Identification

Recensions

Quand s’arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 29 Avril 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Récits, Gallimard

Quand s’arrêtent les larmes, Jean-Noël Pancrazi, Gallimard, Coll. Blanche ? mars 2025, 128 pages, 17 € Edition: Gallimard

 

Fidèle comme Bianciotti et de Ceccatty à une littérature de compassion, le romancier des Quartiers d’hiver renouvelle ici, en une prose très composée, proustienne, le miracle des récits attentifs aux siens. Jadis, ce fut pour rendre hommage à « Madame Arnoul » ou à sa mère « Renée Camps » ou encore à son éditrice si tôt disparue. Aujourd’hui, c’est à Isabelle, sa sœur, soignée pour un cancer que tout un livre est consacré.

C’est l’occasion pour lui de restituer les moments passés durant l’enfance algérienne avant l’exil pour la France et la région de Perpignan.

Des pans d’un passé très riche en souvenirs qui se mêlent à un présent préoccupant, où la maladie tient la plus grande place.

Lui-même, plusieurs années plus tôt, a été gravement malade et hospitalisé à Cognacq-Jay.

David Bowie, L’homme qui venait d’ailleurs, Serge Féray (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Lundi, 28 Avril 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Arts, Le Mot et le Reste

David Bowie, L’homme qui venait d’ailleurs, Serge Féray, Le mot et le reste, février 25, 307 p. 24 € Edition: Le Mot et le Reste

 

Peut-être eût-il fallu inverser titre et sous-titre de l’ouvrage, pour être au plus près de son contenu. Il ne s’agit pas ici d’une biographie sur la carrière musicale de David Jones, mais de montrer en quoi les différents types musicaux abordés par le musicien le prédisposaient à jouer dans L’homme qui venait d’ailleurs. Ceci étant, l’ouvrage n’omet pas pour autant la carrière musicale de David Bowie, détour indispensable pour la cohérence du texte.

Plus de trente pages sont consacrées à l’œuvre musicale de David Bowie, qui ont pour objet de montrer la surprenante diversité du chanteur. Sa fascination pour les masques – on pense bien évidemment à Ziggy Stardust « et l’éclair rouge et bleu qui déchire la nuit électrique » – l’ont conduit à privilégier différentes facettes de sa personnalité, laquelle est alors comme enfouie sous le mille feuilles de ses personnages. Bowie adolescent voulait faire du cinéma, et « Bowie a fait des films sur disques ». En effet, de nombreux albums sont des « concepts » conçus comme des œuvres, très souvent sombres quoi qu’on en dise.

Kalmann, Joachim B. Schmidt (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 11 Avril 2025. , dans Recensions, Les Livres, Polars, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Kalmann, Joachim B. Schmidt, Folio Policier, janvier 2025, trad. allemand, Barbara Fontaine, 368 pages, 9,50 € Edition: Folio (Gallimard)

Tous les romans policiers ne se ressemblent pas, a fortiori tous les romans policiers nordiques. Celui qui nous intéresse se déroule en Islande dans la ville de Raufarhöfn à deux kilomètres du cercle polaire, il s’intitule Kalmann et a été écrit par un auteur suisse. S’il a pour personnage central un cœur simple, un homme d’une trentaine d’années qui fait penser par ses réparties à Forrest Gump, héros du film éponyme, il présente quelques différences. Kalmann Óðinsson a le chef couvert d’un chapeau de cowboy, il porte une étoile de shérif américain et possède, accroché à sa ceinture, un vieux Mauser. Cette tenue qui est le seul héritage de son père d’origine américaine qu’il n’a croisé qu’une seule fois, lui vaut le surnom de « shérif de Raufarhöfn ». Kalmann est l’un des derniers pêcheurs de requin de la région et quasiment l’un des derniers pêcheurs tout court parce qu’une loi sur les quotas de pêche a été imposée dans cette région de l’océan. Avec ses poissons notre pêcheur prépare du hàkarl, du requin mariné, dont il détient la recette de son grand-père et pour lequel il revendique être le second meilleur préparateur de ce mets après son grand-père. Kalmann a une autre passion, il est chasseur. Il prétend avoir vu un ours polaire et poursuit le renard. Particulièrement un renard bleu surnommé Schwarzkopf à cause de sa tête noire comme la tête de femme qui figure sur les flacons de shampoing du même nom.

Cœur berbère, Habiba Benhayoune (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 27 Mars 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Maghreb

Cœur berbère, Habiba Benhayoune, Editions Ardemment, 2022, 210 pages, 19 €

 

Cette autobiographie empreinte d’une profonde sincérité constitue une lecture aussi prenante que celle d’un roman sous bonne tension narrative, tant la vie que raconte l’autrice se compose d’une succession de péripéties, de petits et de grands drames, et de dévoilements d’intimités familiales propres à susciter la compassion, la colère, l’empathie.

Aouïcha, la narratrice, plusieurs fois arrachée, plusieurs fois déracinée, plusieurs fois transplantée, inscrit son existence personnelle aux épisodes instables dans le destin collectif de tribus amazighes rifaines plus ou moins contraintes au nomadisme par les aléas de contextes historiques chaotiques dans une Afrique du Nord coloniale et post-coloniale.

Les parents ont quitté leur Rif natal sous protectorat pour rejoindre en exil en Algérie « française » d’autres membres, nombreux, de la communauté berbère du Maroc. Aouïcha naît donc à Mers-El-Kébir en pleine guerre d’indépendance puis grandit dans un coin isolé de la côte méditerranéenne algérienne où le père s’est installé en se donnant la profession de pêcheur.

Jacaranda, Gaël Faye (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 21 Mars 2025. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset

Jacaranda, Gaël Faye, Grasset, août 2024, 286 pages, 20,90 € Edition: Grasset

 

L’arbre Jacaranda peut sembler symbolique d’un faisceau d’événements : il est à coup sûr le symbole de l’arbre généalogique sous lequel s’abrite l’une des voix de cette histoire, Stella, étoile sous l’arbre de la tradition, image même du sacré bafoué par le massacre de 1994.

Sur fond de génocide au Rwanda, le personnage principal du roman, Milan, narrateur des faits, explore sur le long cours de 1998 à 2020 ses rapports à la fois complexes et clairs avec le pays d’origine, ses parents, sa famille de là-bas.

Les divers voyages à Kigali ou ailleurs lui ont permis de revoir une partie de sa famille, la mère de sa mère, des amis, et même d’avoir l’occasion de se donner un oncle dont il ignorait tout, Claude.

Cherchant à finaliser une thèse sur le génocide, Milan part à la fois pour se retrouver, et pour tenter de comprendre l’insupportable, l’inénarrable dans la souffrance des victimes.