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Iles britanniques

La chambre blanche, Martyn Waites

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 10 Novembre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Rivages/Thriller

La chambre blanche, septembre 2015, traduit de l’anglais par Alexis Nolent, 432 pages, 22 € . Ecrivain(s): Martyn Waites Edition: Rivages/Thriller

 

Martyn Waites est né à Newcastle upon Tyne, ville du Nord-est de l’Angleterre, bien connue pour son club de football, ses pubs, mais aussi pour avoir été bâtie sur un important ban houiller qui donna travail et nourriture pendant de longues années à ses habitants. C’est donc assez naturellement que l’auteur puise les sujets de ses livres dans l’histoire économico-sociale de cette région pour brosser au fil de romans noirs, voire très noirs, la destinée souvent tragique d’hommes et de femmes depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’aux années Thatcher. Trente-cinq années de réformes et d’avantages sociaux sous la houlette de gouvernements en majorité travaillistes, de Clément Attlee à James Callaghan, brutalement balayés par un Premier Ministre décidé, entre autres choses, à briser la puissance des syndicats. Si la question minière et les grèves de 1984-1985 sont au cœur de son remarquable roman Né sous les coups, traduit en français et publié par les éditions Rivages, dans La chambre blanche l’auteur aborde le thème de la rénovation urbaine, autre élément phare de l’après-guerre.

Les Filles du Pasteur, D.H. Lawrence

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 09 Novembre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

Les Filles du Pasteur, trad. de l’anglais par Colette Vercken et Bernard Jean, 272 pages, 9,90 € . Ecrivain(s): D. H. Lawrence Edition: Gallimard

 

En 1914, D.H. Lawrence (1885-1930) publie son premier recueil de nouvelles, intitulé The Prussian Officer, dont sont extraites les sept nouvelles traduites en français et réunies sous le titre Les Filles du Pasteur. Il n’a alors publié que trois romans, dont un au moins a rencontré un certain succès critique, Amants et Fils (1913), mais on est encore loin du roman qui lui vaudra sa réputation, littéraire et sulfureuse à la fois, L’Amant de Lady Chatterley (1928), l’un des romans les plus puissants du vingtième siècle. Pourtant, dans les sept nouvelles ici réunies, certaines des thématiques propres à l’œuvre de Lawrence sont déjà présentes, et développées avec talent dans des histoires solides aux personnages consistants.

La nouvelle qui donne son titre au recueil voit Lawrence puiser son inspiration, comme il le fera pour, par exemple, La Fille Perdue (1920), dans son histoire familiale, lui le fils de mineur qui grandit dans une petite ville du centre de l’Angleterre : elle raconte l’histoire d’un pasteur anglican pauvre s’établissant à « Aldecross », ayant avec sa femme plusieurs enfants, parmi lesquels deux filles, Mary et Louisa. Cette nouvelle, longue d’environ quatre-vingts pages, offre un aperçu sur ce que peut être la vie dans une petite ville minière, la pauvreté qui s’y accroche – on est quasi du côté d’Orwell, à se demander si celui-ci n’aurait pas lu Lawrence dans sa jeunesse…

La Zone d’Intérêt, Martin Amis

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 31 Octobre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Calmann-Lévy

La Zone d’Intérêt, août 2015, trad. anglais (GB) par Bernard Turle, 400 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Martin Amis Edition: Calmann-Lévy

 

La Zone d’Intérêt est le dernier roman en date de Martin Amis (1949), et il a été l’objet du scandale d’une rentrée littéraire coutumière dans ses extases pré-programmées et sa tiédeur éditoriale ; pensez donc : Gallimard, éditeur historique des romans de l’auteur de London Fields, a refusé La Zone d’Intérêt, et c’est Calmann-Lévy qui a hérité de la potentielle bombe littéraire qu’est ce roman. Autant l’annoncer de suite : en fait de bombe littéraire, on a surtout affaire à un pétard mouillé.

Certes, le sujet en est sulfureux en apparence : dans le camp de concentration fictif Kat Zet I, situé en Pologne et ressemblant comme un frère à Auschwitz, des personnages, allemands pour la plupart, s’ébattent, font état de leurs petites misères existentielles, connaissent de sordides histoires de coucherie… Un officier SS, Angelus Thomsen, aryen au « physique idéal » et, pas si accessoirement que ça, neveu de Martin Bormann, tombe amoureux de Hannah, la femme du commandant du camp, Paul Doll, ce qui incite le second à faire suivre le premier, comme dans un vulgaire vaudeville…

Charlie le Simple, Ciarán Collins

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 28 Octobre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Charlie le Simple, Ciarán Collins, Joëlle Losfeld, octobre 2015, trad. de l’anglais (Irlande) par Marie-Hélène Dumas, 432 pages, 26,50 € . Ecrivain(s): Ciarán Collins Edition: Joelle Losfeld

 

Il était une fois, à Ballyronan, « un très joli coin » dans la région de Cork, en Irlande, un couple d’amoureux, Sinéad et James, qui avait un ami, Charlie McCarthy, et celui-ci entreprit de raconter leur histoire à tous trois, une histoire de fin d’adolescence, d’êtres d’exception et de musique sans laquelle la vie n’a aucun sens. Voilà, en quelques mots, résumé le premier roman de Ciarán Collins (1977), auteur irlandais de Charlie le Simple (The Gamal en anglais) qui, depuis sa sortie en 2013, a convaincu par sa puissance une bonne partie de la presse anglo-saxonne, des deux côtés de l’Atlantique, ainsi que le lectorat allemand, avant de tenter l’aventure en terres francophones. A ce sujet, avant même d’évoquer le roman et ses qualités, célébrons le travail de la traductrice française, Marie-Hélène Dumas qui, contrairement à nombre de ses confrères, ne s’est pas pris les pieds dans les expressions liées à la musique : au contraire, elle a tout rendu avec sensibilité, et Charlie le Simple n’est pas un de ces romans où le lecteur vaguement anglophile s’amuse à retrouver les expressions typiquement anglo-saxonnes sous un vernis francophone.

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, Darragh McKeon

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Lundi, 26 Octobre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond, La rentrée littéraire

Tout ce qui est solide se dissout dans l’air, août 2015, traduit de l’anglais par Carine Chichereau, 400 pages, 22 € . Ecrivain(s): Darragh McKeon Edition: Belfond

 

« Le passé exige qu’on lui soit fidèle.

Je me dis souvent que c’est la seule chose qui nous appartienne vraiment ».

 

Le premier roman de l’Irlandais Darragh McKeon se situe sur fond brouillé de notre mémoire et déjà oublié, même si Fukushima est passé par là. Toile de la catastrophe de Tchernobyl, de la remise en question forcée de l’empire soviétique, de l’insouciance des hommes à accepter l’inévitable, c’est-à-dire leur insondable stupidité face à tout pouvoir qui vous empêche de voir, de vivre la réalité d’un monde plus respectueux des hommes et de la nature. Mais cette peinture a visiblement disparu de notre regard, obsédé par notre image de Dorian Gray. Ou peut-être que notre génération n’est pas digne des meilleurs lendemains. Il faut dire que nous ne chantons plus, nous nous taisons et nous mourons tel un asticot pendu à l’hameçon de nos péchés, sans aucun souvenir de notre sacrifice !