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Poésie

Chansons du seuil, Peter Gizzi

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Jeudi, 11 Mai 2017. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Editions José Corti

Chansons du seuil, avril 2017, trad. USA Stéphane Bouquet, 82 pages, 16 € . Ecrivain(s): Peter Gizzi Edition: Editions José Corti

Jamais classique et parfois marquée par une expression des sentiments amoureux, toute la poésie de Peter Gizzi pourrait se synthétiser dans un de ses courts textes Une rosette pour Mike : « mots lignes visages / simuler trace étrange : pluie deuil nuit / le soleil / le soleil »… Peu à peu l’auteur a découvert une voix originale et libre. D’une part en s’orientant à l’écoute du monde, du temps et du corps et en allant insensiblement – effet d’âge sans doute… – vers le doute dans ce qui devient des courts traités de réflexion et de rêveries qui n’ont rien d’évanescentes. Un approfondissement des sensations s’inscrit à la manière « d’un récit froid » qui ne manque pas pour autant de chaleur.

Le poète prouve que sombre et noir ne sont pas un même concept. Le sombre n’est jamais brillant, il ne peut refléter la lumière. Le noir à l’inverse peut briller et renvoyer la clarté. Le sombre est gris, il est entre ce qui soustrait la vue et la rend visible. Le noir est une couleur : il gagne donc en intensité. C’est seulement en absence de lumière que le gris l’acquiert. Mais le poète américain prouve aussi que les couleurs existent réellement près de l’obscur comme les mots ne parlent que près du silence. D’où la maturité originale des Chansons du seuil. En émanent un regard et une émotion en un paradoxe de fantaisie, de réalité et d’encre qui lie l’ensemble de chaque texte.

Le sable de la terre, Ismaël Savadogo

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mercredi, 10 Mai 2017. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le sable de la terre, éd. Lavoir Saint-Martin, 2015, 39 pages, 10 € . Ecrivain(s): Ismaël Savadogo

 

Le recueil Le sable de la terre commence ainsi (p.7) :

 

« Marcher en plein soleil

par un jour non élucidé,

 

marcherons-nous encore

même si nous sommes parvenus

à un arbre ?

 

la réponse à cette question

est de ne pas s’arrêter :

Fragments, Corinne Pluchart

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 09 Mai 2017. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Fragments, Éd. Vagamundo, 2016, 144 pages, 13 € . Ecrivain(s): Corinne Pluchart

 

Fragments est un recueil de silences, et n’est-ce pas le plus difficile à atteindre avec des mots : le silence ? Ici, ils sont de différentes textures, ponctués de souffle, recueillis comme une prière ou « le silence brutal – coupant la gorge ». Les images sont comme des petites taches devant les yeux, des taches de bleu souvent, ou plus grises, plus sombres comme la pierre, le granit.

 

– et de s’écorcher les genoux

sur la ténacité des pierres.

 

Il y a le vide, l’absence,

Ecrits sur la poésie, Jean-Paul Michel

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 04 Mai 2017. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Flammarion

Ecrits sur la poésie, 312 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jean-Paul Michel Edition: Flammarion

 

Voici un ouvrage qui devrait faire référence pour quiconque s’intéresse à la poésie en particulier et à la création en général. Jean-Paul Michel, poète, critique, s’interroge, est interrogé, et interroge dans une suite d’entretiens, de correspondances, de retours sur son œuvre, et de réflexions critiques, sociologiques, philosophiques sur l’art, les artistes, les œuvres artistiques.

L’ouvrage est divisé en huit périodes de la vie littéraire de l’auteur.

1/ Ecrits sur la poésie (1981-1992)

En préambule : qu’est-ce donc qu’un grand livre ? Citant quelques poètes, écrivains, philosophes, l’auteur prend pour exemple Hölderlin dont le nom revient mille et une fois dans le cours de ces Ecrits sur la poésie, et énonce un premier postulat : « Un grand livre se connaît à ceci, hélas : il fait mal ».

Mais pour en arriver à une lecture qui fasse mal, explique Jean-Paul Michel dans une lettre à Robert Bréchon, le travail de l’écriture devra avoir été, d’une évidente nécessité, toute de violence et de souffrance pour l’écrivain.

Ni bruit ni fureur, Lucien Suel

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mercredi, 03 Mai 2017. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde

Ni bruit ni fureur, mars 2017, 176 pages, 16 € . Ecrivain(s): Lucien Suel Edition: La Table Ronde

 

Pas de bruit ni de fureur mais beaucoup d’empathie pour les mondes enfouis, l’enfance, la Mer du nord, les filles du Nord, les jardins. Les disparus, à la pelle, reçoivent force hommages et mercis.

La langue de Suel offre une diversité stylistique qui donne à ses poèmes marque et personnalité. Ce sont tantôt de très longs poèmes debout, serrés ; ce sont des proses en « semailles » et « narcisses », des « tombeaux » à l’adresse de plusieurs Christophe (Tarkos, Wattel) comme des inventaires prévertiens ; ce sont des inventives litanies poétiques où il se définit « dans la cathédrale de mes os ». Cette langue, prompte à convier des mots rares, des images elliptiques, des descriptions entomologiques et botaniques, renoue avec l’enfance des sensations : « la brouette du maçon », « l’évier blanc émaillé », « la fille du jardinier (qui) récolte les haricots de l’été », les mots picards (muchelot muché), les noms du nord (Wittebecque), les os de Rachel et de tant d’autres.