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Iles britanniques

Des vies à écrire, David Lodge

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 18 Décembre 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Rivages

Des vies à écrire (Lives in writing). Traduit de l’anglais par Martine Aubert. Octobre 2014. 245 p. 21 € . Ecrivain(s): David Lodge Edition: Rivages

 

On savait la passion de David Lodge pour l’art de la biographie. Dans ses dernières publications on compte deux énormes volumes sur Henry James (Author ! Author ! …) et sur H.G. Wells (Un homme de tempérament)*. C’est de cette passion, et de quelques écrivains (et un cinéaste !) qu’il est question dans ce recueil. Car il s’agit d’un recueil de relativement courts articles biographiques.

Biographiques ? Tout est toujours plus complexe avec Lodge : on est en abyme car la plupart de ces articles – biographiques – portent sur des personnes mais à travers le prisme d’une biographie écrite par quelqu’un d’autre que Lodge. Il parle d’écrivains en s’appuyant sur une bio connue de ces écrivains. Compliqué ? Point du tout. Le talent de David Lodge est de se glisser brillamment dans l’entre-deux et de faire valoir sa lumière, son regard, sur des personnages qu’il aime. Un des secrets de David Lodge, peut-être le plus éminent, l’empathie ou, plus encore, l’amour qu’il porte aux écrivains dont il parle. C’est là d’ailleurs un trait que l’on peut sans dommage pousser à la généralité : peut-on imaginer un biographe qui se pencherait sur une personne qu’il n’aime pas ?

Contes et légendes inachevés, Intégrale, J.R.R. Tolkien

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 11 Décembre 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, La Une Livres, Fantastique, La rentrée littéraire, Contes, Pocket

Contes et légendes inachevés, Intégrale, mai 2014, traduction de l'anglais de Christopher Tolkien, 527 pages, 8,80 € . Ecrivain(s): J. R. R. Tolkien Edition: Pocket

 

Histoire vient du grec historia, le récit. Il s’agissait d’abord d’une narration fictive puis Hérodote décida au Ve siècle avant Jésus-Christ que l’histoire raconterait ce qui était arrivé réellement aux hommes pour que le souvenir ne s’en perde pas.

Qui mieux que Tolkien a joué sur cette marge étymologique ? Son lecteur sait pertinemment que tout ce qu’il raconte est né de son imagination mais l’imbrication complexe des événements et la foule de détails réalistes sont troublantes. Le titre Contes et légendes inachevés ne laisse pourtant planer aucun doute sur le degré de fiction des textes qui y sont rassemblés, même si en remontant au passé de la Terre du Milieu, bien connue par les amateurs de la trilogie Le Seigneur des anneaux, Tolkien feint d’être l’historien des trois Âges. Un doute serait pourtant presque permis quand sous le narrateur Tolkien sévissent le généalogiste, le cartographe et le philologue. N’est-il pas le premier auteur de fiction, et en cela un précurseur, à dresser un arbre généalogique, tracer à la main les cartes du lieu où se déroule l’action ou indiquer en note l’étymologie des mots qu’il a inventés ? Simbelmynë, fleurs égayant les tertres funéraires dans la langue des Rohirrim : le rêve commence.

Le ravissement des innocents, Taiye Selasi

Ecrit par Theo Ananissoh , le Jeudi, 13 Novembre 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Le ravissement des innocents, traduction de l'anglais de Sylvie Schneider, septembre 2014, 366 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Taiye Selasi Edition: Gallimard

 

Ce roman est un avènement. Et il est simplement logique que cela soit produit par un anglophone – une (et jeune – 35 ans), en l’occurrence.

 

« Le mari de la sœur, dont le prénom échappe toujours à Olu (aussi banal que Brian ou Tim, un Californien, cheveux, teint et pantalon clairs), s’esclaffa et demanda : “De quelle origine ?

– L’Empire, répondit Folá, sans cesser de glousser. Le Britannique”.

Brian/Tim rit, Ling et Lee-Ann aussi. Le docteur Wei et Mme Wei se crispèrent, Olu aussi. Il scruta le ciel. Début juin. “Quelle chaleur !” ».

L’homme provisoire, Sebastian Barry

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 31 Octobre 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

L’homme provisoire, traduction de l’anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paoloni, septembre 2014, 248 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

 

 

Le volume moyen du livre trompe à première vue sur l’ambition, merveilleusement accomplie, de son auteur. L’homme provisoire de l’Irlandais Sebastian Barry, en réalité, est une somme ; un ouvrage complet. Jack McNulty, le narrateur, rencontre la belle Mai (Mary) en 1922 alors qu’ils sont tous deux à peine sortis de l’adolescence. Nous les verrons devenir parents, puis grands-parents. 1922, c’est l’année de la reconnaissance par le Royaume-Uni de l’Indépendance irlandaise proclamée par les nationalistes en 1916. Entre ces deux dates, une guerre sanglante pour se libérer d’une domination coloniale vieille de quelque sept cents ans ! Cela explique qu’elle est aussi une douloureuse guerre civile, présente jusqu’au sein des familles comme celle de McNulty dont un frère, engagé dans les rangs de la Police Royale Irlandaise (au service des Britanniques), doit fuir le pays indépendant, quittant ainsi à jamais une mère éplorée.

Moisson, Jim Crace

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Octobre 2014. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Rivages

Moisson (Harvest) Traduction de l’anglais Laetitia Devaux Août 2014. 266 p. 20 € . Ecrivain(s): Jim Crace Edition: Rivages

 

La lecture de Moisson est une expérience littéraire qui se fait rare : lire un roman du début du XIXème siècle américain écrit en 2014, vous l’avouerez, ce n’est pas commun. Et lire un chef-d’œuvre du XIXème siècle écrit aujourd’hui est encore plus stupéfiant. Bien au contraire. Cette lecture est un bonheur de chaque instant, une sorte de voyage – dans l’espace certes puisque nous sommes en … - mais surtout dans le temps. Parce que l’histoire se situe en … mais aussi parce que Jim Crace écrit comme le faisait un Washington Irving ou les sœurs Brontë, dans une langue classique et dans un élan propre au romantisme littéraire.

Les points de suspension qui précèdent ne sont pas un oubli ou une erreur. On ne sait réellement pas où se situe l’action, ni quand. Jim Crace s’inscrit délibérément dans une sorte de nulle part hors temps qui accentue encore le sentiment d’universalité et d’éternité que sécrète ce roman. A la manière vraiment des contes anciens « il était une fois, dans un pays imaginaire … ». Pays – village - coupé du monde. Le narrateur est un « immigré » mais il a fini par s’intégrer totalement à ce monde isolé, consanguin, ce « royaume de parentèle »