 2021, trad. anglais, Auguste-Jean-Baptiste Defauconpret, 690 pages, 11,50 € Edition: Folio (Gallimard)

Présentée, préfacée et commentée par Philippe Jaworski, cette édition, magnifiquement servie par la traduction, dans un français d’une magistrale pureté classique, de Defauconpret de Thulus, permet à tout lecteur, au prix modeste du format Poche, d’embarquer pour une odyssée marine prodigieuse et conséquemment inoubliable.

L’action commence en 1759, précisément le jour où les habitants du lieu, fidèles sujets de la monarchie anglaise, célèbrent la victoire de l’Angleterre sur la France, laquelle perdait là ses colonies américaines et canadiennes, à Newport, alors petit port de Rhode Island, où mouillent deux navires, le Dauphin et la Royale Caroline, dont la présence, la nature, l’équipage, les qualités opératives, l’élégance, la provenance, la destination, l’activité hypothétique constituent, ponctués d’allusions répétées sur les faits et gestes d’un pirate quasi légendaire qui sillonne et écume l’océan en accumulant prises, massacres et autres forfaits, le sujet principal des conversations qui se nouent sur terre, à l’occasion récurrente de rencontres aux circonstances provoquées ou semblant relever du hasard, entre des personnages qui vont et viennent, en un chassé-croisé dont l’intrigante durée narrative suscite une attente croissante d’il ne sait quoi chez le lecteur littéralement (littérairement) captivé.