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Iles britanniques

La Belle et le Fuseau, Neil Gaiman

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 12 Février 2016. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

La Belle et le Fuseau, octobre 2015, trad. anglais Valérie Le Plouhinec, ill. Chris Riddell, 68 pages, 19 € . Ecrivain(s): Neil Gaiman Edition: Albin Michel

Dans le recueil Miroirs et Fumée, traduit en français en 2000, se trouve une nouvelle extraordinaire, intitulée Neige, Verre et Pommes, dans laquelle Neil Gaiman (1960) réinvente, perturbe et inverse tout à fait l’histoire de Blanche-Neige ; pour s’attaquer à pareil pilier de l’inconscient collectif et sortir vainqueur par transmutation de la confrontation, il faut un talent littéraire plus que certain – ça tombe bien, c’est celui qu’on attribue à Neil Gaiman depuis qu’on a été confronté à sa plume, c’est-à-dire depuis De Bons Présages (1995 en français). Et on le lui attribue aussi pour ses livres à destination de la jeunesse, dont on sait que bien des adultes les lisent en cachette, voire au grand jour, et en retirent un plaisir sans mélange.

Ainsi donc de La Belle et le Fuseau, bref conte (une soixantaine de pages dont bon nombre contiennent des illustrations signées Chris Riddell) qui s’approprie et réinvente au moins deux histoires : La Belle au Bois Dormant, d’évidente façon (quiconque n’a pas souvenir d’une vague histoire de fuseau peut aller voir du côté des frères Grimm, de Perrault ou de Disney de quoi il retourne avant de revenir à Neil Gaiman), et, à nouveau, Blanche-Neige, puisque l’héroïne du présent récit a passé du temps dans un cercueil de verre, s’entend bien avec des nains et a une connaissance intime d’une « Sombre Majesté ».

La Petite Dorrit, Charles Dickens

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Roman

La Petite Dorrit, Archipoche, avril 2015, trad. de l’anglais par Paul Lorain, révisée par Géraldine Barbe, 2 tomes, 640 pages & 600 pages, 9,65 € & 9,65 € . Ecrivain(s): Charles Dickens

 

Seizième roman de Charles Dickens (1812-1870), souvent présenté, parmi d’autres, comme emblématique de son œuvre, La Petite Dorrit (1855-1857) connut une première publication en dix-neuf livraisons, réunies en deux tomes par l’auteur ; c’est cette subdivision en deux tomes, pratique, qu’ont choisi de respecter les éditions Archi Poche pour cette réédition à la traduction révisée.

Le premier tome est celui de la « pauvreté », ainsi que Dickens l’a intitulé, et l’on voit effectivement Amy Dorrit se vendre comme couturière pour faire vivre son père William, emprisonné à la Marshalsea depuis avant sa naissance ; cet emprisonnement montre le véritable sujet de ce roman : la stupidité, voire l’imbécillité de nombreuses institutions anglaises. Ainsi de la Marshalsea, prison pour dettes que fréquenta le père de l’auteur : on ne peut en sortir qu’une fois ses dettes réglées, alors qu’on ne peut travailler… En poussant le raisonnement jusqu’au bout, on se retrouve, comme le père de la petite Dorrit, à mener la vie d’un « père » putatif pour tous les pensionnaires occasionnels de cette prison…

1984, George Orwell

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 28 Novembre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

. Ecrivain(s): George Orwell Edition: Folio (Gallimard)

 

La réédition de 1984 (1948, toujours dans la très bonne traduction d’Amélie Audiberti) est l’occasion de relire l’ultime roman de George Orwell (1903-1950), l’un des plus grands penseurs anglais du XXe siècle, auteur de romans et d’essais, dont certains sont de toute première importance. De le relire, parce que tout le monde, censément, l’a lu, étant donné le nombre de références qui y sont faites quotidiennement dans la presse, de la télé-réalité à l’affaire Snowden en passant par l’omniprésence des caméras de surveillance en Grande-Bretagne : régulièrement, l’actualité semble l’occasion de faire une référence à ce roman que l’on qualifie volontiers de visionnaire.

Rappelons brièvement l’histoire : dans un futur qu’Orwell envisage proche (l’année est 1984), la Terre est divisée entre trois grandes puissances en guerre perpétuelle, Océania, Estasia et Eurasia, avec des alliances fluctuantes. A Londres, dans l’Océania, Winston Smith est employé au Ministère de la Vérité, où sa fonction consiste à réécrire entre autres des articles de journaux en fonction des fluctuations de l’actualité, ou plutôt de la réalité :

La chambre blanche, Martyn Waites

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 10 Novembre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Rivages/Thriller

La chambre blanche, septembre 2015, traduit de l’anglais par Alexis Nolent, 432 pages, 22 € . Ecrivain(s): Martyn Waites Edition: Rivages/Thriller

 

Martyn Waites est né à Newcastle upon Tyne, ville du Nord-est de l’Angleterre, bien connue pour son club de football, ses pubs, mais aussi pour avoir été bâtie sur un important ban houiller qui donna travail et nourriture pendant de longues années à ses habitants. C’est donc assez naturellement que l’auteur puise les sujets de ses livres dans l’histoire économico-sociale de cette région pour brosser au fil de romans noirs, voire très noirs, la destinée souvent tragique d’hommes et de femmes depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’aux années Thatcher. Trente-cinq années de réformes et d’avantages sociaux sous la houlette de gouvernements en majorité travaillistes, de Clément Attlee à James Callaghan, brutalement balayés par un Premier Ministre décidé, entre autres choses, à briser la puissance des syndicats. Si la question minière et les grèves de 1984-1985 sont au cœur de son remarquable roman Né sous les coups, traduit en français et publié par les éditions Rivages, dans La chambre blanche l’auteur aborde le thème de la rénovation urbaine, autre élément phare de l’après-guerre.

Les Filles du Pasteur, D.H. Lawrence

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 09 Novembre 2015. , dans Iles britanniques, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallimard

Les Filles du Pasteur, trad. de l’anglais par Colette Vercken et Bernard Jean, 272 pages, 9,90 € . Ecrivain(s): D. H. Lawrence Edition: Gallimard

 

En 1914, D.H. Lawrence (1885-1930) publie son premier recueil de nouvelles, intitulé The Prussian Officer, dont sont extraites les sept nouvelles traduites en français et réunies sous le titre Les Filles du Pasteur. Il n’a alors publié que trois romans, dont un au moins a rencontré un certain succès critique, Amants et Fils (1913), mais on est encore loin du roman qui lui vaudra sa réputation, littéraire et sulfureuse à la fois, L’Amant de Lady Chatterley (1928), l’un des romans les plus puissants du vingtième siècle. Pourtant, dans les sept nouvelles ici réunies, certaines des thématiques propres à l’œuvre de Lawrence sont déjà présentes, et développées avec talent dans des histoires solides aux personnages consistants.

La nouvelle qui donne son titre au recueil voit Lawrence puiser son inspiration, comme il le fera pour, par exemple, La Fille Perdue (1920), dans son histoire familiale, lui le fils de mineur qui grandit dans une petite ville du centre de l’Angleterre : elle raconte l’histoire d’un pasteur anglican pauvre s’établissant à « Aldecross », ayant avec sa femme plusieurs enfants, parmi lesquels deux filles, Mary et Louisa. Cette nouvelle, longue d’environ quatre-vingts pages, offre un aperçu sur ce que peut être la vie dans une petite ville minière, la pauvreté qui s’y accroche – on est quasi du côté d’Orwell, à se demander si celui-ci n’aurait pas lu Lawrence dans sa jeunesse…