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Poésie

Les Clameurs de la Ronde, Arthur Yasmine (2ème critique)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 06 Novembre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les Clameurs de la Ronde, Carnet d’Art Editions, mai 2015, 85 pages, 9 € . Ecrivain(s): Arthur Yasmine

 

« Pour quel éclair, hein ? On l’a jeté, le miroir… On l’a jeté… comme ça… au puits… au temps !… Un essaim de cendres que c’était ! Oh, toutes les brisures, tous les éclats qu’on a bouffés… Oh oui, le feu, on l’a payé ! Avec beaucoup de nuits même ! Bien pauvre ! Bien puant ! Tout seul qu’on était ! Tout seul à se ronger la peau pour des poèmes… Bien sûr qu’elles y étaient les plaies ! La poisse, le vertige, le sol, le ciel, on les a raclés sur la lyre… ».

Ces premières lignes fulgurantes de l’Avis au Lecteur servant de prologue à l’éclatant recueil d’Arthur Yasmine contiennent à la fois sa profession de foi personnelle, son manifeste poétique, une affirmation de la spécificité de son écriture, et une introspection douloureuse dans son âme de poète.

Car Arthur Yasmine est un poète – un vrai ! – qui, dans cet opuscule, hurle sa colère et son désespoir de voir que l’expression poétique est donnée pour moribonde, voire est déclarée morte par les éditeurs qui rechignent de plus en plus, pour des raisons trivialement commerciales, d’inscrire la poésie dans leur ligne éditoriale.

Le règne de barbarie, Abdellatif Laâbi

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 29 Octobre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays arabes, Maghreb, Seuil

Le règne de barbarie, 1980 (Préface de Ghislain Ripault), 160 pages, 13 € . Ecrivain(s): Abdellatif Laâbi Edition: Seuil

 

Ce recueil de poèmes est un long cri de souffrance et de révolte. Publié en 1972 alors que son auteur, le poète marocain Abdellatif Laâbi, fondateur de la revue Souffles, dépérissait et pourrissait au secret des cellules de la prison de Kenitra, livré au bon vouloir sadique des tortionnaires de Hassan II, en pleines années de plomb, Le règne de barbarie se lit avec les tripes, avec les poings serrés, avec des saccades de sanglots, durs comme du fer, qui vous montent, ligne après ligne, exploser à la gueule.

Ce recueil de colères est un long hurlement de loup blessé, aux chairs prises dans les crocs de l’arbitraire du traqueur de liberté.

Préfacé par Ghislain Ripault, autre poète, qui en 1972 était coopérant français au Maroc, Le règne de barbarie ne se lit pas, mais se vit, se chevauche, se galope comme la noire monture de l’apocalypse, annonciatrice de la fin des temps des sombres seigneurs et de l’époque des vengeances éclatantes et justes des peuples : « Il est temps de dire pourquoi je dégueule ce monde ».

Et quand tu écriras, Sylvie-E. Saliceti

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Samedi, 17 Octobre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Et quand tu écriras, éd. La Porte, 2015, 15 pages . Ecrivain(s): Sylvie-E. Saliceti

 

Et quand tu écriras, livret d’une quinzaine de pages paru au 2e trimestre 2015 aux Éditions La Porte et dont l’auteur est Sylvie-E. Saliceti, est un long poème « écrit en suite d’un beau jour » de mai, composé de vers libres sur le seuil d’une écriture sensible à l’écoute du temps – un temps qui se recueille – et qui regarde sans se regarder, sobre et dense, jamais complaisante.

Nous ne sommes pas ici dans le monde d’un énième Narcisse (Et quand tu écriras, ne regarde pas / ce que tu écris, pense au soleil / qui brûle sans voir, conseille Gonzalo Rojas cité en exergue du poème) ni chez Orphée, puisqu’il ne s’agit pas de se regarder écrire le monde autour de soi, ni de se retourner vers un passé enfui, mais de se laisser porter par la spontanéité de l’instant (Et quand tu écriras ne regarde pas le temps) et de laisser venir à soi « l’abandon » et de regarder : se lever et s’arrêter à la nuit le temps, le soleil, « la durée des choses », le ciel, les visages effacés, la lumière déclinante, dans « un livre d’exil et de retour » rythmé par le temps d’une écriture lézardée mais aussi, pleine d’étoiles.

En regard sur Lino de Giuli, Alain Marc

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 06 Octobre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Éditions Dumerchez

En regard sur Lino de Giuli, août 2015, 59 pages, 20 € . Ecrivain(s): Alain Marc Edition: Éditions Dumerchez

 

« Lino de Giuli voudrait tenir les deux fils du vide et des interstices », cite l’exergue placé sur le rabat de la quatrième de couverture de ce bel ouvrage publié par les éditions Dumerchez. Tandis que la page de garde pose la question du poète : « Tenter de répondre à cette question : / les mots, le poème, sont-ils capables de traduire au plus près, le visuel ? »

Cette mise en regard des créations (peintures, sculpture, installation) du peintre-plasticien Lino de Giuli, et des créations du poète Alain Marc (auteur de plus d’une dizaine de livres), cette rencontre où les mots du poète posent leurs regards et leur langue (poétique) sur les représentations créatives de l’art(-iste) visuel, relance la question permanente des vases communicants entre poésie et création artistique.

Les éditions Dumerchez proposent ainsi ces livres de belle facture au contenu de haute qualité, livre d’artiste justement défini par Bernard Noël comme le carrefour d’un échange à trois personnages :

Asinus in fabula, Guido Furci

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 21 Septembre 2015. , dans Poésie, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Cardère éditions

Asinus in fabula, avril 2015, 61 pages, 12 € . Ecrivain(s): Guido Furci Edition: Cardère éditions

 

Comme une comptine à tue-tête, un refrain qui s’entête, asinus in fabula, c’est bizarre, c’est étrange et ça remue en dedans, ça nous embarque, nous entraîne comme un manège un peu fou, une comptine un peu noire, un peu effrayante même, « comme les coiffures des années 80 », comme le joueur de flûte de Hamelin qui viendrait chercher les mots pour aller les perdre quelque part, loin, là où ils ne pourraient plus dire le « cauchemar cauchemardesque », parce qu’ici les mots tricotent un texte de douleur et il faut absolument le détricoter. Au beau milieu des mots, un âne s’envole pour la lune, car il a les oreilles en forme d’hélice, vrillées c’est sûr, à force d’écouter la ritournelle qui s’emballe, tricote, détricote, et à la fin, les mots se répètent mais c’est raturé, barré, terminé, annulé. Asinus in fabula c’est dans la tête, un manège dans la tête qui rend un peu fou, un peu cruel et absurde, comme la mort quand elle prend un enfant de trois ans, un enfant comme Nicolas qui avait une maladie rare, Nicolas le cousin de Marion, moi je ne l’ai pas dit, c’est dans le livre et ça n’y est pas, c’est comme ça qu’on peut parler de ce qui ne tient pas dans les mots, alors on les jette en l’air, on les bat, on les mélange, on les rebat