« Et maintenant ? », Bruno Mabille (par Parme Ceriset)
« Et maintenant ? », Bruno Mabille, juin 2025, 260 pages, 22 euros Ed. Jacques-Marie Laffont
Il arrive qu’un deuil, une séparation, le départ d’un parent, et la conjonction de plusieurs événements, bouleversent les repères et remettent en cause l’équilibre interne d’un être, qui avait mis des années à s’installer.
C’est ce qui se produit pour le narrateur de ce roman, dont l’auteur, Bruno Mabille, précise d’emblée qu’il ne s’agit pas de lui, même si « ça aurait pu … », sous-entendant peut-être qu’il partage avec le personnage principal quelques traits de personnalité. On relève en effet dès les premières pages une passion commune pour la poésie et une analogue quête de sens.
Un sentiment de profonde désorientation pousse le héros du récit à embarquer pour Dakar, à bord du « Pourquoi pas ? », à se laisser guider là où l’existence voudra bien le mener.
Est-ce la nostalgie d’une femme à peine effleurée et déjà enfuie, ou la récente disparition maternelle, qui provoque ces violents spasmes et ces nausées, rendant son voyage initiatique très éprouvant ? Est-il à la recherche de lui-même, ou plutôt de ce qu’il sera amené à devenir « maintenant » qu’« Elle » n’est plus là ? Le mal de mer n’est-il pas en réalité l’expression d’un mal de mère ?
Au fil des rencontres et des aventures, le lien à l’autre est interrogé, de même que le rapport au « visage », son « immédiate proximité et son infinie distance ».
La poésie fournit au narrateur quelques pistes de réflexion, de méditation, des signes égrenés sur son chemin comme des indices, les pierres d’un Petit Poucet rêveur. Ainsi un écho récurrent à un poème de Prévert, un café fréquenté jadis par Fernando Pessoa, et ces mots de Jaccottet, figurant aussi en titre d’un recueil de poèmes de Bruno Mabille, qui surgissent de manière imprévue comme pour aider au travail de deuil et recréer un lien invisible avec la mère disparue :
« Entre la plus lointaine étoile et nous, la distance, inimaginable, reste encore comme une ligne, un lien, comme un chemin. »
La question de l’amour est explorée dans ce livre, dans ses composantes charnelle et spirituelle, et même si la dimension physique et la sensualité ne sont absolument pas rejetées, il semblerait que la plus grande admiration, et l’amour le plus pur, soient voués à une femme atteinte d’un cancer, prénommée Marie, que le narrateur promet d’aimer, de façon certes atypique, mais « jusqu’à la mort », et qu’il perçoit, y compris au cœur de ses plus profondes souffrances, dans ses pensées « plus noires qu’une nuit polaire », comme « pleine de grâce » dans son courage et sa grandeur. N’est-elle pas d’ailleurs, aux yeux du narrateur, presque une « Sainte », l’incarnation humaine de la foi ?
« Et maintenant, que vais-je faire ? », disait une célèbre chanson de Gilbert Bécaud. Un homme s’est posé la question, dans ce livre, à un tournant de sa vie. Et si « rien ne peut empêcher ce qui a existé d’avoir été », alors avancer devient possible, et parfois, une simple cérémonie du Thé peut réapprendre à cultiver la joie.
Parme Ceriset
À propos de l’auteur : Bruno Mabille
Bruno Mabille est un auteur français reconnu pour son œuvre poétique, notamment son recueil "À celle qui s'avance", qui lui a valu le prix Louise Labé en 2012. Il participe à de nombreux événements et rencontres artistiques en particulier à Grignan dans la Drôme.
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